Enseignement du journalisme : le témoignage de Juan Asensio

Publié le 26 août 2008 par Roman Bernard

Juan Asensio, critique, essayiste et rédacteur du blog littéraire Stalker, a suivi l'an dernier une formation au journalisme au Celsa, l'école d'information et de communication de la Sorbonne. Répondant aux questions de votre serviteur, il délivre ici les réflexions que lui ont inspiré une année passée au sein de ce qu'il appelle, reprenant ainsi le mot de Mallarmé, les armées du " reportage universel ".

Roman Bernard : Juan Asensio, vous portez un regard très critique sur les journalistes et les médias, aussi bien sur votre blog que dans votre dernier livre, Maudit soit Andreas Werckmeister !. Vous remettez notamment en cause le traitement qu'ils donnent à l'actualité littéraire, en concentrant leur attention sur des auteurs que vous jugez médiocres et, à l'inverse, en ignorant des auteurs qui vous semblent talentueux. Pourquoi, donc, avoir fait la démarche de suivre une formation au journalisme ? Était-ce une manière pour vous de " connaître l'ennemi ", ou, pour paraphraser Georges Brassens, d'apprendre " les mille et une recettes qui vous valent à coup sûr les honneurs des gazettes " ?


Juan Asensio : Georges Brassens ? Je préfère Karl Kraus (1) écrivant que son " courage - celui qui consiste à déceler l'ennemi dans son propre camp - fut un des plus estimables ! ". Mon courage fut de peu de poids, et puis, je vous rappelle que je n'appartiens pas au camp des journalistes. J'ai même trouvé, vous le verrez, des compensations esthétiques à mon séjour d'une année dans les limbes communicationnelles.

Je suis très critique à l'égard du journalisme tel que certains le pratiquent, oui, pour le moins, même si, remarquez-le, le travail de bénédictin accompli par mon ami Jean-Pierre Tailleur dans Bévues de presse, qui jamais, à ma différence, n'use du style pamphlétaire, est une charge d'une extraordinaire efficacité, donc ravageuse, contre un milieu qu'il connaît infiniment mieux que moi et les pratiques lamentables du maljournalisme. Quelles sont-elles ? La liste en a été dressée mille fois : imprécisions de toutes espèces, petites, grosses et monumentales, rareté des sources, non-recoupement des informations, lesquelles d'ailleurs sont parfois caviardées ou tout simplement fausses, incorrections chatoyantes d'une langue réduite à quelques mots aisément compréhensibles, bidonnages manifestes et insignes, petits ou grands renvois d'ascenseurs entre amis, népotismes discrets ou outranciers, inculture crasse et souvent fière de l'être, prétention digne d'un Tamerlan (2), etc.

J'ajoute un bémol à vos dires : je n'évoque, sauf exception bien sûr comme celle que constitue le cas de l'inénarrable Pierre Marcelle officiant pour Libération, que des journalistes spécialisés en critique littéraire, vous le savez mon domaine de prédilection. Dans ce champ beaucoup plus économique et publicitaire que réellement culturel, qui finalement n'intéresse pas beaucoup de personnes hormis le tout petit monde de Saint-Germain-des-Prés, le vide y est aussi sidéral qu'infiniment bruissant : cela palabre, gazouille, babille, ânonne, bavarde, crie, chuchote, se tape sur l'épaule, fait des sourires, éreinte, baise, s'entredéchire, s'entrelèche, se copie, s'entreglose comme l'écrivait Rabelais mais cela (l'il y a, le domaine du neutre, qu'évoquait magistralement Levinas) n'évoque presque jamais intelligemment les livres. Ma tête de Turc favorite est Pierre Assouline qui, je crois, ne sait tout simplement pas lire. Un journaliste spécialisé en critique littéraire a, durant son existence, revêtu deux défroques : celle du pigiste ayant à peine digéré sa première année de Lettres modernes puis, si tout se passe bien et s'il n'a pas développé, trop jeune, un cancer de la langue ou d'une partie de son anatomie plus honteuse, celle d'une vieille catin dont les tarifs dépendent, comme il se doit, de ses prestations plus ou moins expertes. Entre ces deux pôles d'une chaîne de vie honteusement médiocre, dont le premier n'est rien de plus que le gamin attardé (mais déjà terriblement vorace) que le second méprise dans le meilleur des cas et qu'il n'hésitera pas à sabrer dès qu'il en aura l'occasion, officient, comme ils le peuvent, quelques journalistes sans doute honnêtes et droits. Je ne sais pas vraiment s'il m'a été donné d'en rencontrer, pour le moment du moins et dans le seul domaine de la critique littéraire, je le souligne une nouvelle fois. Peut-être n'existent-ils tout simplement pas en France, le Système corrompant jusqu'aux plus purs.

