"La Route", la lumière après l'apocalypse

Par Titus @TitusFR

Avec "La Route", roman qui s'est vendu à plus de deux millions d'exemplaires aux Etats-Unis et qui lui a valu le prestigieux prix Pulitzer en 2007, l'écrivain américain Cormac McCarthy livre, dans un récit visionnaire, une réflexion bienvenue - salutaire ? - sur l'évolution de l'humanité. Une lecture majeure dont nul ne peut ressortir indemne.

Crédit photo Samuel Tristan/FlickR


Tels deux naufragés - comme deux fantômes déambulant dans l'antichambre de la mort -, un père et son fils arpentent les chemins d'un monde dévasté, gris et couvert de cendres, poussant à qui mieux-mieux un caddie, symbole un tant soit peu dérisoire de notre civilisation disparue et de son matérialisme outrancier. Dans ce chariot s'entassent plusieurs objets hétéroclites, les aliments dénichés au gré de leurs pérégrinations et des couvertures usées. Cormac McCarthy conte l'odyssée lancinante de ces deux êtres perdus dans un environnement on ne peut plus hostile. Nous ne saurons jamais où et quand se déroulent les faits relatés. L'auteur fait volontairement l'économie de ces détails, de même qu'il ne s'appesantira pas sur l'origine du chaos ambiant. Un choix qui renforce à coup sûr la portée universelle du livre.

Monde déshumanisé
Dans ce récit dépouillé à l'extrême, on suit donc pas à pas la lente progression de ce couple de "gentils" menacés par de multiples dangers, le principal d'entre eux étant l'homme, ou ce qu'il en reste. Car dans ces contrées, l'homme est devenu un loup pour l'homme ; le cannibalisme y est très répandu. Le père et son fils (jamais nous ne connaîtrons leurs noms) sont-ils seuls à renoncer à la barbarie et à porter haut les valeurs de l'humanité ? Cette longue marche - quête ? - du binôme ne se contente pas d'être un savoureux huis clos, ponctué de dialogues touchants entre père et fils. Plusieurs rencontres insolites jalonnent aussi ce récit dont la portée philosophique est saillante.

Leçon d'espoir
Cormac McCarthy (ci-contre, photo DR), auteur par ailleurs de "Non, ce pays n'est pas pour le vieil homme", récemment adapté au cinéma par les frères Coen, ne vogue pas ici en terre totalement inconnue : sa démarche a toujours été hantée par des réflexions sur la violence des hommes et la question du Mal. En dépit du contexte apocalyptique, jamais "La Route" ne sombre toutefois dans l'abîme du pessimisme. Lorsque l'humanité parvient à se maintenir au prix, parfois, de douloureux sacrifices, n'y-a-t-il pas lieu de continuer à espérer... Dans une civilisation à bout de course où tous les voyants sont au rouge, l'heure n'est sans doute plus au "chacun pour soi", semblent nous susurrer les protagonistes. En ce sens, "La Route" peut sans nul doute servir d'électrochoc salutaire. A quoi peuvent donc servir l'art et la littérature, sinon à provoquer une nécessaire réflexion sur notre condition d'humain.