Steven Tyler : quand l’esprit de Lennon l’a traversé en studio

Publié le 06 juin 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

En 1978, Steven Tyler enregistre Come Together pour un film hommage aux Beatles. Sous la direction de George Martin, il vit un instant quasi mystique où il se sent traversé par l’esprit de John Lennon. Un moment fondateur dans sa carrière.


Certains instants traversent une carrière musicale comme des éclairs mystiques. Pour Steven Tyler, l’énergie de John Lennon ne s’est pas révélée sur une scène immense ou dans un studio réputé, mais plutôt à travers une vitre de studio, en 1978, alors qu’il posait sa voix sur Come Together pour la bande originale du film « Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band ». Ce fut, selon ses mots, « pour une nanoseconde, comme si j’étais John ».

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Des clubs de Boston aux rêves psychédéliques

Bien avant de devenir l’icône flamboyante d’Aerosmith, Steven Tyler – né Steven Tallarico – traînait ses bottes dans les clubs de la côte est avec son groupe Chain Reaction. La fougue était là, la scène aussi, mais la météorite rock qu’il deviendrait se profilait encore à l’horizon. Ce n’est qu’à la rencontre avec Joe Perry que la foudre musicale frappe. Ensemble, ils explorent les sillons laissés par les Yardbirds et Led Zeppelin, mêlant puissance blues et hargne scénique.

Leur son ? Une alchimie entre la chaleur des guitares britanniques et l’exubérance de Jagger et Richards. Car si Aerosmith revendique les Stones comme modèle premier, c’est la grandeur inégalable des Beatles qui plane, en silence, comme l’ultime sphère à atteindre.

Une invitation au club très fermé des Beatles

Il est toujours fascinant d’observer comment les figures du rock abordent leur relation aux Beatles. Pour Tyler, ce fut une affaire de respect, d’admiration muette, jusqu’à cet appel inattendu : participer à la bande originale du film Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band. Ce projet cinématographique, aussi curieux que critiqué, consistait à revisiter les chansons phares des Fab Four par des artistes contemporains. Et qui mieux qu’Aerosmith pour incarner la fureur de Come Together ?

Le film lui-même, à sa sortie en 1978, s’avère être une déception artistique majeure. Si Earth, Wind and Fire sauve l’honneur avec Got to Get You Into My Life, d’autres prestations comme celle des Bee Gees ou d’Alice Cooper sombrent dans la parodie kitsch. Pourtant, au milieu de cette galerie bancale, la version d’Aerosmith émerge, crue, sensuelle, menaçante. Tyler y insuffle une ferveur qui va bien au-delà de l’exercice d’imitation.

George Martin, mentor éphémère, miracle durable

Le véritable fil rouge de cette expérience pour Tyler se nomme George Martin. Le producteur historique des Beatles supervise les sessions du film. Pour Tyler, travailler sous son regard est un honneur sacralisé. « Il n’était pas seulement charmant, il était brillant et magnifique », dit-il. Dans le studio, au moment où il entonne les premières paroles de Come Together, Tyler perçoit, dans la vitre de la cabine, quelque chose de mystique : Lennon n’est pas là, mais son esprit s’invite.

Ce moment suspendu, aussi fugace soit-il, semble avoir bouleversé le chanteur d’Aerosmith. Il ne s’agit pas de pastiche, mais d’incarnation. Comme si, l’espace d’un vers, Steven Tyler avait transcendé la frontière du rêve pour pénétrer l’imaginaire beatlien.

Une trace vocale indélébile

La version d’Aerosmith de Come Together reste aujourd’hui l’une des reprises les plus respectées de l’Œuvre des Beatles. Face aux tentatives de Michael Jackson ou Soundgarden, Tyler impose une lecture viscérale, prédateur charismatique sur fond de basse rampante. Il ne cherche pas à être Lennon ; il s’en inspire pour devenir pleinement lui-même.

Ce n’est pas un hasard si Come Together s’intègre durablement dans le répertoire live d’Aerosmith. Le groupe s’y frotte comme à une relique, mais avec une vigueur intacte, un respect brûlant. Pour Tyler, ce n’est pas seulement une chanson ; c’est un rite initiatique, une porte d’entrée dans une légende musicale qu’il a toujours vénérée.

Le rêve d’une filiation assumée

Ce que ce moment dit de Steven Tyler, c’est qu’au-delà du glam, des excentricités et du rock rugueux, il y a chez lui un amour profond pour les origines, une volonté de faire partie de cette lignée sacrée que les Beatles ont inaugurée. Le croiser dans les toilettes, comme ce fut le cas avec Paul McCartney, n’était pour lui qu’un clin d’œil du destin. Se sentir Lennon un instant, c’était toucher le graal.

Et si ce moment n’a duré qu’une fraction de seconde, il aura suffi à marquer durablement une carrière, à poser sur elle l’empreinte d’un mythe. Steven Tyler n’a jamais été Lennon. Mais pour beaucoup, ce jour-là, il fut le plus proche possible d’en être le reflet fidèle, à travers la voix et l’âme.