Définition de la Vérité Kernésique
I. Schéma fonctionnel d’émergence (structure Kernesis)
Définition: La vérité kernésique est le résultat dynamique d’un processus multi-étapes, dans lequel une poussée initiale traverse des phases structurées pour produire une co-incidence alignée entre le Sujet, le Collectif et le Réel.
Cycle opératoire complet:
[Poussée × Germination]
+ Régulation–Inhibition pulsionnelle
+ Posture
→ Intégration cohérente (multi-échelles)
→ Alignement (multi-échelles)
⇩
Vérité traversante ⊕ Joie (résonance de régulation)
⇧
↺ Résonance rétroactive psycho-corporelle ↻
Chaque étape est définie précisément ci-dessous.
1.[Poussée × Germination]
- Poussée : tension motrice initiale (intuition, nécessité, désir d’élucidation).
- Germination : conditions matérielles ou symboliques de développement (contexte, matière, rencontre).
Exemples : hypothèse de recherche, perception esthétique, acte éthique ou expression symptomatique.
2.Régulation–Inhibition pulsionnelle (RIACP)
La poussée est filtrée par des mécanismes de régulation :
- inhibition des emballements,
- confrontation aux limites du réel,
- stabilisation du mouvement émergent.
Empêche l’accès direct à des vérités pulsionnelles, évite le fanatisme ou l’auto-affirmation brute.
3.Posture
Le sujet s’ajuste corporellement et symboliquement :
- sa posture soutient la vérité,
- il devient capable de la porter dans son champ.
La vérité “tenue” précède souvent sa formulation.
4.Intégration cohérente (multi-échelles)
La vérité émergeante est reliée :
- aux systèmes antérieurs (épistémiques, sociaux, culturels),
- aux usages pratiques ou théoriques.
Elle ne s’oppose pas à ce qui existe, mais le ré-agence.
5.Alignement et intégration (multi-échelles)
La vérité kernésique est alignement actif entre :
- le Sujet (celui qui l’énonce ou l’incarne),
- le Réel (ce à quoi elle s’applique),
- le Collectif (ceux qui peuvent l’éprouver, la critiquer ou la partager).
Critères : stabilité, cohérence, ouverture à la vérification.
Intégration Multi-Échelles
ÉchelleDescriptionExemple
Micro (Corps)Sensations individuellesMain qui tremble en écrivant une preuve
Meso (Collectif)Validation par les pairsSéminaire où la théorie "résonne"
Macro (Réel) Ancrage matérielExpérience reproductible
6. Vérité traversante + Joie d’ajustement
La vérité kernésique se manifeste :
- comme transformation effective, perceptible à plusieurs niveaux,
- avec une joie fluïenne : indicateur somato-affectif d’un ajustement juste.
Joie ≠ euphorie ; elle est ici le signal rétroactif d’un alignement réussi.
7.Résonance rétroactive psycho-corporelle
La vérité produit une modification réelle :
- du schéma corporel (tensions libérées, énergie accrue, repos),
- du champ cognitif (clarification, surgissement de nouvelles intuitions),
- des interactions sociales (transmission, reconnaissance, reconfiguration).
II. Propriétés fondamentales (invariants fluïens)
Propriété
Définition opérationnelle
Statut dans le cycle
Incarnation
La vérité est d’abord vécue dans le corps
Posture / Résonance
Fluïdité
Elle traverse des désalignements productifs
Germination → Alignement
Transversalité
Elle est valide dans tout champ
Schéma adaptable
Rétroaction
Elle modifie le cadre qui l’a rendue possible
Intégration / Résonance
Stabilité active
Elle tient sans se figer
Alignement durable
Co-existence des plans
La vérité se manifeste à plusieurs niveaux en même temps
Multi-échelles
III. Critères de validation
Une vérité peut être dite kernésique si elle vérifie les points suivants :
Critère
Description
Alignement réel
Sujet–Réel–Collectif sont en résonance active
Effet psycho-corporel
Elle produit un effet visible (fatigue, joie, stabilité)
Effet de champ
Elle transforme les pratiques du domaine
Résistance au forcing
Elle ne peut être décidée, mais seulement reconnue
Stabilité évolutive
Elle tient tout en permettant un nouveau cycle d’émergence
Consistance rétroactive
Elle modifie le sujet et/ou le système qui l’a produite
Test Kernésique des Vérités Formelles
Cas : 2 + 2 = 4
1. Niveau 1 (Inerte) : Énoncé brut → Non kernésique.
2. Niveau 2 (Incarné:
- Enfant comprenant : Alignement micro (joie de la découverte) + méso (validation par le professeur).
