Chapardages

Publié le 27 mai 2025 par Adtraviata

Quatrième de couverture :

Bientôt la fin de l’été. Lucie musarde, à la recherche d’idées pour écrire. Elle chipe, ici et là, une allure, une humeur ou une métaphore. Sa mère lui inspire une tarte à la mouche. Sa psy l’aide à décrypter les images postées la nuit par son subconscient…
Tout se passe sur une côte bretonne à la fin d’un été caniculaire où les vergers offrent leurs pommes muries trop vite. Lucie chaparde. Et nous livre les plus jolis fruits de son jardin intérieur.
Dix-neuf récits courts pour s’interroger sur notre aptitude au bonheur.

Chapardages, quelle belle idée de titre pour ces 20 nouvelles assez courtes que, personnellement, j’ai lues comme un roman qui me plongeait dans l’univers de la narratrice, Lucie (dont on découvre le prénom au beau milieu du livre). Celle-ci nous donne accès à son intimité lors d’une visite chez sa gynéco, à son (léger) agacement quand elle rend visite à sa mère, nous la suivons à la machine à café dans ses interrogations sur le départ de collègues, dans son impasse bretonne où elle tente de faire signer une pétition par une voisine pas commode, dans les soirées familiales avec son amoureux Loïc, son frère, sa belle-soeur et d’autres couples, sans oublier ses rendez-vous avec sa psy et l’interprétation de ses rêves.

Je me suis sentie vraiment bien dans ce livre. C’est frais, fin, bien observé, authentique, très contemporain – et très bien écrit. Lucie exerce un oeil lucide et un brin ironique sur son quotidien bien rempli et pique de ci de là de quoi nourrir, peut-être, le livre qu’elle rêve d’écrire tous les matins à 6h30. Et peut-être bien que cette Lucie de papier, qui se préoccupe beaucoup de ses heures d’écriture, qui raconte avec ironie un salon littéraire dans L’amour, c’est mieux et picore des idées au fil de ses journées, est le double de Cécile-Marie Hadrien ? Je n’ai plus qu’à mettre la main sur son premier recueil Je vous dépose quelque part ? qui traîne quelque part dans ma PAL.

Un tout grand merci aux éditions Quadrature pour l’envoi de ce recueil.

La vie devant nous : « Loïc a l’air déboussolé, comme à chaque fois qu’il a vu sa mère. On s’étreint sur la terrasse et j’enfouis mon nez dans son cou pour humer son odeur. Pour le rassurer. Pour me rassurer. Certains adoptent un animal familier. D’autres s’inventent un fils lointain. Madame Lavie est nullipare, tout comme moi, mais elle a beaucoup voyagé. Rien d’une femme au foyer casanière, comme l’ont été bien des femmes de sa génération. Elle a tracé sa route et un jour, elle est arrivée ici. La fin du voyage. (…)

On a quitté la Résidence, enlacés. Tandis qu’on roulait vers la maison, on a peu parlé, chacun dans ses pensées. La nuit suivante, j’ai rêvé de Madame Lavie. Elle était dans la voiture, avec nous, assise au milieu de la banquette arrière. Elle ne parlait pas mais sa présence était indiscutable et troublante. Nous allions poursuivre notre route avec elle.« 

L’amour, c’est mieux : « Que répondre à ce lecteur potentiel qui tient en main l’un de mes ouvrages, en a déjà parcouru la quatrième de couverture, plus quelques lignes piochées au hasard des pages, et n’attend qu’un mot de moi pour le convaincre de solliciter une dédicace ? L’imagination, pour qui en est affecté, est une curieuse maladie. Il m’arrive de ne plus savoir si telle scène dont j’ai un souvenir précis s’est réellement produite, si je l’ai rêvée ou si j’en ai élaboré le diaporama en Technicolor à partir d’un récit qu’on m’a fait. Il m’arrive trop souvent de prêter aux gens des intentions qu’ils n’ont pas. Il m’arrive, surtout la nuit, d’avoir peur de ce qui ne se produira jamais ou dans un futur très lointain. L’imagination est source de confusion, de quiproquos et d’insomnies à n’en plus finir. En réalité, je ne la souhaite à personne. » (…)

« L’écriture est dans ma vie une préoccupation constante et une activité sporadique. C’est un objet de procrastination et un motif de fâcherie fréquent entre mon ego et mon surmoi. C’est ce qui donne du sens à ma vie. Assise à mon bureau chaque matin entre six heures trente et huit heures trente, il m’arrive de ne pas pouvoir aligner trois mots. Alors je me sens une moins-que-rien. Il m’arrive aussi d’être traversé par une fulgurance à trois heures du matin. Alors je sais que la journée sera longue. L’auteur est-il tenu d’étaler ses doutes et ses insomnies au grand jour ? »

La femme au chien : « C’est fou les idées qu’on peut se faire sur les gens. » (Dernière phrase du livre qui explique tout, qui sait ?)

Cécile-Marie HADRIEN, Chapardages, Quadrature, 2025

Bon anniversaire à Quadrature qui fête cette année ses 20 ans !