Avant, je pensais que si on ne m’aidait pas, c’est parce que je ne disais pas les choses assez clairement.
À la fin de l’adolescence, je ne disais rien de mes problèmes parce que je n’avais pas les mots. Je me mutilais, je fumais, je disparaissais pendant le cours de gym, je tombais volontairement en vélo, j’avais des épisodes de mutisme, j’étais en échec scolaire et ne montrais aucun intérêt pour mon avenir (pour quoi faire puisque je voulais mourir ?). On me disait insolente et fainéante.
Après cela, j’ai commencé à voir des professionnels de la santé mentale, mais comme j’avais toujours du mal à décrire précisément ce que je ressentais, je parlais des conséquences : je n’arrive plus à étudier, je ne mange plus assez, je me sens déprimée. On me disait que j’étais juste un peu plus sensible que la moyenne, que tout le monde avait des hauts et des bas, qu’il suffisait d’attendre que ça passe.
Et puis, j’ai décompensé en Espagne et je me suis dit que je ne devais pas assez bien m’exprimer en espagnol pour qu’on me prenne au sérieux.
Mais, je m’en rends compte aujourd’hui, le problème n’est pas et n’a jamais été ma façon de m’exprimer. Parce que ce matin, je suis allée voir une psychologue dans un centre où il y en à une dizaine. J’avais dit à la secrétaire que j’avais besoin de quelqu’un pour faire une TCC pour les troubles du sommeil et qui s’y connaisse en neuroatypie. J’avais sélectionné quatre noms à partir de la présentation de chaque thérapeute sur le site internet. La première personne que j’ai demandée ne prenait plus de nouveaux patients, et quand j’ai dit le deuxième nom, la secrétaire m’a dit Je vais vous mettre avec Mme X. Et j’ai demandé deux fois si elle faisait bien des TCC, et elle m’a répondu Oui, bien sûr. J’ai vérifié sur le site, nulle part il n’était indiqué qu’elle faisait des TCC, mais je n’avais aucun moyen de le vérifier puisque que la secrétaire m’assurait le contraire.
Et ce matin, je me retrouve devant cette psychologue, et, ça alors, non seulement elle ne connaît rien en TSA mais ne fait pas de TCC. Donc, au final, même en parlant le plus clairement possible, avec une demande précise et concise, on ne m’écoute pas. Elle n’a pas prononcé la fameuse phrase Vous dépassez mes compétences, sans doute parce que je venais de dire que je n’en pouvais plus de l’entendre, et que j’étais totalement effondrée, mais elle m’a dit que ce n’était pas son domaine (ce qui revient au même), qu’elle s’occupait plus des gens qui vivent une rupture, un problème au travail, des choses comme ça.
Le premier psychiatre que j’ai vu m’a dit Je ne vois pas ce que je peux faire pour vous. Et, vingt-neuf ans après, j’en suis au même point. Si ce n’était pas si tragique, ce serait vraiment risible.
Mais en fait, que ce soit dit clairement, ça ferait gagner du temps, de l’argent, de l’énergie et de l’espoir, beaucoup d’espoir, aux personnes dans la même situation que moi: Nous, on s’occupe des problèmes normaux de gens normaux. Pour les autres, merci de crever en silence ou d’aller bien vous faire foutre. Cordialement.