Je réponds à votre seconde question : je travaillais dans la Bourse, pour une banque internationale qui a décidé de fermer le département Recherche (en d'autres mots : l'analyse financière) dont je dépendais, acculant au chômage plus de cinquante personnes. Ledit groupe gaspillant des millions d'euros pour vanter son image qu'il espérait " socialement responsable ", j'ai pensé (et je ne me suis pas trompé) qu'il pouvait aisément financer une possible reconversion (c'est ainsi que j'ai dû vendre mon projet, vous vous en doutez). Depuis des années, j'avais le désir de connaître l'ennemi comme vous dites mais le plus intimement possible, de l'intérieur bien évidemment, afin de vérifier empiriquement si toutes les critiques que j'avais lues sur l'enseignement du journalisme étaient fondées ou parfaitement aberrantes, provenant à l'évidence de quelques esprits aigris, jaloux et tout simplement dérangés. Je vous laisse deviner quelle sera ma réponse.

R.B. : Comment décririez-vous la formation que vous avez reçue au Celsa ?


J.A. : Pour être parfaitement précis, il s'agit d'une année de formation professionnelle, intitulée MSJ ou Master spécialisé en journalisme. Cette formation est très récente - le Celsa étant plutôt connu pour ses cours sur la communication - et s'adresse à un public déjà inséré de longue date dans le circuit professionnel et qui, pendant les cours, continue de travailler. Elle se compose de cours théoriques (les plus inintéressants, de loin) et de modules pratiques, ateliers de télévision ou de radio par exemple. J'estime que le Celsa n'a pas à se préoccuper de ma culture générale, surtout lorsqu'il s'agit de m'enseigner les vertus de l'étude comportementale de la sexualité des tribus sauvages (véridique !), mais plutôt doit ou devrait m'apprendre à utiliser les outils avec lesquels les journalistes travaillent. Cela n'a été le cas que fort imparfaitement.

J'attire également votre attention sur le fait que ce master est destiné à l'élite de l'élite si je puis dire, tout du moins à des personnes ayant, le plus souvent, exercé ce métier de journaliste durant des années. En aucun cas nous ne nous sommes mêlés à la population-type de cette école : à savoir, de ravissantes idiotes bronzées toute l'année qui se destinent à la communication, à la publicité, ou à ce drôle de métier à peu près inutile, sauf, apparemment, lorsque l'on jouit d'un joli physique : attachée de presse. Vérifiez ce que je vous dis : allez ainsi sur Facebook et tapez Celsa dans le moteur de recherches. Vous y constaterez qu'un parterre de Lolitas regroupées dans un groupe de " discussions " hautement intellectuelles, qui apparemment toutes ont été élues miss Camping durant leur dernier été de farniente, y constitue la population pas franchement hétéroclite de cette école prestigieuse, qui s'est transformée en succursale de la Star Academy ou peut-être, dans les cas les plus impressionnants, de L'Île de la tentation.

Au-delà de mon amusement et de mon ironie absolument pas misogyne, il faut bien comprendre que cette féminisation excessive, pour ne pas dire aberrante d'une grande école doit signifier quelque chose de plus grave qu'une simple baisse du niveau général ou au contraire une augmentation des phéromones des rares mâles s'y trouvant : j'y vois le fait que le journalisme n'est pas considéré autrement que comme une branche de la communica..., pardon, de la Com, cette lèpre contemporaine. Après tout, je pourrais dire de la Com, bien sûr en exagérant volontairement le rapprochement qui donc choquera, ce que Victor Klemperer (3) écrivait du nazisme, on le sait passé maître en propagande : " Le nazisme s'insinua dans la chair et le sang du grand nombre à travers des expressions isolées, des tournures, des formes syntaxiques qui s'imposaient à des millions d'exemplaires et qui furent adoptées de façon mécanique et inconsciente ". " Expressions isolées ", " tournures ", " formes syntaxiques "... Voyons, est-ce que le monde des médias contemporains est parfaitement indemne de semblables détournements de sens, mensonges éhontés, approximations hasardeuses, slogans publicitaires, simplifications excessives du sens des mots, consécutivement du sens des propos tenus et, in fine, de la réalité elle-même ?

Poursuivons. Au sein de ce MSJ, mon cas a constitué une exception apparemment, puisque je n'ai à mon actif que quelques pages (mon article sur Villa Vortex de Maurice G. Dantec paru dans La Revue des deux Mondes) en tant que pigiste rémunéré et une connaissance plutôt théorique du métier de journaliste, même si certains de mes amis exercent cette très noble profession. Le Celsa nous choyant comme sa vitrine professionnelle, que pensez-vous qu'a été l'enseignement qu'il a délivré à des individus qui avaient tous plus de trente ans et tout de même un peu plus d'expérience que les midinettes nubiles nommées plus haut ?

En quelques adjectifs : cet enseignement fut très rarement bon (il le fut tout de même, surtout dans l'apprentissage des techniques radiophoniques ou télévisuelles), bien plus souvent sommaire, presque toujours effrontément partisan, rageur (lorsqu'il m'est arrivé de m'étonner de certaines dérives dans les propos et même le comportement de nos intervenants), bref, presque totalement insignifiant, à des années-lumière du prestige dont jouit et continue apparemment de jouir, je ne parviens toujours pas à m'expliquer ce mystère, le Celsa.

