Sono io ? (Est-ce bien moi ?) répète t-il en poursuivant sa vaisselle. Il tord une chaussette grise, commente ce qu'on entend : es final, double salto. La lumière finit par baisser. Les gradins s'assombrissent. Danny monte le son des applaudissements pour déclencher l'envie de nous y mettre.Il reprend ses marmonnements en italien. Mime les souvenirs qui lui viennent. Fantastico ! Arrive le fils en catimini avec ses bagages. Le père lui offre un caramelo. Le conflit de générations se traduit par une approche apparemment différente de la musique. Le paternel rembobine alors que le jeune homme lui tend une clé USB.Dans quelques instants on assistera à un (petit) tour de magie très simple avec les papiers d'emballage des bonbons, si banal qu'il en est touchant.Les racines de Circus Ronaldo remontent loin dans le temps. Danny et Pepijn appartiennent respectivement à la sixième et la septième génération d’artistes circassiens. Leur spectacle est un hommage transgénérationnel et nous devinons que nous allons -si tout va bien- voir se dérouler sous nos yeux un passage de flambeau.Ce qui est touchant c'est leur façon bien à eux de se lancer des défis, de mettre l'autre à l'épreuve tout en le respectant, quitte à lui filer en douce un coup de main pour qu'il réussisse son numéro. Ainsi le fils apporte au père une main secourable pour l'aider à rattraper un chapeau ou une assiette. A moins que ce ne soit le père qui fasse semblant de ne pas y parvenir tout seul.De piccolo intermezzo en improvvisazione suivie d'un altro breve intermezzo nous allons assister à une escalade dans la difficulté, dans chaque discipline, y compris en musique, avec une guerre des cuivres dont le traité de paix est imputable à une paire de lunettes.On entendra régulièrement quelques notes de Terry's Theme, une mélodie composée par Charlie Chaplin pour la musique de son film Les Feux de la rampe, sorti en 1952 et pour lequel il recevrat l'Oscar de la meilleure musique, en 1973, avec ses arrangeurs Raymond Rasch et Larry Russell. Elle a donné naissance aux États-Unis à Eternally, et en France à Deux petits chaussons (parfois titré Deux petits chaussons de satin blanc), écrite par le parolier Jacques Larue, dont André Claveau et Mireille Mathieu ont fait un enregistrement. On la reconnaitra plus ou moins selon l'instrument : piano, bandonéon, trompette … grosse caisse, trombone ou saxophone.Le spectacle se poursuivra, très complet, entre numéros musicaux, jonglage, plateau d'équilibre, acrobatie au sol, à bicyclette, dans les airs, mime, danse, ombres chinoises et clowneries raffinées. Ce sera chaque fois une surprise qui semblera résulter d'une improvisation alors qu'elle est sans doute le résultat d'un immense travail. Ils sont annoncés comme des clowns dans le programme mais ils sont autant acteurs et circassiens accomplis si bien qu'on ne peut pas les caractériser uniquement comme des clowns. Etymologiquement le mot vient du germanique klönne signifiant "homme rustique, balourd", ce qui est à l'antipode de l'impression qu'ils nous donnent, élevant la clownerie au rang d'un art.On s'inquiètera en voyant Pepijn s'accrocher à une lampe et se balancer les pieds mouillés au-dessus d'une baignoire, laquelle n'est tout de même pas le lieu idéal pour se réceptionner d'une galipette.Savez-vous qu'on peut jongler et faire des acrobaties avec une contrebasse ? Le père a bien raison d'applaudir le fils qui a mérité amplement la transmission de la chemise comme un flambeau. Il pourra quitter la scène et prendre place dans les gradins où il deviendra spectateur.
A signaler qu'au même endroit nous pourrons voir, du 6 au 15 décembre, un autre spectacle du Cirque Ronaldo, Da Capo que je n'ai pas l'intention de manquer.