Quatrième de couverture :
Après la Première Guerre mondiale, Andreas s’éprend d’une veuve accorte. Il a perdu une jambe, mais a reçu une décoration : le marché est acceptable. Un jour, un homme riche et distingué l’insulte dans un tramway. L’altercation dégénère, Andreas se sent profondément humilié. Un roman tendre et mélancolique sur l’époque singulière de l’après-guerre.
Il y a longtemps que j’avais envie de découvrir la plume de Joseph Roth (1896-1939) et c’est chose faite avec cette sorte de conte dont le personnage principal, Andreas Pum, peut paraître naïf. Il a fait la Première Guerre mondiale où il a perdu une jambe et quand les anciens soldats blessés sont renvoyés à la vie civile, il se félicite d’avoir reçu une médaille et une licence pour jouer de l’orgue de Barbarie. Il vit avec un jeune couple qui lui sous-loue un lit et dont l’homme, Willi, se moque un peu de la confiance aveugle qu’a Andreas dans « le Gouvernement ». Cerise sur le gâteau, au cours de ses pérégrinations dans la ville, il rencontre une veuve qui le choisit pour second mari et lui offre un âne pour l’aider dans ses tournées. Tout va bien pour Andreas jusqu’au jour où, dans un tramway, il croise la route d’un bourgeois arrogant qui l’empêche de bien monter à bord : l’ancien soldat « pète un plomb » si vous me passez l’expression. Une tempête, une spirale du malheur où il se voit retirer sa médaille et sa licence. Le voilà devenu un « païen », comme il appelait auparavant ceux qui étaient un peu en dehors du système qu’il vénérait. Il va vivre la prison, le mépris, le rejet de sa femme, l’invisibilité sociale alors que son statut d’ancien combattant lui apportait le respect et la reconnaissance de tous.
A travers l’histoire d’Andreas, la dégradation progressive de sa situation, sa perte totale de repères et de confiance en Dieu, le garant de sa bonne situation, on peut comprendre (je n’invente pas cette explication, je l’ai lue) que Joseph Roth parle du déclin de l’empire autrichien qui n’était plus grand-chose après la Première Guerre mondiale. L’écrivain journaliste situe l’histoire d’un homme simple dans la grande Histoire et dans un destin assez funeste. L’intervention de Willi, après la sortie de prison d’Andreas, montre ce retournement de situation, cette déchéance morale qui marque la fin d’une grande nation. Et la fin d’Andreas se noie encore plus dans l’invisibilité et dans cette dégradation morale ambiante. Ceci dit, ce n’était pas du tout morbide, plombant ni désagréable à lire, au contraire. Et je suis curieuse de découvrir maintenant La marche de Radetsky, autre texte de Joseph Roth déjà dans ma PAL.
« Andreas lança un regard désespéré vers le ciel ; il voulait échapper à la démence de ce monde. Car le ciel est cette immense étendue d’un bleu clair et immortel – sa couleur est pure comme la sagesse de Dieu – où croisent les grands vaisseaux éternels des nuages. Mais, aujourd’hui, des lambeaux de nuages s’assemblaient en visages déformés et ravagés, des grimaces flottaient dan ile ciel : Dieu faisait des grimaces. »
Joseph ROTH, La rébellion, traduit de l’allemand par Dominique Dubuy et Claude Riehl, Points, 1991 (Editions du Seuil, 1988)
C’était mon classique de juillet (le roman a été publié pour la première fois en 1924).