R.B. : Quelles conclusions en avez-vous tirées sur le système médiatique français, d'une manière générale ?


JA : Tout d'abord, mes conclusions ont porté sur la façon dont ce même système organisait son enseignement, partant formait les esprits de celles et ceux qui en grossiraient les rangs, déjà forts nombreux. Que voulez-vous que je pense de journalistes qui, la plupart, ont traîné leurs guêtres dans des salles de classes similaires à celles du Celsa où on leur enseigne à ne pas trop penser, à avoir toujours un œil ouvert sur le fil de l'AFP, à " ouvrir " un flash en privilégiant l'information la plus sensationnelle au détriment de la plus intéressante, à lutter sans merci contre les affreux dictateurs sanguinaires qui nous gouvernent, etc. ? Finalement, nous avons les journalistes que nous méritons, puisque nous sommes incapables de nous doter d'une école dont le prestige ne serait pas le seul effet d'un mirage médiatique ou d'une bulle spéculative gonflée à l'hélium publicitaire : de vrais locaux (4), un matériel haut de gamme, surtout, bien sûr, des professeurs triés sur le volet et pas uniquement des " intervenants " dont la seule préoccupation semblait être de nous tutoyer au bout de deux secondes de cours pardon, de propos décousus échangés dans quelque café du commerce de Boue-sur-Glaise.

Plus largement, j'ai été frappé par un phénomène dont j'avais trouvé la description hallucinée dans un remarquable ouvrage d'Armand Robin, que tout étudiant en journalisme devrait avoir lu et relu une bonne quinzaine de fois avant d'oser coucher par écrit ses maigres certitudes. Ce phénomène est relativement simple à énoncer, complexe toutefois, je le suppose, quant aux mécanismes langagiers qu'il met en branle : " Des univers géants de mots tournaient en rond, s'emballaient, s'affolaient, sans jamais embrayer sur quoi que ce fût de réel " (5). Armand Robin, évoquant les " bas-fonds " du langage qu'il était contraint de disséquer pour gagner sa vie, était frappé par la formidable puissance et tout à la fois l'extraordinaire fragilité des techniques de propagande (dans notre cas : communiste) qui paraissaient ériger une espèce de monde virtuel, de contre-monde non pas totalement désamarré du nôtre mais lui ressemblant étrangement, un peu comme nous le voyons dans les récits de Kafka ou dans ceux de Dick. Tout vous semble a priori normal et pourtant, une drôle d'intuition vous avertit que la réalité dans laquelle vous vous déplacez n'est absolument pas la vôtre !

Robin poursuit : " La fausse parole ne peut être tout à fait aussi fausse qu'elle le prétend ; et même la non-parole ne saurait devenir tout à fait non-parole ; en effet un néant réclamant sa qualité de néant cesse d'être du néant ; le négatif-à-l'extrême (et c'est précisément le cas des êtres de propagande) est par définition non-possible, pour la très simple raison que la nature du négatif-à-l'extrême est de tendre à l'inexistence et que tendre à l'inexistence suffit à empêcher d'inexister " (6). C'est affirmer en somme que le langage médiatique (je le confonds volontairement avec celui de la propagande) érige sans peine une fausse réalité, labile mais jamais parfaitement inexistante, mélangeant inextricablement vérités et mensonges, ayant elle-même ses lois et ses codes, ainsi que ses modes de propagation, comparables à ceux des rumeurs de guerre analysées par Marc Bloch (7).

Ainsi, au Celsa, une certaine Valérie Mahaut appartenant au nous demanda de rédiger une dépêche annonçant que Nicolas Sarkozy avait effectivement donné une gifle à son ex-femme. Vous vous souvenez sans doute que ce lamentable et horrible crime ayant choqué les honnêtes citoyens que nous sommes mobilisa il y a quelques mois les énergies de nos plus fins limiers journalistiques, dont la Terre entière nous envie le professionnalisme et la rigueur. Cette intervenante, qui passa la majeure partie de ses heures de cours à griller des cigarettes au soleil dans l'agréable jardin du Celsa, était absolument certaine que quelque mystérieuse entité au pouvoir phénoménal nous cachait la vérité sur ce sujet, explosif selon ses dires. C'était bien sûr l'honneur tout entier de la profession journalistique de se boucher le nez et de plonger dans les poubelles pour mettre la main sur cette fichue main courante censée apporter gloire et prospérité à celle ou celui, certainement opiniâtre et prêt à risquer sa vie, qui la dénicherait. Je me souviens m'être étonné, auprès de Valérie Mahaut, de la bêtise et de l'insignifiance de pareil exercice : après tout, elle voulait nous faire travailler sur des bruits, des rumeurs alors qu'il y avait tant de sujets plus intéressants et, eux, bien réels. Que croyez-vous que notre Mata-Hari de la plus réputée presse d'investigation me répondit ? Ceci : " Et tu veux être journaliste [je n'avais jamais prétendu une telle horreur] ? Toi, tu commences super mal... " ! Je crois bien ne rien avoir commencé mais peu importe...

