Jean-Claude Grumberg – Quand la terre était plate

Par Yvantilleuil

Depuis mon immense coup de cœur pour « La plus précieuse des marchandises », récemment adapté au cinéma, je me jette inlassablement sur chacun des textes de Jean-Claude Grumberg.

Après avoir rendu un superbe hommage à sa femme, décédée après presque soixante ans de vie commune, en écrivant « Jacqueline Jacqueline », l’auteur tente de nous raconter l’histoire de sa mère Suzanne, qui a traversé les deux guerres mondiales avant d’élever ses deux fils toute seule, sans argent et sans savoir ni lire ni écrire. S’il a vécu cette période d’après-guerre à ses côtés, il ne sait par contre pas grand-chose de sa vie d’avant, excepté quelques anecdotes récoltées à gauche et à droite.

À l’instar de « De Pitchik à Pitchouk : Un conte pour vieux enfants », où l’auteur se faufilait dans les méandres de la mémoire d’une personne âgée et nous emmenait de Pitchik à Pitchouk sans véritable fil rouge, Jean-Claude Grumberg propose à nouveau une narration pour le moins surprenante, comblant les vides comme il le peut et allant jusqu’à enfiler des bottes magiques afin de reconstituer le parcours de la famille de sa mère entre Brody et Paris.

Et pourtant, entre ses radotages et ses frustrations de ne pas parvenir à combler les vides, l’auteur témoigne au-delà du « plus jamais ça » et transmet tout l’amour et le respect qu’il a envers cette maman courageuse qui a terminé dans la maison où l’on ramasse ceux qui tombent, sans oublier de rendre hommage à son frère, devenu « chef de famille » dès l’âge de huit ans. On ressent beaucoup d’admiration et de tendresse envers ces deux personnes qui lui ont finalement permis de traverser cette période difficile presque en sifflotant.

Si la maman de Jean-Claude Grumberg ne savait ni lire ni écrire, ce fils de déporté parvient par contre à nous toucher avec ses mots, à nous transmettre des émotions entre ses phrases et à saisir l’ambiance de l’époque, celle d’après-guerre(s)…quand la terre était plate.

Quand la terre était plate, Jean-Claude Grumberg, Seuil, 176 p., 19€

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