Le silence de lorna

Par Rob Gordon
Plus on étudie leurs films, et plus le cinéma des Dardenne semble proche du film noir, là où ne semblait apparaître qu ce que l'on qualifie pompeusement de "social". Plus encore que leurs quatre films précédents, Le silence de Lorna se base sur une intrigue polardeuse à souhait, avec ses petits gangsters, ses combines foireuses et sa femme fatale. Une fois n'est pas coutume, celle-ci n'est ni blonde ni siliconée et n'a pas vraiment les moyens de se payer une crème de jour. Planète autour de laquelle gravitent des personnages en forme de satellites, Lorna est la vraie clé du film, tous les enjeux ne dépendant finalement que d'elle. Un statut dur à porter pour une jeune femme sans grande défense. C'est d'ailleurs là qu'est la réussite des frangins : montrer le désarroi et la perte de repères de Lorna, obligée de construire ses propres remparts et ses propres illusions pour se raccrocher à cette vie si grisâtre.
Le portrait est réussi, mais le reste ne suit pas. Pour la première fois, les Dardenne rencontrent des difficultés à extraire d'une histoire classique mais ramifiée la substantifique moelle qui fait le sel de leur oeuvre. Pour tout dire, on a parfois l'impression d'assister à un film policier pas très inspiré, avec ses rebondissements gros comme des maisons et ses déviations téléphonées. La mort, la drogue et la douleur ont beau être omniprésentes, Le silence de Lorna peine à être aussi poignant qu'il aurait dû l'être. Le suspense ne prend pas, alors que c'est l'une des spécialités de ces cinéastes qui, derrière l'apparente simplicité de la caméra à l'épaule, cachent un gigantesque talent de mise en scène. Heureusement que la direction d'acteurs est comme toujours impeccable, et qu'un Dardenne mineur reste un bon film...
6/10