R.B. : Nous avons déjà eu l'occasion de discuter de l'actualité des Illusions perdues. Le jugement de Balzac sur la presse vous semble-t-il pertinent aujourd'hui ? Pensez-vous que l'évolution des technologies de l'information ait aggravé les dérives qu'il dénonçait, déjà, sous la Monarchie de Juillet ?


J.A. : Pertinent ? Il est imparable vous voulez dire, ce jugement ! Vous citez Balzac, je vous renvoie aux premières pages de L'Imposture, de Bernanos, qui décrit par le menu une longue conversation entre des lettrés, des hommes d'influence comme on les appelle sottement de nos jours et un pauvre type exerçant la noble profession de pigiste, du nom de Pernichon, tout un programme... Il y a là quelques pages d'anthologie sur la giration folle de ces univers virtuels décrits par Armand Robin. Tout de même, le pauvre et pathétique Pernichon finira mal puisqu'il se suicidera, ayant peut-être compris qu'il n'était rien de plus que l'une des innombrables bouches sales qu'utilise le journalisme pour accroître son emprise sur les esprits. Un autre sort fut réservé au personnage du Bel-Ami, de Maupassant, Georges Duroy qui, simple grouillot ou fait-diversier d'un journal de la capitale comme il en existait des dizaines dans les années 1880 à la faveur de la fièvre spéculative, finit après quelques années de copinage et de services rendus, en raison surtout de son charme personnel, ses compétences professionnelles étant quelque peu... inexistantes, par épouser la fille de son patron, le banquier Walter, enrichi en grande partie grâce aux services rendus par son journal au gouvernement. Souvenez-vous également du personnage de Rouletabille inventé par Gaston Leroux, ce globe-trotter infatigable et surtout passé maître dans la culture d'un solide réseau d'informateurs, surgeon-type de la petite bourgeoisie arriviste.

Les exemples, du reste, sont innombrables, qu'ils soient spécifiquement littéraires ou à la charnière entre la littérature et l'essai philosophique, comme les ouvrages de Karl Kraus, redoutable pourfendeur, au début du siècle passé, du journalisme en tant qu'il créait une sorte de réalité seconde (de " mauvais rêve ", eût écrit Bernanos) presque totalement décorrélée de la réalité de notre monde. Je cite ce long extrait, saisissant, de Kraus évoquant la Première Guerre mondiale, ne sachant d'ailleurs si Armand Robin connaissait ce diable d'Autrichien, tant les thématiques de ces deux auteurs paraissent se ressembler : " Il se pourrait bien qu'on découvre un jour à quel point a été insignifiante cette guerre mondiale comparée à l'automutilation de l'esprit humain par la presse, dont la guerre ne fut au fond qu'une des émanations. Il y a quelques années, un Bismarck - qui a lui aussi surestimé la presse - notait que "tout ce que le peuple allemand a conquis par l'épée est gâché par la presse", et il alla jusqu'à rendre celle-ci responsable de trois guerres. De nos jours, les liens entre les catastrophes et les salles de rédaction sont plus profonds et, de ce fait, beaucoup moins clairs. Car pendant qu'une guerre se déroule, l'acte est plus puissant que le verbe ; mais l'écho qu'on lui donne est plus fort encore que l'action. Nous vivons de l'écho des choses et dans ce monde sens dessus dessous c'est lui qui suscite le cri [je souligne]. " (8)

Sans conteste, l'accroissement extraordinaire de notre puissance technique a favorisé la circulation quasi instantanée de l'information (9). Plus que jamais, " nous vivons de l'écho des choses ", comme si, en fait, nous avions franchi une espèce de mur du son symbolique qui nous éloignerait inéluctablement de la vie toute simple, de la " réelle présence " de la réalité remplacée par des mots trompeurs. Du reste, nul besoin d'attendre que Lucien de Rubempré se suicide par pendaison pour comprendre ce qui se tramait au tout début du XIXe siècle. Voyez ainsi ce qu'écrivait Benjamin Constant en 1814 : " Lorsque de certaines idées se sont associées à de certains mots, l'on a beau démontrer que cette association est abusive, ces mots reproduits rappellent longtemps les mêmes idées " (10). Cette remarque ne pourrait-elle aujourd'hui s'appliquer au cas de certains mots (comme " réactionnaire ") qui, employés à dessein par de hâtifs imbéciles, suffisent à vous condamner à la peine maximale prévue par le code (tacite et donc non écrit !) médiatique, à savoir la réclusion à perpétuité dans une cellule totalement silencieuse, d'où il vous sera non seulement impossible de vous échapper mais qui vous réduira au mutisme le plus inhumain ?

R.B. : Votre style a-t-il été affecté par votre formation au Celsa ?