- Extrait de *Récoltes et Semailles (1986) - Grothendieck : *"Les nombres ne sont pas des outils, mais des *êtres* avec lesquels je converse. […] Je les accueille bien plus que je ne les *calcule*."
3. Conclusion : "Toute vérité devient kernésique dès qu’elle est vécue comme une* traversée *et non une formule morte."
IV. Formes différenciées selon les champs
Domaine
Mode d’apparition kernésique
Sciences dures
Ajustement modèle ↔ mesure ↔ cohérence (ex : relativité)
Sciences humaines
Restructuration des catégories perceptives (ex : Bourdieu)
Art
Modification du régime perceptif (ex : Monet)
Éthique/Politique
Transformation du porteur (ex : Gandhi)
Mystique/Poïétique
Expérience non verbalisable mais stable et transformatrice
V. Limites et non-vérités kernésiques
Cas
Raisons d’exclusion du statut kernésique
Vérités inertes
Elles ne produisent aucun effet vivant (ex : tautologie formelle)
Fanatisme
Alignement simulé sans régulation ni transformation réelle
Vécus indicibles
Non partageables ou non intégrables (acceptés mais non généralisables)
VI. Formule synthétique
Vérité = Processus [ Poussée × Germination ]
→ Régulation pulsionnelle
→ Posture incarnée
→ Intégration multi-échelles
→ Alignement Sujet–Réel–Collectif
⇩
Manifestation traversante + Joie d’ajustement
⇧
Résonance rétroactive psycho-corporelle
VII. Usages recommandés
Objectif
Version adaptée
Transmission pédagogique
Version narrative initiale avec exemples
Évaluation d’un processus
Grille à critères + effet de champ
Production d’un protocole
Schéma Kernesis complet
Comparaison inter-champs
Tableau des formes différenciées
Réalignement personnel/collectif
Phase Posture + Joie + Résonance
VIII. Grille d’Évaluation Kernésique de la Valeur de Vérité au travers du dire/geste
Objectifs
- Évaluer le degré d’émergence, de densité et d’effet transformateur d’un dire/geste
- Suivi évolutif des processus de réalignement
Critères d’Évaluation (Score sur 100)
1. Origine du dire(20 points)
Question : D’où vient cette parole/ce geste ?
Score
Indicateurs observables
Signes corporels
0-5
Mensonge manifeste, manipulation
Regard fuyant, crispation, sur-contrôle gestuel
6-10
Stratégie défensive, mais assumée
Tension visible mais consciente
11-15
Sincérité partielle, reste des protections
Oscillation entre ouverture et fermeture
16-20
Parole nue, désarmée, spontanée
Respiration libre, regard direct, gestes naturels
2. Alignement interne(20 points)
Question : Le dire correspond-il à l’état global de la personne ?
Score
Indicateurs observables
Signes corporels
0-5
Dissociation flagrante (dit A, exprime B)
Contradiction geste/parole évidente
6-10
Décalage perceptible mais non majeur
Légère dysharmonie posturale
11-15
Cohérence globale avec quelques dissonances
Majorité des signaux convergents
16-20
Unité parfaite geste/parole/présence
Évidence de l’authenticité pour tous
3 Tension régulée(20 points)
Question : Comment la difficulté/le conflit est-il traversé ?
Score
Indicateurs observables
Signes corporels
0-5
Fuite, déni, évitement total
Raideur, fermeture, retrait
6-10
Reconnaissance du problème mais figement
Crispation assumée, immobilité
11-15
Tentative de traversée, encore instable
Alternance tension/détente
16-20
Traversée fluide, tension transformée
Souplesse dans la difficulté
4. Résonance du champ(20 points)
Question : Quel effet sur l’environnement relationnel ?
Score
Indicateurs observables
Signes collectifs
0-5
Aucun changement ou dégradation
Fermeture, distraction, fuite des autres
6-10
Léger impact localisé
Une ou deux personnes touchées
11-15
Transformation perceptible du groupe
Changement d’atmosphère notable
16-20
Reconfiguration profonde de l’espace
Silence dense, présence partagée
5. Stabilité différée (10 points)
Question : Que reste-t-il après le dire ? (évaluation à 24h et 1 semaine)
Score
Indicateurs observables
Temporalité
0-2
Rien ne subsiste
Immédiat
3-5
Trace légère à 24h
24h
6-7
Effet maintenu à 24h
24h
8-10
Transformation durable à 1 semaine
1 semaine
6. Ouverture générée (10 points)
Question : L’espace du possible s’élargit-il ?
