Europe/Russie: l'UE reste unie

Publié le 01 septembre 2008 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com

>>>>SARKOZY, BAROSSO ET SOLANNA REFERONT DES VOYAGES A MOSCOU ET TBILISSI

>>>> REPORT DES NÉGOCIATIONS JUSQU'AU RETRAIT DES TROUPES RUSSES DE GÉORGIE

DÉCRYPTAGE RELATIO-EUROPE PAR DANIEL RIOT

L'essentiel, c'était l'unité. Ou plutôt l'unanimité. Contrat rempli. La déclaration proposée par la France a été discutée : c'est logique. Mais les 27 l'ont approuvée. Les plus réalistes, comme les plus durs à l'égard de Moscou.

Le principal, c'était de marier fermeté dans la réaffirmation de quelques principes et esprit d'ouverture. Objectif atteint. L'UE va être "vigilante" dans ses relations avec la Russie et pourrait prendre des décisions "concernant l'avenir" de ces relations en fonction de l'évolution de la situation en Géorgie. Prochain test : la prochaine réunion UE-Russie du 14 novembre à Nice.

D'ici là, les négociations prévues (notamment le 15 septembre) sont  ajournées tant que « toutes les troupes russes n'ont pas évacué  la Géorgie ». Mais MM. Barroso et Sarkozy, accompagnés du diplomate en chef de l'UE, Javier Solana, se rendront  le 8 septembre à Moscou et Tbilissi, pour tenter de progresser vers un règlement du conflit, et tenter notamment d'obtenir un retrait des troupes russes."Yalta, c'est fini", lance Sarkozy...

Cette suspension des négociations n'était pas prévue dans le texte présenté aux 27 par la France. Le Royaume-Uni et la Pologne ont donc obtenu une satisfaction plus symbolique que lourde de conséquence. Même si le Kremlin risque de réagir soit négativement soit par le mépris.

Globalement, l'UE va « examiner attentivement et en profondeur la situation et les différentes dimensions de la relation UE-Russie » « Cette évaluation devra être menée notamment dans la perspective du prochain sommet (UE-Russie) prévu le 14 novembre à Nice et pourra conduire, à la lumière de la situation et notamment de la mise en oeuvre par la Russie de tous ses engagements au titre du plan de paix en six points (en Géorgie), à des décisions sur la poursuite des discussions concernant l'avenir de la relation entre l'Union et la Russie dans différents domaines »

Il n'y a vraiment pas quoi « faire peur » à Poutine. Mais l'Union est plus cohérente que l'OTAN: c'est un bon point pour elle. Elle reste en première ligne dans la quête d'un accord: ce n'est pas là un signe de faiblesse. Mais tout au plus, le Kremlin doit-il avaler deux couleuvres.

>>> L'une de pure susceptibilité : sa démarche de type impériale est « montrée du doigt », pour reprendre une formule un peu scolaire de Fillon. Et la suspension des rendez-vous jusqu'au retrait total des troupes russes est diplomatiquement un signe de fermeté qui peut être interprétée comme une mesure de rétorsion, même si la remise en cause d'un partenariat stratégique entre la Russie et l'Union aurait des conséquences négatives pour les deux parties

>>> L'autre d'essence geopolitique : Les 27 aideront la Géorgie sans exiger (dans l'immédiat) le départ de Saakhavili dont la responsabilité est tout de même établie dans un rapport de l'OSCE.

Dans les « exigences » des 27, l'une est déjà caduque : la reconnaissance unilatérale de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie par Moscou est « irrévocable ». Concrètement cela ne change guère la situation qui règne dans ces provinces qui échappent au contrôle de Tbillissi depuis 1991. Ces deux « provinces » se retrouvent toutes proportions gardées comme la partie turque de Chypre...

Ces deux « conflits gelés » ne sont pas prêts d'être dégelés. Cette épine dans les relations euro-russes fera mal longtemps. Sans conséquences graves...sauf si la Russie en profite pour transformer ces territoires en terrains militaires !

A son arrivée à Bruxelles, lundi en début d'après-midi, la chancelière allemande Angela Merkel avait estimé qu'il ne fallait « pas couper le fil du dialogue » avec la Russie mais que l'UE devait « parler clairement » et « réagir de façon unie » après la violation de l'intégrité territoriale de la Géorgie. Elle peut être satisfaite alors qu'à titre personnel, elle aurait toutes les raisons de se situer dans le camp des moins russophiles. Le réalisme (pas seulement à cause du gaz russe qui chauffe 43% des foyers allemands) l'emporte sur les souvenirs d'enfance. Une sagesse qui a été partagée par les 27.

Le réalisme ordonne aussi de tenir compte des peurs (justifiées) du peuple géorgien et de tous ceux qui, Ukrainiens en tête, peuvent être naître des menaces russes de « défendre les russophones ». et « d'anéantir tout agresseur » cela implique pour le moins des définitions plus précises de « russophones » et d' « agresseur »...

Ils étaient au moins 300 000 à manifester à Tbilissi pour crier « Arrêtez la Russie ! »

On ne peut-être que de cœur avec eux. Mais cela ne fait pas oublier l'aventurisme de Saakhavili qui a avoué lui-même qu'il pensait que les Russes bluffaient. Cela ne fait pas oublier non plus le jeu dangereux des USA qui, loin du théâtre européen, n'ont rien compris à la nature de ce que l'on a appelé des « conflits gelés » et qui ont oublié que l'OTAN avait sa pleine justification quand, en face, au service d'un totalitarisme militarisé et d'une idéologie liberticide, se dressait la Pacte de Varsovie, ses missiles et son concept de « souveraineté limitée ».

La conception de « l'étranger proche » n'est pas un monopole russe.

Les 27 ont-ils répondu aux appels lancés par la Fondation Schuman (entre autres) « au réalisme, à la fermeté, à l'intelligence » ?  Sarkozy le pense et le dit. Il est fier de l'unité sauvegardée. Il a raison. Même si les plus hostiles envers la politique de Poutine vont dénoncer une nouvelle manifestation de « l'esprit munichois ».N'abusons pas des allusions historiques : les conditions ne sont en rien les mêmes.

Daniel RIOT