J.A. : Mon Dieu, j'espère bien que non ! L'un de nos intervenants, une fois de plus journaliste du , un certain Frédéric Mouchon que j'avais renommé par dérision Mouton, a systématiquement raccourci mes phrases au prétexte qu'elles étaient trop longues. Je vous jure qu'elles étaient pourtant beaucoup plus courtes que celles de mes textes publiés sur Stalker ! Peu importe, car, très impressionné par le savoir d'un jeune homme se disant fanatique de littérature et employant le terme " Astérix " pour " astérisque " je le suppose, je fis profil bas et réduisis mes phrases aussi drastiquement qu'un sauvage de l'Amazonie les têtes de ses ennemis. Las ! Voilà qu'elles devinrent trop " sèches " et pas assez " accrocheuses ", bref, " vendeuses ". Je ne vous étonnerai pas en vous disant que j'ai obtenu certaines de mes plus mauvaises notes en presse écrite, une vraie catastrophe, sauf lorsque je me suis amusé à inventer une enquête de toutes pièces : tout y était faux ou presque, les personnes citées, leurs propos bien sûr, la problématique même de mon texte...

Et puis, comme si je ne savais pas faire des phrases courtes (huit années dans la Bourse, à rédiger quotidiennement ce que l'on nomme le Morning Fax - donc un document très important pour l'entreprise, où il ne s'agit pas de faire de la littérature, croyez-moi ! -, vous apprennent à dire l'essentiel, en l'occurrence évoquer précisément l'actualité économique et boursière de la veille, en quelque quinze lignes, et dans un temps qui vous est compté...), comme si je ne savais, donc, pas faire des phrases courtes (celle-ci, en tous les cas ne l'est pas vraiment...) et que ces dernières étaient forcément plus claires que des phrases longues...

R.B. : Pensez-vous qu'il soit possible d'améliorer les formations au journalisme, ou que le principe même de formation au journalisme soit mauvais ?


J.A. : Je vais vous le dire tout net : à mon sens, c'est le métier de journaliste tel qu'il est exercé depuis une bonne cinquantaine (voire centaine) d'années qui ne devrait tout simplement pas exister. Souvenez-vous que non seulement Balzac que vous avez cité, mais aussi Bloy et, à l'étranger, Karl Kraus et George Orwell, ont adressé de très vives critiques au système et au langage médiatiques qui restent parfaitement valables de nos jours, à l'heure où nos amis journalistes n'en finissent pas de tresser des couronnes de laurier à Internet (presque tous les intervenants de la presse écrite nous tenaient un discours louangeur sur ce sujet. Il suffisait que je dise que j'avais un blog pour que leur regard s'humecte d'admiration).

Car enfin, quel est le but, oserais-je écrire la mission du journalisme tel qu'il est pratiqué non seulement en France mais aussi aux quatre coins du monde ? Rendre compte des événements me direz-vous et ainsi tenter, je dis bien tenter de nous proposer une image parmi des milliards d'autres de la vérité, à charge pour le lecteur de se forger ses propres convictions et d'approcher peut-être quelque peu de cette vérité, si tant est qu'elle existe. Cela, c'est une scène idyllique, digne d'une publicité vantant les mérites fleuris d'un fromage embaumant l'atmosphère à quelques lieues à la ronde. Et la réalité, je vous prie ? En paraphrasant Orwell et en changeant le terme " novlangue " par journalisme, nous pourrions dire : " Ne voyez-vous pas que le véritable but du journalisme est de restreindre les limites de la pensée ? À la fin, nous rendrons littéralement impossible le crime par la pensée car il n'y aura plus de mots pour l'exprimer. Tous les concepts nécessaires seront exprimés chacun exactement par un seul mot dont le sens sera rigoureusement délimité " (11). Je crois que nous n'en sommes pas bien loin et que, dans bien des cas, cette prédiction faite par le romancier a été largement dépassée : il y a quelques années, lorsque sévissait le stalinisme dans bon nombre de facultés, le simple fait de se dire non-communiste (pas même de droite, notez-le) suffisait à briser la carrière de certains élèves et même de professeurs ! Dans trop de cas, les journalistes estiment qu'ils sont les seuls juges capables de punir celles et ceux qui ont commis un de ces " crimes par la pensée ". C'est tout simplement inacceptable, dégoûtant, odieux, et je n'ai de cesse de dénoncer, dans mon propre domaine, ces dérives. Bien sûr, on me paie en une monnaie qui n'est ni trébuchante ni (surtout pas) sonnante : le silence concernant mes ouvrages, seule arme mais la plus redoutable, avec le mensonge pur et simple, dont disposent les journalistes.

R.B. : Chacun des deux versants du paysage politique français reproche à la presse et aux journalistes d'être " inféodés " au versant opposé. Il semble pourtant que la grande majorité des journalistes soit " progressiste ", et donc plus proche de la gauche. Qu'en pensez-vous, à la lumière de ce que vous avez pu observer au Celsa, chez les intervenants comme chez les élèves ? N'estimez-vous pas que le problème est ailleurs, que, de gauche ou de droite, les journalistes (et apprentis) français sont surtout imprégnés par le " politiquement correct " ?


