Paul et Vanessa . Chapitre 5 . Les révélations de la surveillante générale.

Publié le 08 avril 2024 par Guy Marion

Paul salue donc à nouveau Sandra qui semble ravie, presque radieuse.Elle fait signe à Paul pour lui demander de s'approcher.

" Quand tu auras cinq minutes, tu peux passer me voir ? J'ai un peu progressé dans mon enquête au sujet de ta collègue préférée. 

-D'accord, demain à la pause de dix heures, ça te va ?

-Je crains que ce soit trop court, demain après les cours à treize heure trente, on sera plus libre.

-Très bien, tu as raison.

Et le lendemain, Sandra lui confia tout ce qu'elle avait appris au sujet du club de théâtre. 

La documentaliste, Josette, avait remarqué que les élèves inscrits au club de Nina fréquentaient la bibliothèque du lycée beaucoup plus souvent qu'auparavant.Et leurs recherches étaient vraiment très bizarres. Ils voulaient des extraits de la bible !

Ils ont demandé à Josette si elle avait dans ses cartons la vie et le destin d’Onan, le second fils de Juda . Jamais on ne lui avait fait une telle demande !

La documentaliste a bien sûr essayé habilement  d'en savoir plus et elle a fini par apprendre que la pièce étudiée au club s'intitulait "L'Éveil du printemps"

Difficile de se procurer l’ouvrage. Pas un seul exemplaire n'est disponible à la bibliothèque du lycée. Nina, qui a fait étudier la pièce à des ados de quatorze ou quinze ans a tout fait en catimini, bien sûr, elle est devenue experte dans la tromperie et le secret, avec sa mine de chattemite. Il aura fallu que Paul attende dix jours pour que l’oeuvre arrive enfin en librairie à Curepipe. Aussitôt dans ses mains, Paul se plonge dans la lecture du texte de Wedekind et il ne fut pas déçu, c’était bien ce qu’il redoutait.

Paul, n’en croit pas ses yeux. La pièce est d’une audace inouïe pour de jeunes élèves à peine sortis de l’enfance. On y parle des pulsions sexuelles des adolescents, d’avortement, d’amour homosexuel, de suicide, de viol et de mauvais traitements.

Sont mis en scène une simulation de masturbation, solo et collective, une scène de sadisme ou encore un baiser entre adolescents homosexuels.

Voilà ce que cette sotte offre à lire à des jeunes garçons inscrits à son club, c’est révoltant, il ne faut pas que ce crime reste impuni, se dit Paul horrifié.

Paul décide de lire de la poésie, lui qui, quand il étudiait les sciences physiques, avait toujours sottement négligé, voire méprisé toute forme de lyrisme et de romantisme, il le regrettait maintenant. Il avait tellement besoin de rêver pour s’extraire de la laideur et de la bassesse de certains de ses collègues.

Et c’est ainsi qu’il découvre, par un parfait hasard, un poème intitulé

« Les réparties de Nina »

Lui " Ta poitrine sur ma poitrine,

Hein ? nous irions,

Ayant de l’air plein la narine,

Aux frais rayons

Du bon matin bleu, qui vous baigne

Du vin de jour ?…

Quand tout le bois frissonnant saigne

Muet d’amour

….

Tu viendras, tu viendras, je t’aime !

Ce sera beau.

Tu viendras, n’est-ce pas, et même…

Elle. – Et mon bureau ? "

Ainsi, pour incarner la prosaïque et sotte jeune fille incapable de contempler le spectacle plein de vie, de sensualité de la nature en éveil, ne pensant qu’à son travail au bureau, Rimbaud a choisi le prénom de Nina !

Rimbaud est un génie !

Retour au lycée . Nouveau signe de Sandra.

"J'ai du nouveau, passe me voir après les cours!

- D'accord, à tout à l'heure.

Les nouvelles révélations furent insupportables .

Sandra confie à Paul que certains cours de théâtre par petits groupes de trois ou quatre élèves ont lieu au domicile privé de Nina et qu'il s'y passerait des scènes abjectes, innommables.

"Dans la pièce de Wedekind sont mis en scène des simulations de masturbation collective, tu le sais Paul?"

-Oui, c'est dégoûtant .

- Assieds-toi et cramponne-toi, ta collègue ferait jouer à son domicile de telles scènes à ses élèves, à cette différence près qu'il ne s'agit plus de simulation mais d'onanisme authentique et consommé, pour être claire, les élèves de ta collègue se masturberaient devant elle !

-Stop, stop, arrête, ne m'en dis pas plus ! hurle Paul en s'enfuyant.

Paul souffre, il est malheureux. 

Résumons, se dit-il :

En moins de deux ans, j'ai eu droit à une déclaration d'amour d'une élève perturbée  de moins de quinze ans, qui s'était totalement dénudée  devant sa prof de lettres, prête à bondir sur elle comme une lionne sur sa proie, ce qu'elle fit. Cette même prof de lettres m'a débauché en inondant mon casier de mots doux me suppliant de lui répondre et je me suis laissé prendre au piège au point d'accepter de passer une semaine avec elle dans une île perdue de Madagascar où j'ai fait une indigestion de crabes et de langoustes.

Cette détraquée, bisexuelle, manipulatrice, m'a finalement violemment insulté- en moins d'un an, je suis passé de "poussin bleu" à  "sale merdeux", il fallait oser, elle l'a fait.

Et j'apprends maintenant que cette malade mentale est une pédophile récidiviste qui s'adonne au voyeurisme auprès de jeunes élèves de quatorze ou quinze ans sur lesquels elle exerce une emprise de plus en plus perverse, le club de théâtre n'était qu'une manoeuvre trompeuse pour arriver à ses fins.

C'est trop difficile, c'est insupportable.

La situation s'aggrave.

Tous les mois, Sandra fait de nouvelles révélations à Paul  .

Ces faits rapportés de lubricité, de vice et de débauche passionnent la surveillante générale qui croit bien faire en informant Paul dès qu'elle est convaincue qu'il ne s'agit pas de simples rumeurs. Il est vrai qu'il y a peu, Paul avait chaleureusement remercié  Sandra pour ses confidences. Il lui est donc difficile aujourd'hui de lui dire que ce sujet, cette étude de cas,  ne l'intéresse plus du tout.

 De plus en plus de professeurs du lycée ont eu écho des frasques sexuelles de l'animatrice du club de théâtre. Combien savent et que savent-ils , Paul l'ignore et c'est justement cela qui est invivable pour lui car il se sent coupable d'avoir entretenu une liaison avec une perverse.

 C'est l'enfer.

 La poésie, les vacances  dans les sentiers de Corse ne suffiront pas à gommer la lourdeur de l'ambiance au lycée. 

 Paul a pris sa décision. Cela lui coûtera beaucoup d'argent car il était très bien payé comme le sont les détachés dans les lycées français, mais il ne renouvellera pas son contrat.

 Fuir, définitivement fuir.


# abcmaths @ 10:52