Score
Indicateurs observables
Signes d’ouverture
0-2
Fermeture, rigidification
“Il n’y a qu’une solution”
3-5
Maintien du status quo
Pas de nouveauté
6-7
Légère expansion des possibles
“Peut-être que…”
8-10
Élargissement manifeste
Nouvelles perspectives spontanées
IX. Échelle de Valeur de Vérité
Score
Statut
Description
Action recommandée
85-100
Vérité pleine
Fluïenne, incarnée, transformante
Capitaliser, transmettre
70-84
Vérité stabilisée
Processus abouti, effets durables
Consolider, approfondir
55-69
Vérité émergente
En cours de maturation
Accompagner, ne pas forcer
40-54
Amorce sincère
Processus démarré
Soutenir, créer conditions
25-39
Reconnaissance
Désalignement assumé
Patience, présence
0-24
Résistance
Défenses actives
Respecter le rythme
Exemple d’Application
Situation : Étudiant en difficulté qui dit “J’abandonne pas, mais je n’y arrive plus”
Critère
Score
Justification
Origine
16/20
Parole nue, sans masque
Alignement
17/20
Fatigue visible cohérente avec le dire
Tension
12/20
Reconnaît la difficulté sans la fuir
Résonance
8/20
Prof touché, quelques élèves attentifs
Stabilité
6/10
Reste mobilisé le lendemain
Ouverture
7/10
“Peut-être une autre façon de faire”
Total : 66/100 → Vérité émergente
Action : Accompagner sans forcer, créer conditions favorables
Trajet Kernésique d’un Dire Émergent d’un élève
De la désorientation à la vérité fluïenne stabilisée
Situation initiale : Un élève en classe dit :« Je crois que je comprends rien à rien. »
Situation finale : « En fait, c’est pas grave si je comprends pas tout maintenant. J’suis pas bloqué. Je peux continuer. »
Étape
Fonction fluïenne
Formulation possible par l’élève
Indice estimé d’alignement
1. Désalignement vécu ~
Rupture interne, surcharge, perte de cadre.
« Je crois que je comprends rien à rien. »
15 / 100
➜ Sincérité brute, mais sans distinction. Le flux est globalement effondré.
2. Geste déclencheur ×
Aveu non stratégique, différenciation de la tension.
« J’en ai marre… même quand j’écoute, ça ne rentre pas. »
28 / 100
➜ Le sujet commence à localiser son impuissance, ce qui marque une première émergence germinative.
3. Régulation fluïenne ~→⎔
Limitation reconnue : tension nommée, régulable.
« Ce n’est pas que je ne veux rien comprendre… c’est juste que là, je n’y arrive pas. »
42 / 100
➜ Le flux devient plus précis, la charge pulsionnelle se transforme en point.
4. Ajustement postural ▭
Reprise du mouvement, micro-ancrage dans le champ.
« Je vais essayer de suivre quand même. Peut-être que ça va revenir. »
64 / 100
➜ Posture en train de se redresser. Le sujet retrouve une position incarnable dans le processus.
5. Stabilisation du vrai +
Dire aligné, tranquille, durable.
« En fait, c’est pas grave si je comprends pas tout maintenant. J’suis pas bloqué. Je peux continuer. »
89 / 100
➜ Une vérité fluïenne a émergé : le savoir peut revenir dans un espace pacifié, sans lutte.
Lecture kernésique transversale
- Le passage de 15 à 89 n’est pas linéaire, ni cognitif au sens classique : il reflète une reconfiguration dynamique de la position du sujet dans le champ d’apprentissage.
- Chaque phrase ne décrit pas un état : elle produit un état. C’est un langage régulateur, et non seulement informatif.
- Le langage devient ici outil fluïen d’intégration, révélateur d’un alignement en cours — non pas preuve, mais preuve vivante.
- La joie fluïenne, dans le dire final, ne se manifeste pas comme exaltation, mais comme relâchement ajusté : respiration redevenue libre, pensée fluide, absence de défense.
Vers une vérité kernésique 100/100
« Je me rends compte que je n’ai pas besoin de tout comprendre d’un coup pour avancer. Le fait de rester présent, même dans l’incertitude, fait déjà partie de l’apprentissage. Et c’est souvent à ce moment-là que les choses commencent à devenir claires. »
Justification kernésique de l’indice 100 / 100 :
- Origine du dire : parole spontanée, non stratégique, émanant d’un sujet stabilisé (20/20)
- Alignement interne : parfaite cohérence entre posture, ton, contenu et intention (20/20)
- Tension régulée : l’incertitude n’est plus perçue comme obstacle, mais comme espace fertile (20/20)
- Résonance du champ : dire mobilisable par d’autres élèves, pouvant inspirer une reconfiguration collective (20/20)
- Stabilité différée : transformation durable de la relation au savoir (10/10)
- Ouverture générée : élargissement manifeste du rapport à l’apprentissage et au temps (10/10)