J.A. : Première réponse, une anecdote véridique. Le tout premier jour de cours, un intervenant (il y a peu de professeurs titulaires au Celsa mais en revanche beaucoup d'intervenants, gage sans doute de professionnalisme et d'" ouverture "...), grand reporter pour Arte, Vladimir Vasak, nous affirme, après quelques minutes d'un pseudo-cours sans queue ni tête, que le rôle du journaliste consiste à se vouloir, contre vents et marées, une vigie. Fort bien, même si je doute qu'il ait lu Sainte-Beuve, qui employa ce terme à propos du rôle que devait assumer le critique littéraire. Quel est donc le rôle d'une vigie ? Vous me répondrez : avertir sa hiérarchie directe ou son équipage du danger qui croît à l'horizon et, ainsi, non seulement sauver le plus grand nombre possible de vies mais prendre les mesures de protection, éventuellement d'attaque, qui s'imposent. Je ne vous étonnerai probablement pas en vous affirmant que notre gardien de la morale n'envisageait cette noble, voire sainte mission de vigie que dans son aspect le plus stupide, puisqu'il s'agissait, par tous les moyens, de résister à l'ogre Sarkozy, une fois de plus !

Ma surprise fut doublée d'un profond dégoût lorsque, toujours durant cette première intervention, notre impeccable guetteur scrutant l'horizon du désert des Tartares d'où rien ne venait nous avoua sans la moindre retenue, un immense sourire éclairant tout son visage, qu'il militait activement dans Désirs d'avenir, autrement dit pour la candidate Ségolène Royal. Discrètement, complice et toujours tout sourire, il alla même jusqu'à nous assurer que nous pourrions (nous : pas même des journalistes professionnels dans bien des cas, tous n'ayant pas même la sacro-sainte carte de presse, nous devions donc comprendre notre chance formidable...), grâce à ses bons services, obtenir les meilleures places dans l'espace réservé aux journalistes lors des réunions publiques de Ségolène Royal. Après cette première journée de cours, j'ai bien failli ne plus revenir au Celsa, étant tout de même sidéré que le premier triste sire venu se sente investi d'une mission divine et regarde de très haut, avec une grimace de mépris, celui qui osait émettre quelques réserves déontologiques sur de tels procédés. Apparemment, pour ce journaliste également, je partais d'un bien mauvais pied dans la profession !

Une image à présent, que d'ailleurs j'évoquais à ce même cours de Vladimir Vasak qui me regarda alors comme si j'étais le cousin germain de Sarkozy en personne, voire, tout simplement, quelque étudiant lui rappelant une ou deux règles journalistiques évidentes. Il y a, dans une Salle des Marchés, ce que l'on appelle une " Muraille de Chine ", à savoir une séparation matérialisée physiquement (par un mur, fût-il transparent) entre l'espace dédié à la vente (ou à l'achat bien sûr) et celui réservé au déontologue chargé de vérifier la légalité des procédures (elles sont singulièrement complexes et redondantes, comme l'affaire Kerviel l'a démontré pour les profanes) boursières. Apparemment, cette " Muraille de Chine " (12) n'existe tout simplement pas dans l'esprit de bon nombre de journalistes... Je pourrais, à ce sujet, vous citer bien d'autres anecdotes vécues durant cette année au Celsa concernant des cas manifestes de maljournalisme tels que je les ai gardés en mémoire.

Seconde réponse, qui confirme votre juste intuition. Oui, bien sûr, le mélange est connu qui paralyse les consciences françaises, qu'elles soient, pour le dire vite, de droite ou de gauche : trouille suraiguë, volonté de se faire une place au soleil sans trop choquer, ou alors en ne choquant que modérément, afin de continuer de vendre des exemplaires de torchons, cette volonté nécessitant le déploiement d'efforts surhumains afin de se constituer un réseau pour lequel aucun sacrifice ne sera jamais trop grand. Récemment, j'avais publié sur Stalker un texte très violent, après que cette pauvre gamine, Anne-Lorraine Schmitt, a été tuée par un homme dans une rame vide de RER. Immédiatement, la presse de droite, Valeurs Actuelles en tête de cette joyeuse armée de libération des belles âmes, voire devenue le porte-drapeau d'une croisade chargée de reconquérir le doux et saint territoire de la France livré aux hordes barbares, s'est imaginée (et y a sans doute cru réellement) qu'il était respectueux et intelligent de faire de cette jeune femme une icône, que dis-je, une sainte. Selon nos preux chevaliers, Anne-Lorraine aurait témoigné, face à son meurtrier, d'un courage de martyre. J'ai employé des termes d'une violence extrême pour condamner ce meurtre ignoble. Pourtant, l'idée défendue par certains des journalistes de Valeurs Actuelles est tout simplement scandaleuse car jamais, bien évidemment, ils n'auraient donné de la " sainte " à une femme assassinée qui eût été de confession musulmane. Je me permets de vous renvoyer à ce texte et à mon petit échange avec Laurent Dandrieu, fort instructif quant à la lâcheté de ces journalistes va-t-en-guerre à condition qu'ils restent planqués derrière leur écran.

