Le 25 octobre 1988, le supergroupe Traveling Wilburys sortait son premier album, Traveling Wilburys Vol. 1, un disque qui allait marquer l’histoire du rock par son approche décontractée et son alchimie musicale unique. Parmi les titres qui composent cet opus figure Tweeter And The Monkey Man, une chanson fascinante, empreinte d’une mystérieuse narration, qui reste l’un des morceaux les plus énigmatiques et captivants du groupe.
Sommaire
- Une genèse spontanée et inspirée
- Un hommage voilé à Bruce Springsteen ?
- Une performance unique de Bob Dylan
- Une chanson qui traverse les décennies
Une genèse spontanée et inspirée
Enregistrée en mai 1988 sous la houlette de George Harrison et Jeff Lynne, Tweeter And The Monkey Man se distingue par son mode de composition atypique. Contrairement à bien des chansons peaufinées en studio après maintes retouches, celle-ci fut pratiquement improvisée autour d’une table de cuisine. Selon les souvenirs de George Harrison, Bob Dylan et Tom Petty étaient les principaux instigateurs du morceau, pendant que Harrison et Lynne assistaient amusés à leur déroulement créatif.
Bob Dylan, en particulier, impressionna ses compagnons par sa capacité à débiter d’un trait une histoire presque entièrement formée. Jeff Lynne se souvient : « C’était incroyable de le voir faire. Il a commencé avec une première prise pour s’échauffer, puis à la seconde prise, il a tout chanté d’un coup. Il a ensuite changé quelques phrases ici et là, mais c’était tout. »
Un hommage voilé à Bruce Springsteen ?
Dès sa sortie, Tweeter And The Monkey Man a suscité de nombreuses interprétations quant à ses paroles. L’histoire racontée semble plonger l’auditeur dans un univers de films noirs et de polars américains, mêlant trafic de drogue, corruption et règlements de comptes sur fond de banlieues désinvesties. Mais ce qui frappe le plus les auditeurs avertis, c’est la présence de multiples références aux chansons de Bruce Springsteen.
En effet, les paroles incluent plusieurs allusions subtiles à des titres du Boss comme Thunder Road, Jungleland et State Trooper. Jeff Lynne lui-même confirmera plus tard que le morceau contenait une part d’hommage au rockeur du New Jersey : « Nous aimions tous Bruce Springsteen. On pourrait dire que c’était une manière d’évoquer son univers. »
Cette influence est d’autant plus intrigante que Dylan n’était pas particulièrement connu pour faire des références directes à ses contemporains dans ses propres chansons. Ce jeu d’allusions donne ainsi à Tweeter And The Monkey Man une aura de mystère supplémentaire.
Une performance unique de Bob Dylan
L’une des particularités du morceau réside dans son interprétation vocale. Si les Traveling Wilburys étaient avant tout un groupe collaboratif où chaque membre apportait sa voix et sa personnalité musicale, Tweeter And The Monkey Man est avant tout une performance de Bob Dylan. Sa voix rocailleuse et expressive, proche du spoken word, donne au morceau une intensité dramatique unique, renforçant son aspect cinématographique.
Musicalement, la chanson repose sur une ambiance folk-rock minimaliste, laissant toute la place au récit de Dylan. Les guitares de George Harrison et Tom Petty ajoutent une texture discrète mais essentielle, tandis que la batterie de Jim Keltner maintient un rythme lancinant et obsédant.
Une chanson qui traverse les décennies
Plus de trente-cinq ans après sa sortie, Tweeter And The Monkey Man reste une curiosité dans la discographie des Traveling Wilburys. Elle incarne parfaitement l’esprit du groupe : un projet né d’une spontanité totale, sans pression commerciale, où des légendes du rock s’amusent à jouer ensemble et à raconter des histoires sans se soucier des conventions.
Pour les amateurs de Dylan, ce titre est une pépite qui rappelle ses meilleures années de narration folk. Pour les fans de Springsteen, il résonne comme un clin d’œil affectueux à l’univers du Boss. Et pour les inconditionnels des Wilburys, il représente une preuve supplémentaire de la magie opérée par cette collaboration unique dans l’histoire du rock.