Il est important de préciser d'emblée que A Complete Unknown n'est pas un biopic de Bob Dylan. D'ailleurs le titre de l'ouvrage écrit par Elijah Wald sur lequel le film est basé - " Dylan Goes Electric! Newport, Seeger, Dylan and the Night that Split the Sixties " - cerne parfaitement les contours historiques de l'histoire, en tout cas beaucoup mieux que le titre du film ne le laisse croire.
Les scénaristes James Mangold et Jay Cocks se concentrent sur le virage opéré par Dylan lorsque celui-ci a introduit les sonorités électriques à son répertoire, jusque-là très respectueux des traditions. En quelques années à peine, cette période charnière a marqué une rupture totale, considérée par ses détracteurs comme un pied de nez, pour ne pas dire un mépris, envers les valeurs sociales et les racines de cette musique d'ordinaire proche du terroir et des préoccupations du peuple.
A Complete Unknown se construit donc autour du combat intérieur qui animait Dylan au début de sa carrière. D'un côté son attachement au legs musical de ses mentors et de l'autre, la recherche de son propre style, quitte à bousculer les attentes et à tourner le dos à ceux et celles qui croyaient en lui. Le récit illustre plutôt bien le dilemme de celui qui respectait profondément les deux légendes du " vieux folk " que furent Pete Seeger et Woody Guthrie, figures paternelles planant sur tout le récit. Le premier - très à cheval sur les principes - étant incarné par le toujours très bon Edward Norton et le second - agonisant seul dans un hôpital aux couloirs sans vie, aux chambres jaunasses et l'ambiance mortifère - par Scoot McNairy.
C'est dans cette métaphore de fin d'une époque glorieuse que A Complete Unknown puise ses moments les plus touchants. Le récit faisant bien ressortir les tiraillements, les tâtonnements et les doutes du barde sans attaches. Mais avouons que pour un film de 2h20, c'est un peu court. Les amateurs du créateur de " Highway 61 Revisited " et " Like A Rolling Stone " n'apprendront pas grand chose de neuf, tandis que ceux qui veulent le découvrir n'auront qu'une idée très partielle de l'homme qui se cachait derrière l'artiste.
Car au final, on n'apprend peu sur son enfance, ses angoisses, ses peurs et, plus gênant, ses engagements politiques. En revanche, les auteurs insistent sur ses relations compliquées avec la gent féminine, représentée ici par une dénommée Sylvie Russo, personnage fictif incarné par Elle Fanning s'inspirant de Suze Rutolo, et par Joan Baez, bien jouée et bien interprétée par Monica Barbaro, que l'on avait remarquée dans Top Gun: Maverick.
Pour le reste, les amateurs de l'artiste seront comblés par les nombreuses chansons qui émaillent le récit et retrouveront dans la mise en scène de James Mangold les mêmes qualités que celles qui étaient déjà à l'oeuvre dans Ford vs. Ferrari. À savoir, le soin du détail, des plans soigneusement composés, et une reconstitution d'époque crédible. La performance à la fois opaque et vivante de Timothée Chalamet devrait recevoir les hourras et les bravos dans les divers galas et palmarès de fin d'année. Bien fabriqué, bien interprété, A Complete Unknown est un spectacle plaisant, mais qui, par sa superficialité volontaire, garde intacte l'aura de mystère et de non-dit qui enveloppe son protagoniste.
En salle au Québec: le 25 décembre 2024 (Searchlight Pictures)