R.B. : Que vous a inspiré votre observation des médias par l'enseignement du journalisme sur l'évolution de la société française ? Comptez-vous en faire un livre, à l'avenir ?


J.A. : Une chose toute simple, que je vous livre dans sa radicalité : je ne vois aucune façon d'amender en profondeur ce que Mallarmé nommait le " reportage universel " et les écoles où on enseigne ce langage décérébré puisqu'il s'agirait, en somme, de remplacer un bavardage constant et inconsistant, une rhétorique devenue folle , par une parole de poids réel, douée de pesanteur selon la terminologie de Carlo Michelstaedter. Bien évidemment, je ne nie pas la qualité de certaines enquêtes fouillées : il doit tout de même exister en France de bons journalistes. J'affirme seulement que ces travaux sérieux sont noyés dans une nasse où frétillent une multitude démentielle de bruits insignifiants.
Quoi qu'il en soit, rien d'autre ne me vient à l'esprit que l'hypothèse évoquée assez bellement par Frank Herbert dans Dune et ses suites : une guerre contre les machines (il la nomme " Jihad Butlérien ") ou plutôt, puisque cette dernière serait sotte en plus d'être rigoureusement impossible, une guerre sans merci contre le discours orthonormé, machinal c'est le cas de le dire, que nous servent la majorité des médias, quel que soit leur support.

Parfois, me souvenant des textes que j'ai cités plus haut, je me dis qu'il suffirait de quelques minutes d'un silence médiatique total et réel pour que nous reprenions nos esprits et décidions de limiter l'usage des médias (à quoi peuvent donc bien nous servir des centaines de chaînes de télévision, des milliers de journaux et de quotidiens, sinon, comme disent nos censeurs, à témoigner de la bonne santé de nos joyeuses démocraties ?) mais, comme celui-ci est improbable, à moins que nous imaginions une catastrophe de dimension planétaire, je suis singulièrement pessimiste quant à l'évolution de la société française et occidentale dans son rapport de plus en plus sommaire et exclusif, avec ses propres médias. Je ne vois guère ce qui pourrait l'arracher à sa trouble fascination : demandez donc à une souris, sur le point de se faire dévorer, de détourner ses yeux vitreux de ceux, fascinants, du serpent et il y a fort à parier que votre échec n'illustre comiquement la vieille antienne, mille fois vérifiée, de la servitude volontaire...

Un livre, me demandez-vous ? Non. J'ai déjà fort à faire, vous l'avez sans doute remarqué, en accomplissant, dans les domaines de la littérature et de la critique littéraire, un véritable travail d'Hercule puisqu'il s'agit, quelque peu je l'espère, de rendre plus propres les écuries d'Augias dans lesquelles se vautrent nos cacographes. Et puis, les livres critiques sur le rôle et les pratiques des médias existent en grand nombre. Songeant à un sujet de mémoire à présenter pour valider mon année au Celsa, j'avais même escompté pouvoir présenter un travail sur la réception critique comparée, par les médias eux-mêmes, concernant des ouvrages comme ceux de Tailleur ou de Cohen qui justement les critiquaient vertement. Que croyez-vous qu'il me fut répondu ?

Criticus est membre du Réseau LHC. A lire, la note de Juan Asensio du 26 août 2008.

