Plan de Mme Boutin "en faveur" du logement: une mauvaise soupe étatiste de plus

Publié le 29 juillet 2008 par Objectifliberte

Le plan annoncé par Mme Christine Boutin en faveur du logement n'a pas réellement déclenché mon enthousiasme, doux euphémisme.
Le dossier (pdf) présenté lors d'une conférence de presse du 10 juillet ne permet pas encore de présumer du contenu exact des textes qui seront d'abord présentés au conseil des ministres, et encore moins au parlement à la rentrée. Il donne toutefois des indications précises sur la philosophie générale de la loi en préparation. Voyons ce qu'il énonce.
Secteur HLM: une pâle tentative de reprise en main
L'essentiel des mesures présentées dans les chapitres 1 et 4 constitue une véritable reprise en mains du secteur HLM, jugé visiblement trop indépendant de la tutelle de l'état par nos dirigeants. Il est vrai que la situation des différents organismes est très variable, que les contrôles internes du ministère du logement montrent que nombre d'entre eux sont soit mal gérés, soient ne répondent pas réellement aux objectifs à caractère social promus par les différents gouvernements successifs. A leur décharge, tous les organismes HLM ne gèrent pas des parcs dans le même type de quartiers, et tous doivent faire face à quelques règles particulièrement stupides de valorisation des loyers édictées par ce même ministère...
Le gouvernement actuel est coincé par les promesses non budgétairement provisionnées  de construire 100 000 logements sociaux annuels, et cherche donc à trouver des ressources pour subventionner de nouveaux logements. Il va donc puiser dans la caisse des organismes en équilibre, voire excédentaires (en général situés dans des villes faciles, gérant des quartiers calmes, avec beaucoup de logements "intermédiaires"...) pour alimenter les projets de construction des autres. On peut craindre qu'un tel dispositif ne donne de mauvaises incitations supplémentaires aux organismes HLM, qui n'en manquent déjà pas (voir cet extrait de mon ouvrage, "le logement, crise publique, remèdes privés"). En instaurant une sorte de "prime à la mauvaise gestion", il devrait permettre de trouver des ressources pour les organismes en difficulté la première année, puis la source devrait se tarir, avec en outre une situation financière globale des organismes HLM dégradée.
Le gouvernement souhaite également obliger chaque organisme HLM à signer une "convention d'utilité sociale", véritable contrat d'objectif en terme de construction neuve, de réhabilitation du parc, et de composition du parc de locataires. C'est une façon comme une autre d'avouer que chaque organisme faisait un peu ce qu'il voulait auparavant... D'où la succession de rapports très critiques de l'inspection des HLM (MIILOS) sur la qualité de la gestion de ces organismes. Très franchement, on ne voit pas en quoi un surcroît de contrôle étatique, par essence bureaucratique, tatillon, fondé sur  des critères qui sont en général fort éloignés de la définition que l'homme de la rue se fait de l'efficacité, et couplé aux incitations à la mauvaise gestion financière décrites précédemment, pourra améliorer quoi que ce soit à l'efficacité des bailleurs sociaux.

Le logement social, un gaspillage de ressources au bénéfice de gens qui pourraient vivre sans

