Synopsis: Dans une banlieue proprette, Ann Gentry, une assistante sociale (Anjanette Comer, La bataille de San Sebastian), prend en charge un dossier d'un genre bien spécial. Il s'agit en effet de suivre l'avancement psychologique d'un enfant dont les capacités mentales sont restées au stade de nourrisson, alors que son corps est celui d'un homme âgé de 21 ans (David Mooney). Simplement nommé " Baby ", le gamin vit dans une maison bien entretenue aux côtés de sa mère cinquantenaire sans emploi (Ruth Roman, ex-star d'Hollywood) et de Germaine et Alba, ses deux grandes soeurs dépravées (les délicieusement tordues Marianna Hill et Susanne Zenor). Au fil de ses interventions, Ann développe un lien profond avec l'enfant. Ce qui ne plaît pas du tout à sa mère qui suspecte la jeune femme de vouloir le lui voler...
Il y aurait toute une analyse faire pour décrypter The Baby, objet totalement incomparable tourné par Ted Post en 1971, redécouvert puis restauré en 2018, et qui, comme beaucoup d'autres est devenu au fil des ans un film culte. Il serait très intéressant de le replacer dans le contexte de l'Amérique désillusionnée des années 1960-1970, marquée par, entre autres, l'éclatement de la cellule familiale traditionnelle, les combats féministes ou l'infantilisation des masses.
Déjà à l'époque, la noirceur de son sujet avait effrayé les producteurs qui hésitèrent pendant plus d'un an avant de le montrer au public. Leurs craintes furent confirmées par une réception critique désastreuse. Encore aujourd'hui, The Baby est trop différent des autres. De quoi parle t-on exactement? De femmes libres, sans mari, sans occupation extérieure, sans réel cercle social, qui gardent rien que pour elles un homme-enfant enfermé dans une " nurserie ", bien à l'abri derrière les murs épais de leur maison cossue. Elles l'ont tout bonnement abandonné à son statut de légume, le maternant sans amour, le contrôlant à la baguette comme lorsque l'on veut mater un chien dangereux, le tenant en cage, littéralement, dans un lit à hauts barreaux. La nuit venue, il se peut même qu'elles s'en servent comme jouet sexuel.
Lorsque la dévouée et aimante travailleuse sociale entre en scène, on se doute que son entêtement cache un but inavouable. Le suspense joue à fond et se déploie progressivement. Plus le récit avance, plus le mystère s'épaissit. Il faudra attendre les toutes dernières minutes pour découvrir les motivations - aussi dérangeantes que celles de la " famille " naturelle - qui l'ont poussé à s'intéresser de si près à son " client ". Elle-même placée sous l'emprise d'une belle-mère aussi contrôlante qu'intimidante, Ann révèle alors la véritable facette de sa personnalité...
Outre ce dénouement inattendu, au-delà de l'originalité de ses thèmes et de leur traitement, ce qui fascine dans The Baby, c'est cette capacité de mêler les cartes pour jouer avec les codes de divers genres. L'horreur et le drame familial s'imbriquent sans que jamais l'un prenne le pas sur l'autre. On a peur, parfois, on est dérouté, souvent, on est, en permanence, scandalisé par la crédibilité de cette sombre histoire. Ce que confirme la touche de documentaire social qui découle d'une très sobre et très touchante scène campée dans un inatitut pour enfants handicapés.
Réalisé sans chichis par celui qui avait fait Pendez-les haut et court ( Hang 'Em High) et Le secret de la planète des singes ( Beneath the Planet of the Apes) et qui signera par la suite À coups de magnum ( Magnum Force), est sans aucun doute l'un des films américains les plus déroutants de cette période. Une oeuvre qui ne se ferait plus aujourd'hui et qui a eu la chance de traverser les âges. En plus du Blu-ray paru chez Arrow Video, se laisse découvrir sur plusieurs plateformes de VOD gratuites, dont tubi.tv et plex.tv.