(1) Dans Cette grande époque précédé d'un essai de Walter Benjamin (Petite Bibliothèque Rivages, 1990), p. 214.
(2) Cette prétention réellement grotesque et comique, j'ai dû la subir non seulement de la part de certains de nos intervenants (souvent les plus incultes, comme il se doit), mais surtout lorsque je me suis trouvé face à Véronique Richard, directrice du Celsa qui ne fit auprès de notre promotion qu'une seule et unique apparition, en début d'année, pour nous en vanter les mérites, ce qui est son droit le plus strict. Elle consentit cependant, du haut de son trône de dignité, à m'accorder un entretien de quarante-huit bonnes secondes montre en main, parce que je me plaignais vivement (et par écrit, sans cela...) d'une note parfaitement aberrante délivrée par une intervenante anglo-saxonne, Diane Selighson, dont l'esprit ne semblait pouvoir accepter qu'une seule vérité pas vraiment mal-pensante : l'Afrique avait été la proie et continuait de l'être d'odieux petits blancs réactionnaires, voire fascistes. S'il vous arrivait de lever les yeux aux ciel ou simplement de faire la moue lorsque vous entendiez ces fadaises, vous aviez immédiatement droit à 1) un regard horrifié, celui de Diane, 2) plusieurs regards tout aussi horrifiés, ceux de certains de mes camarades de classe, 3) l'assurance qu'un tel affront ne serait pas oublié au moment de vous noter. Passons. Profitant donc de l'aubaine et considérant le fait que de toute façon la directrice du Celsa se contrefichait de mes malheurs, je glissai à sa royale oreille quelques appréciations sur l'enseignement tel qu'il était délivré, sans honte, au sein du MSJ, à des " étudiants " frôlant la quarantaine et qui, souvent, avaient infiniment plus de culture générale que les intervenants payés pour nous répéter des généralités que nous avions apprises en classe de quatrième. Inutile de vous dire qu'elle me signifia rapidement que notre entretien était fini, comme un roi se débarrasse d'un battement de cil de son bouffon pas même favori, non sans avoir écorché une bonne vingtaine de fois mon nom que de toute évidence elle venait de découvrir à l'instant !
(3) Dans LTI La langue du IIIe Reich (Presses Pocket, coll. Agora, 1998), p. 40.
(4) Un vieux proverbe moldave, dont je ne garantis pas l'authenticité, affirme que l'on juge la qualité d'un restaurant, avant même d'avoir avalé sa première bouchée, à la propreté de ses toilettes. Celles du Celsa valent le détour, même si l'appétit risque de vous manquer après les avoir visitées. Disons qu'elles sont... comment l'expliquer... dignes d'un improbable quart-monde qui aurait découvert l'usage de l'écran plasma avant même celui de l'eau courante. Bien sûr, ce n'est là qu'un détail, sordide si on veut, mais les bâtiments et les locaux tout entiers du Celsa, à l'exception d'une belle façade rénovée servant bien sûr d'aguichante vitrine, sont eux aussi dans un état assez lamentable, de toute façon sales.
(5) La Fausse parole (Le temps qu'il fait, 1985), p. 54.
(6) Ibid., p. 67.
(7) " Une fausse nouvelle naît toujours de représentations collectives qui préexistent à sa naissance ; elle n'est fortuite qu'en apparence, ou, plus précisément, tout ce qu'il y a de fortuit en elle c'est l'incident initial, absolument quelconque, qui déclenche le travail des imaginations [...] ", Marc Bloch, Réflexions d'un historien sur les fausses nouvelles de la guerre (Allia, 1999 [première publication en 1921 dans la Revue de synthèse historique]), pp. 48-9.
(8) Karl Kraus, op. cit., p. 187.
(9) Sous la Restauration, le public des quotidiens ne concernait que 200 000 lecteurs alors qu'il englobait la quasi-totalité de la population adulte à la veille de la déconfiture de 1940 ! Cette même sinistre année, une dizaine de millions d'exemplaires publiés, toutes publications confondues, alimenta la curiosité des Français. Ces chiffres, bien évidemment, peuvent nous paraître dérisoires, alors que sévit de nos jours, avec les cybermilitants, le mythe d'une information totalement transparente donc accessible au dernier des esquimaux perdu sur sa banquise décongelée, ce mythe étant le dernier surgeon de celui que cultivèrent les dreyfusards de 1900, les partisans du Front populaire en 1936, les résistants à la Libération ou enfin les thuriféraires des radios libres des années 1970 qui, tous, affirmaient le droit inébranlable à une information aussi universelle que généreusement citoyenne.
(10) Benjamin Constant, De l'esprit de conquête et de l'usurpation [1814] (Flammarion, coll. GF, 1986), p. 181.
(11) George Orwell, 1984 (Gallimard, coll. Folio, 2001), p. 79.
(12) En termes moins vagues, la " Muraille de Chine " est une expression symbolique désignant l'ensemble des procédures dont l'objet est de prévenir la circulation indue d'informations confidentielles (auxquelles appartiennent, par exemple, les fameux délits d'initiés), notamment privilégiées, susceptibles de générer des conflits d'intérêts.
(13) " Mais la rhétorique organisée en système, alimentée par l'effort constant des siècles - fleurit au soleil, porte ses fruits et profite à ses fidèles. - Et dans l'avenir elle en portera d'autres. Et on verra chaque homme préoccupé uniquement de sa vie ", Carlo Michelstaedter, La persuasion et la rhétorique (L'Éclat, 1998), p. 160.
(14) Quelques chiffres, pour le moins éloquents : on dénombrait en 1872, soit une année après l'armistice avec la Prusse, la Commune et les lois restreignant la liberté de la presse, environ 3 826 hommes de lettres ou publicistes, 7 372 en 1881, 9 148 en 1906 (selon les chiffres indiqués par Christophe Charle dans son ouvrage intitulé Naissance des " intellectuels ", éditions de Minuit, 1990, p. 237). Combien de journalistes en France, actuellement ? Et ce chiffre, sans doute assez conséquent (37 301 très exactement au 2 janvier 2008, si l'on en croit les données fournies par la Commission de la carte d'identité des journalistes professionnels), correspond-il à un réel besoin, de la part des citoyens, de garantir la diversité de l'information ? Allons allons, cette antienne nous a été répétée bien trop de fois, et sur tous les airs, pour qu'elle soit parfaitement honnête...

Entretien reproduit sur le blog de Juan Asensio, Stalker