Mais évidemment, la mesure qui va le plus faire parler concerne la fin du maintien de droit dans le logement HLM pour les (très) hauts revenus, supérieurs à deux fois le revenu d'admission plafond. Sur le fond, et bien que j'aie déjà exprimé des doutes sur la volonté réelle des OPHLM d'appliquer cette disposition, celle ci va dans le bon sens: il est normal que l'argent des politiques sociales n'aille pas aux mieux nantis. Cependant, la mesure révèle les incroyables contradictions du système HLM: dans le même temps, les plafonds d'admission dans les HLM, auparavant indexés sur le SMIC, vont être abaissés de 10% "pour tenir compte des revalorisations du SMIC liées à la fin des 35 heures". Les seuils d'admission vont donc se retrouver nettement en dessous des revenus médians des ménages.
Résumons :  si vous gagnez légèrement plus d'une fois et demie le SMIC par "unité de consommation" (unité technocratique caractérisant le nombre de personnes au foyer, selon l'INSEE), vous ne pouvez pas rentrer dans un logement social, mais si vous gagnez moins de trois fois cette valeur, vous pouvez... vous y maintenir, si vous avez eu la chance de pouvoir y rentrer plus jeune... Vous avez dit "kafkaïen" ?
Ce type de disposition est ardemment  exigée par tous les élus, de droite comme de gauche, qui président aux destinées des offices HLM. Ainsi, M. Castagnou, maire (PS) du XIVème arrondissement de Paris, et responsable d'un office HLM de la capitale, déclarait dès le 11 juillet dans les colonnes de France Soir qu'il ne fallait pas que les seuils "d'expulsabilité" du logement social soient trop bas afin de ne pas faire fuir les classes moyennes hors de Paris, au nom, bien sûr, de la "mixité sociale", et non pour maintenir dans les quartiers de la capitale une composition sociologique favorable à la gauche, ce serait faire un mauvais procès à nos si dévoués politiques que de leur prêter de tels raisonnements.
Par de tels propos, l'édile parisien admet que le système du logement social se doit de distribuer des rentes de situation à des gens qui n'en ont guère besoin, pour éviter que les quartiers à forte présence de logements sociaux ne deviennent des ghettos ou des poches de grande pauvreté. Bref, avec le logement social, nous avons le choix entre créer de nouveaux "quartiers sensibles" dont nous paierons pendant des décennies les tares de conception, ou, pour éviter cela, un gaspillage sans fin de fonds publics au profit de gens aux revenus supérieurs à la moyenne... M. Castagnou donne de l'eau au moulin des rares personnes qui pensent qu'il faudrait cesser de faire jouer à l'état le rôle d'offreur de logements subventionnés, et de remplacer les aides à la pierre innombrables par un dispositif unique de chèque logement destiner à solvabiliser les plus bas revenus pour leur permettre d'accéder à des logements privés de premier prix.
Le plan Boutin, parce qu' il consacre le logement public comme outil essentiel des politiques du logement, n'est qu'un médiocre replâtrage d'un mauvais système, condamné à ne pas donner de meilleurs résultats, ou alors à la marge, que précédemment.
Dispositifs Robien, Borloo: circulez, il n'y a rien à voir
Le plan Boutin prolonge la vie des dispositifs Robien et Borloo, tout en reconnaissant que leurs zones d'application doivent être limitées pour éviter de sur-construire là où ils ont déjà provoqué une sur-construction... L'état, éternel pompier pyromane, préfère perpétuer ses erreurs en faisant semblant de les corriger, plutôt que d'avoir le courage d'y mettre fin. Rien à rajouter.
Libération foncière : circulez aussi, il n'y a rien à voir non plus
On espérait une ouverture large du foncier à la construction, dans la continuité du discours du candidat Sarkozy à la convention logement de l'UMP en 2006. Hélas, le plan Boutin ne propose que des broutilles, quelques augmentations de "COS" (nombre de mètres carrés de logement par surface de terrain), notamment pour la construction sociale... Et un rôle accru des préfets dans la définition des besoins de terrain constructibles inscrits dans le "plans locaux de l'habitat" et dans le contrôle de l'adéquation des quantités de terrains constructibles libérés par les PLU avec ces mêmes PLH... On se croirait en ex-URSS, où les commissaires politiques du parti vérifiaient l'application du Gosplan.
Personne n'a expliqué, semble-t-il, aux gens qui nous gouvernent, qu'il existait  un outil formidable qui se chargeait de faire correspondre avec une efficacité généralement excellente les besoins de logement avec l'offre, qui s'appelle « le marché », à condition, bien sûr, que les offreurs ne voient pas leurs pieds ligotés par des avalanches de lois castratrices et perverses comme cela est le cas chez nous...
La libération foncière, instrument absolument indispensable d'un marché du logement permettant de conserver des prix bas même lorsque la demande est soutenue, n'est pas pour cette fois encore. Hélas.
Petite lueur d'espoir ?
Comme toute réforme de la présidence de M. Sarkozy qui se respecte, le plan Boutin se doit de mélanger quelques grammes d'alouette très subtilement libérale au roboratif pâté de cheval étatiste qui en constitue le corps. Le dossier de presse évoque donc la possibilité de développer des programmes d'urbanisme contractuel avec des développeurs privés. Il faut attendre le texte définitif pour se faire une idée de la praticabilité de la mesure, mais elle part d'un bon sentiment.
Malheureusement, pour doucher mon début d'intérêt, à défaut d'enthousiasme, le dossier de presse précise que la procédure sera proche de celle en vigueur pour les ZAC (peu respectueuse du droit de propriété et très lourde), et devra permettre, comprenne qui pourra, "l'émergence de ZAC privées permettant de renforcer les actions publiques d'aménagement" (!!). L'émergence d'opérations 100% privées d'envergure dans un environnement concurrentiel n'est pas pour demain.
Je passe rapidement sur les quelques autres mesures annoncées, de la même veine technocratique, sans aucun élément susceptible de déclencher un véritable réveil de l'offre privée de logements à des coûts acceptables.
Conclusion
Le plan Boutin pour le logement est une tentative désespérée et médiocre pour guérir les tares les plus visibles d'un système de logement largement collectivisé et étatisé parvenu à bout de souffle. Consacrant un peu plus encore le rôle de l'état, et notamment de ses préfets, pour définir et remplir des objectifs de Gosplans locaux du logement au lieu de laisser le marché jouer son rôle d'outil de satisfaction de la demande, et de se cantonner à l'aide aux ménages en situation de grande difficulté, ce plan montre, quoiqu'en dise une certaine gauche, que ce gouvernement reste franchement étatiste, interventionniste, et naturellement peu confiant dans l'initiative privée, l'antithèse d'une droite libérale dont ce pays aurait pourtant tant besoin. Guère réjouissant...
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