Epreuves du grand moment, de Marc Fontana (lecture de Chantal Dupuy-Dunier)

Par Florence Trocmé

Marc Fontana, en son temps rédacteur de la regrettée revue Linéa, bibliothécaire à Moscou, publie ici son troisième recueil. Nous n’avons pas oublié le précédent : Poèmes jazz (Fer de Chance 2001), à l’écriture et au tempo singuliers.
Ce nouveau livret nous offre plusieurs morceaux de musique poétique, tous traversés par la même lumière, subtile, celle révélée par Le grand moment, celui de l’amour, celui de la vie. Tout est poétique par essence

Vous ne pourrez pas comprendre, vous ne comprendrez pas que je vous écrive pour vous parler d’un géranium.

Sous la plume de Marc Fontana, ce géranium devient veilleuse en sa modeste chaleur, vigilant telle une servante sur la scène d’un théâtre. Mais je ne sais pas si c’est moi ou le géranium qui vous parle, conclut le poète, humble interprète du message contenu dans la fleur.
Nous retrouvons la parole profonde de Marc Fontana, où l’odeur du souffle encense le toucher familier. Science, minutie de cet horticulteur du langage :

C’est la césure / des pétales de l’ombre dans le jardin.

Une langue précise, resserrée. Pas un mot de trop.

L’ongle glisse / sur des auréoles d’heures légères.

Nous glissons également au fil de ces textes. Fontana est un de ces poètes qui savent le mieux parler du corps et de l’amour.

Que fait elle ?/ Un levain sur ma bouche…
Retirons-nous dans des coins / d’orge douce la table le lit / entourés gestuels...
Et l’amour procède.

L’on ne peut s’empêcher de penser à L’amoureuse d’Éluard ( Elle est debout sur mes paupières. )
Il y a de la magie dans ces vers, c’est-à-dire de l’efficience dans les signifiants choisis, orchestrés par le poète, posés au bon endroit. Et cette magie opère.

À qui vais-je écrire que ce qui meurt ne peut plus attendre ?

Sa poésie allie recherche du sens et des sonorités, sensualité, esthétisme, pour donner corps à une parole éblouie intemporelle, terre nouvelle d’où vous ne reviendrez plus. Nous sommes au cœur de la genèse du langage poétique, inaugural, ce pas des premiers mots.
Il serait bénéfique pour la poésie contemporaine que Marc Fontana puisse s’adresser à davantage de lecteurs, car il est certainement une des voix les plus graves et les plus justes de notre époque.

Note de lecture de Chantal Dupuy-Dunier

Marc Fontana,
Épreuves du grand moment
L’Harmattan ( coll. « Levée d’ancre ») 106 pages, 11,50 €.