Babylon a.d.

Par Rob Gordon
Il y a quelques années, Mathieu Kassovitz faisait le fier, affirmant que réaliser des films de commande comme le navet Gothika n'était qu'un moyen d'accélérer son accession à des projets plus personnels et donc plus intéressants. Cinq ans donc que l'on attendait son adaptation du passionnant roman du controversé Dantec, Babylon babies, un truc insensé et supracomplexe, capable de vous dévorer de l'intérieur. Cinq ans. Et à l'arrivée, un improbable bidule, cousin bâtard du Cinquième élément, de quelques James Bond et des romans de Jean-Christophe Grangé. Dédantecquisé à l'extrême, le matériau de départ n'est plus reconnaissable qu'à son squelette, une maigre histoire de mercenaire engagé pour protéger et convoyer une jeune femme plus pure que la pureté elle-même. Il y aura des lance-roquettes, des poursuites en scooter des neiges, de combats à mains nues, et si tout cela est bien dans le roman, ce n'est tout de même pas le plus intéressant. Politique, religion, drogue : tout ce qui aurait pu faire de Babylon A.D. un film un peu âpre a été savamment gommé par un Kassovitz complètement absent, qui devrait peut-être fumer un peu moins de pétards. Tout n'est pas bon à prendre chez le douteux Dantec, mais tout n'est pas à jeter...
Le pire, c'est que Babylon A.D. n'est même pas un bon film d'action, ruiné par une mise en scène hétérogène et incohérente ainsi que par des effets spéciaux d'une rare pauvreté. Lorsqu'une séquence parvient à séduire, c'est pour mieux être écrasée par les cinq suivantes. Bruyant et bigarré comme un clip de world music bulgare, le film est un affront à la notion de bon goût. Et en dépit d'un Vin Diesel correct bien qu'il ne soit absolument pas fait pour ce rôle, le film sombre irrémédiablement, recevant régulièrement des coups de bambou avec les apparitions calamiteuses de Lambert Wilson, Charlotte Rampling ou encore Gégé Depardieu.
Il n'y a guère plus à dire, puisque la peine prime sur la colère. Voilà une bonne dizaine d'années que Kassovitz est considéré comme le grand espoir du cinéma français. Seulement voilà : le monsieur a désormais 41 ans, c'est un peu le Mehdi Baala de la caméra, qui foire progressivement sa carrière à force de manquer de cervelle et de discernement. Tout ce talent qui part en fumée, c'est assez agaçant. Et l'on entend déjà Kasso dire que bon, celui-là n'était qu'un galop d'essai, et que le prochain sera le bon, encore plus énorme et ambitieux. Bizarrement, on n'a plus envie d'y croire.
3/10