Boys : Ringo Starr prend le micro et s’impose

Publié le 06 août 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

Sur Please Please Me, premier album des Beatles, chaque membre du groupe trouve sa place. Si John Lennon et Paul McCartney dominent largement en tant qu’auteurs-compositeurs et chanteurs principaux, et que George Harrison se taille une part du gâteau avec deux morceaux en lead vocal, Ringo Starr, lui, doit encore prouver qu’il n’est pas qu’un simple batteur fraîchement intégré au groupe.

C’est avec « Boys », une reprise énergique des Shirelles, qu’il trouve son premier moment de gloire en tant que chanteur des Beatles. Un morceau enregistré en une seule prise, avec une fougue qui en fait l’un des instants les plus électrisants de l’album.

Retour sur cette chanson emblématique qui symbolise parfaitement l’esprit rock’n’roll et l’énergie brute des débuts du groupe.

Sommaire

De New York à Liverpool : l’histoire de « Boys »

En novembre 1960, les Shirelles, groupe vocal féminin américain, publient le single « Will You Love Me Tomorrow », accompagné en face B de « Boys », un titre écrit par Luther Dixon et Wes Farrell. Si la face A devient un tube planétaire, « Boys » passe plus inaperçu. Pourtant, cette chanson au rythme endiablé et aux harmonies contagieuses ne tarde pas à séduire les jeunes groupes britanniques avides de rhythm and blues.

Comme pour « Baby It’s You », autre reprise des Shirelles présente sur Please Please Me, les Beatles intègrent rapidement « Boys » à leur répertoire live. Mais ce qui distingue cette reprise d’autres standards américains, c’est le choix du chanteur principal.

Ringo Starr, une voix inattendue mais convaincante

En concert, les Beatles tiennent à ce que chaque membre ait son moment sous les projecteurs. Et si Ringo Starr, en tant que batteur, n’est pas toujours au premier plan, il a droit à une chanson en lead vocal, une tradition qui se poursuivra tout au long de la carrière du groupe.

Paul McCartney se souvient avec amusement du choix de « Boys » pour Ringo :

« Ringo avait toujours une chanson dans le show. À l’époque, c’était « Boys ». C’était un peu embarrassant, parce que ça disait « Je parle des garçons – yeah, yeah – boys ». C’était un succès des Shirelles et elles étaient des filles qui chantaient, mais on n’a jamais pensé qu’on devrait l’appeler « Girls » juste parce que Ringo était un garçon. On l’a juste chantée comme elles l’avaient fait et on n’a jamais considéré les implications. » (Paul McCartney, Anthology).

Le texte, qui parle du frisson que procure un baiser et de l’excitation de l’amour, pouvait en effet prêter à confusion interprété par un homme. Mais les Beatles n’y voient aucun problème et conservent les paroles originales. Ce qui compte, c’est l’énergie du morceau.

Et de l’énergie, Ringo Starr n’en manque pas.

Une prise unique en studio

Le 11 février 1963, lors de la légendaire session d’enregistrement de Please Please Me, les Beatles captent « Boys » en une seule prise. Pas besoin de retouches ni de corrections : la performance est parfaite dès le premier essai, signe de la cohésion et de l’expérience scénique du groupe.

Si cette rapidité peut surprendre, elle s’explique par le fait que Ringo connaissait déjà la chanson sur le bout des doigts. Avant de rejoindre les Beatles, il l’interprétait régulièrement avec Rory Storm and the Hurricanes, son précédent groupe.

La version des Beatles se distingue par plusieurs éléments :

  • Une rythmique survoltée, avec Ringo frappant ses fûts avec une puissance redoutable.
  • Une guitare incisive de George Harrison, qui injecte encore plus de mordant que la version originale.
  • Un jeu de chœurs explosif, Lennon et McCartney assurant un « Yeah, yeah, boys! » contagieux.
  • Un solo improvisé de George Harrison, à la demande de Ringo qui s’exclame : « Alright, George! ».

Le résultat est un pur moment de rock’n’roll, capturant toute la spontanéité du groupe en studio.

Un titre incontournable en concert et à la BBC

Grâce à son énergie brute et son côté festif, « Boys » devient un moment fort des performances live des Beatles. On retrouve plusieurs versions enregistrées pour la BBC, preuve de l’importance de la chanson dans leur répertoire des premières années.

Les Beatles la jouent notamment :

  • Le 1er avril 1963 pour Side By Side.
  • Le 21 mai 1963 pour Saturday Club.
  • Le 17 juin 1963 pour Pop Go The Beatles (version incluse dans On Air – Live At The BBC Volume 2).
  • Le 3 septembre 1963, pour une autre session de Pop Go The Beatles.
  • Le 18 décembre 1963, pour From Us To You.
  • Le 17 juillet 1964, pour une dernière session à la BBC.

Ces multiples enregistrements montrent que, bien que rapidement éclipsée par des compositions originales, « Boys » est restée un standard du groupe durant les premières années de la Beatlemania.

Une influence durable et une reconnaissance tardive

Avec le recul, « Boys » est souvent considéré comme un des premiers grands moments de Ringo Starr en tant que chanteur. S’il ne prétend pas rivaliser avec Lennon et McCartney sur le plan vocal, son interprétation sincère et énergique fait de lui bien plus qu’un simple batteur.

Le morceau revient d’ailleurs régulièrement dans ses prestations solo, notamment dans son All Starr Band, où il continue de le chanter avec la même fougue qu’en 1963.

En 1977, une version live enregistrée au Hollywood Bowl en 1964 est publiée dans l’album Live At The Hollywood Bowl, capturant toute l’intensité du morceau joué devant des milliers de fans en délire.

Enfin, en 1995, une version captée pour l’émission Around The Beatles en avril 1964 est incluse dans la compilation Anthology 1, preuve que ce titre, même mineur dans l’histoire des Beatles, a laissé une trace durable.

Un symbole de l’énergie des premiers Beatles

Avec « Boys », les Beatles ne réinventent pas la musique, mais ils offrent un condensé de leur énergie scénique, de leur amour du rock’n’roll et de leur plaisir de jouer ensemble.

Si le morceau est parfois sous-estimé dans leur discographie, il reste un élément clé de leurs débuts, un titre où Ringo Starr s’affirme, et où l’on ressent toute la dynamique du groupe avant l’explosion mondiale de la Beatlemania.

Et surtout, « Boys » nous rappelle pourquoi ces quatre garçons de Liverpool allaient bientôt devenir les plus grands musiciens du XXe siècle : une énergie débordante, une cohésion parfaite et un sens inné du rock’n’roll.