Chaque mois, dans ses 10 premiers jours, tout comme je le fais pour la littérature (dans ses 10 derniers) et tout comme je le fais pour la musique (vers le milieu) je vous parles de l'une de mes 3 immenses passions: le cinéma !
Je l'ai surconsommé, le fais encore, étudié, en fût diplômé, y ai travaillé en fût primé, en suis sorti, mais le cinéma ne sortira jamais de moi.
LEAVING LAS VEGAS de MIKE FIGGIS.
L'écrivain John O'Brien s'est enlevé la vie en 1994, à 33 ans, deux semaines après avoir appris que son livre allait être adapté au cinéma par Mike Figgis. Ses proches ont tous dit que son livre avait été sa lettre d'adieu.
Le film de Figgis n'est pas une histoire d'amour, bien qu'elle en donne l'impression, mais celle de deux désespérés utilisant l'amour comme une forme de prière et dernier recours à l'arrêt de leurs souffrances. C'est aussi, forcément, un triste portrait des derniers stages de l'alcoolisme. Si vous trouvez ce film "trop extrême", vous êtes simplement chanceux/chanceuse de ne jamais avoir approché ce stade.
On sent la profondeur du mal et l'étendue des gens qui connaissent son mal quand il se rend dans un bar pour demander à un ami pour un prêt, que ce dernier lui fera, en lui disant "Ne le bois pas ici, svp". Les yeux qui pointent ailleurs des "proches" et la distance naturellement creusée par les alcooliques graves est bien dessinées dans l'arc narratif. Ben a perdu sa famille, on le voit aussi se faire virer par son travail. Il est en mission pour boire l'entièreté de sa généreuse prime de départ. Il dit ouvertement vouloir la boire à mort.
Cage livre une grande performance d'homme en train d'imploser. Cage traine le personnage en enfer. Il y a une scène, à la banque, où il n'arrive pas à signer un document car sa main tremble de manquer de sa dépendance. Il s'en sort. pour expliquer son tremblement, en disant à l'employée de banque inquiète, qu'il vient d'avoir une opération au cerveau. On sent le charme qu'il a peut-être déjà eu par le passé car lorsqu'il est viré, son patron le fait avec affection. Mais même ces moments de tendresse sentie ne sont généralement pas des moments de plaisirs pour les alcooliques mais plutôt de temporaires libérations de la douleur.
"Tu ne peux jamais me dire d'arrêter de boire, tu comprends ?" lui dit-il comme entente commune dès le début. "I do, I really really do" signe-t-elle de sa douce voix complice. Comme prostituée à Vegas, elle a vu des clients de toutes sortes. Des gens intoxiqués par dizaines. Mais elle confesse en thérapie ne jamais avoir croisé d'alcoolique en phase terminale comme lui.
Celle que nous habitons depuis hier. Et ce, jusqu'au 15 mars prochain.
Ben ne veut pas de fin impulsive, mais une lente souffrance.
Mais le film de Figgis n'est pas souffrant avec sa caméra active qui nous donnes l'impression d'être dans la jungle de Vegas. Ironiquement, pour souligner le talent de la meilleure actrice en 1995, c'est Susan Sarandon qu'on récompensera, également dans le rôle d'une accompagnatrice vers la mort.
Ceci étant dit, ici, à Vegas, on est plus que raisonnable. (envers le jeu...)