La CIA a tout juste 4 ans. C'est une enfant qui n'a rien prouvé nulle part.
En Iran, on veut nationaliser le pétrole dont les intérêts sont partagés avec les étrangers, dont les États-Unis et l'Angleterre. L'Angleterre fait une proposition d'affaires qui est refusée par le Premier Ministre Mohammed Mossadegh. Le Royaume-Uni choisit donc alors de boycotter un temps le pétrole venant d'Iran jusqu'à ce qu'ils changent d'idée. Comme ils ne le feront pas, le gouvernement de Winston Churchill choisit de donner une mission à son service secret, le MI6, afin de renverser le gouvernement de Mossadegh.
Mais la mission est immense et a besoin de moyens. Les États-Unis seront aussi touchés par leurs envies de se débarrasser d'intérêts étrangers, Churchill s'en sert d'argument afin de convaincre le président des États-Unis, Dwight Eisenhower. Il veut qu'il$ $'impliquent. Après la Seconde Guerre Mondiale, les services secrets Britanniques sont sans le sou. L'opération pour les Britanniques a pour nom de code Opération Boot et pour les États-Unis, la jeune CIA nommera son Opération Ajax.
Le Shah d'Iran a été victime d'une tentative d'assassinat en 1949, ce qui l'a forcé a se garder en retrait des activités politiques et sociales de son pays, dans les années qui ont suivies. On lui parle du coup anticipé en lui disant qu'une fois réussi, le Shah pourrait reprendre le rôle prédominant qu'il avait en Iran. Mais le Shah reste ambivalent et n'aime rien de tout ça. Il a peur qu'on pense qu'il est derrière tout ça et, désormais au courant du coup projeté, c'est effectivement vrai. Si il s'exile, et est à l'extérieur quand ça se produit, ça convaincra tout le monde qu'il était dans le coup. Il mettra du temps à accepter d'être dans le complot, mais finira par le faire. En s'exilant.
Du point de vue de l'Iran, c'est extraordinairement légitime de vouloir faire cavalier seul. Ce sont eux qui ont l'or noir. Techniquement, les profits sont partagés avec des partenaires étrangers, mais l'Iran ne voit jamais les chiffres et acceptent des sommes sur lequel ils n'ont pas les yeux. Ils sont assurément exploités sinon il n'y aurait aucune raison de ne pas les garder au courant des valeurs de leurs propres biens. L'esprit colonial est tout à fait présent.
Mossadegh est très intelligent et très cultivé. Très éduqué. Sait tout ça et hais les Britanniques pour cela. Et c'est très réciproque car il ne plie pas aux exigences du Royaume-Uni. Depuis 1952, l'ambassade britannique en Iran est fermée par le gouvernement. Ils n'ont donc plus personne sur le terrain.
Tout comme aux États-Unis, les missions secrètes ne sont pas nées des services d'intelligence, mais plutôt du ministère des affaires étrangères. Le services secrets sont les exécutants des projets de ministères. La CIA est jeune, mais elle est riche. MI6 a les connaissances des opérations dans le Moyen-Orient, mais la CIA a les ressources financières et l'impact diplomatique en plein essor, là où les Britanniques n'ont pratiquement plus rien.
Ian Fleming écrit son premier James Bond, Casino Royale cette année-là, et comme dans tous les James Bond, les clins d'oeil à la géopolitique internationale sont présents. Dans une scène, Bond, le Britannique, joue au Baccarra dans un casino et perd de plus en plus d'argent. Et c'est un espion des États-Unis qui lui en glisse pour qu'il arrive à continuer. C'est une métaphore parfaite de ce qui se passait dans cette opération.
Le petit fils de Teddy Roosevelt, Kermit Roosevelt, issu de l'aristocratie politique des États-Unis, sera l'agent de la CIA au coeur des démêlées. Contrairement à son moustachu grand-père charismatique, il a l'air d'un vendeur d'assurances. Il a 37 ans. Diplômé d'Harvard, il a beaucoup de contacts dans le monde en raison de son nom de famille.
Un agent de la CIA qui dévoile ses cartes est une action majeure. Et pour cette raison, rien n'est connu sur ce qui l'a convaincu. Tout est toujours caviardé après toutes ses années. Mais on peut comprendre que le Shah, a des assurances de sécurité et des gains financiers de la part des États-Unis, et sera "The USA guy" dans le Moyen-Orient en retour, pour les années à venir.
Le code pour dire que la mission a réussi sera d'écouter la BBC à minuit tous les soirs, et d'entendre "it is now (pause) exactly midnight" au lieu du traditionnel "It is now, midnight".
Entendant à la radio Mossadegh dire qu'il a déjoué une tentative de renversement orchestrée par le Shah et des intérêts étrangers, on dégrise vite.
Avec les communistes qui ont tendu la main à Mossadegh, MI6 et les États-Unis sont en train de créer ce qu'ils avaient inventés/craints.
Ça sent l'échec, mais on ne baissera pas les bras.