Enregistrée initialement en 1974 lors des sessions de One Hand Clapping aux studios Abbey Road, la chanson « Blackpool » de Paul McCartney est restée inédite pendant des décennies. Prévue pour une sortie en 1984 en face B du single « The Man », sa publication fut annulée suite à des événements personnels. Ce n’est qu’en 2024 que « Blackpool » a été officiellement dévoilée, offrant aux fans une immersion dans la créativité de McCartney durant les années 70.
Une chanson mythique perdue dans le temps
Le 14 juin 2024, le monde de la musique a été secoué par la sortie officielle de « Blackpool », une chanson longtemps restée dans les coulisses des archives de Paul McCartney et de Wings. Présentée comme l’un des morceaux bonus duOne Hand Clappingrécemment réédité, « Blackpool » trouve enfin sa place parmi les joyaux du répertoire de l’ex-Beatles. Il est fascinant de constater que ce morceau, pourtant enregistré à la fin des années 70, ne voyait jusqu’alors jamais la lumière du jour. Son histoire est une illustration parfaite de l’ampleur de l’œuvre de McCartney, un art en perpétuelle évolution, où les chansons souvent oubliées peuvent ressurgir avec une force nouvelle.
« Blackpool » n’est pas seulement une chanson, mais un témoignage du parcours de McCartney à travers les années 70, une période de profondes expérimentations et de transitions pour l’artiste, entre son passé avec les Beatles et son envol en solo avec Wings.
Une genèse en Écosse
L’histoire de « Blackpool » commence dès le début des années 70, lorsque McCartney commence à expérimenter des idées et des morceaux pour son projet Wings. L’écriture de cette chanson se déroule alors dans un climat créatif effervescent, où les frontières entre les genres sont plus que jamais floues. En 1973, McCartney et sa femme Linda s’installent dans une résidence en Écosse, à Rude Studio, un lieu propice aux enregistrements improvisés, où de nombreux démos de Wings ont vu le jour.
Le morceau prend forme au cours de ces sessions d’enregistrement, avec un environnement sonore particulier qui est tout à fait représentatif de l’époque. Au-delà des guitares acoustiques et du piano, un détail particulier attire l’attention : le bruit d’un chien qui aboit en fond sonore. Ce détail, sans doute anecdotique à l’époque, vient ajouter une touche d’authenticité et d’intimité à la pièce, qui, selon toute vraisemblance, ne devait au départ être qu’une simple démo.
Ce premier enregistrement à Rude Studio sera une première esquisse de ce qui deviendra « Blackpool ». Bien que cet enregistrement de démo ait capté l’esprit de la chanson, c’est véritablement la version deOne Hand Clappingqui portera cette composition dans la lumière.
L’enregistrement à Abbey Road : le son d’une époque
Le 30 août 1974, « Blackpool » prend un tournant décisif avec son enregistrement au légendaire Abbey Road Studios, à Londres. Cette session fait partie des enregistrements pour le projetOne Hand Clapping, un album live en studio qui, bien qu’inachevé à l’époque, possède une importance capitale dans l’histoire musicale de McCartney. La version enregistrée à Abbey Road est plus épurée et plus intime que les versions ultérieures, mais elle capture parfaitement l’atmosphère de l’époque : une époque où Paul McCartney était dans une quête incessante d’expérimentations sonores.
Dans ce nouvel enregistrement, McCartney est seul sur scène, sa voix et sa guitare acoustique prenant toute la place, laissant aux arrangements musicaux une place plus discrète. Ce choix révèle la nature introspective et personnelle de la chanson, qui semble évoquer la recherche de paix intérieure et de réflexion sur la célébrité et les attentes liées à la figure publique de McCartney. Cette version, minimaliste et sincère, dégage une émotion brute qui touche au cœur.
Le fait que la chanson ait été enregistrée à Abbey Road, studio mythique des Beatles, n’est pas anodin. Ce lieu représente non seulement un passage obligé pour McCartney, mais aussi un lien symbolique avec son passé, un endroit où les souvenirs des années Beatles flottent encore dans l’air. Chaque note, chaque silence, semble ainsi résonner avec l’écho de l’histoire de l’artiste.
Un destin contrarié et une renaissance en 1981
La carrière de Paul McCartney dans les années 80 a été marquée par de nombreux rebondissements, notamment après la séparation tumultueuse avec son épouse Linda McCartney en janvier 1984, qui a secoué la stabilité de sa vie personnelle et professionnelle. C’est en 1981, dans ce contexte délicat, qu’une troisième version de « Blackpool » est enregistrée pendant les sessions deTug of War. Bien qu’elle ait été prévue pour être un côté B du single « The Man », cette version ne sera finalement jamais publiée. Les raisons ? Les McCartney traversaient à ce moment-là une crise médiatique suite à l’arrestation de Paul et Linda pour possession de drogues en 1984. Une ombre dévastatrice, mais qui n’a pas effacé l’existence de ce morceau dans l’histoire de la musique.
Ce troisième enregistrement de « Blackpool », bien que jamais officiellement publié, a été perçu par de nombreux fans et historiens de la musique comme un symbole du changement. Il marquait un tournant dans l’évolution de McCartney, une transition entre les années 70 et 80, où l’artiste se réinvente continuellement, tant sur le plan personnel que musical.
Le retour sur scène : de la démo à la scène live
« Blackpool » a eu un impact inattendu lorsqu’elle a refait surface dans le répertoire de McCartney. En 2003, lors d’une répétition en prévision d’un concert à Dublin, McCartney a décidé de jouer la chanson, dévoilant ainsi au public une facette cachée de son répertoire. Une performance furtive qui, bien qu’informelle, a marqué un renouveau dans la manière dont la chanson était perçue.
Deux ans plus tard, en 2005, Paul McCartney décide de réinterpréter « Blackpool » dans le cadre du projetChaos And Creation In The Backyard, un show intimiste enregistré à Abbey Road. Cette performance permet à la chanson de sortir du rang des morceaux inédits pour prendre place dans l’histoire vivante du musicien. Ce retour sur scène révèle l’aspect intemporel de la chanson, qui, bien qu’oubliée pendant de nombreuses années, conserve une valeur émotionnelle et musicale intacte.
Un chef-d’œuvre inachevé devenu culte
L’histoire de « Blackpool » est celle d’une chanson qui n’a jamais été pleinement reconnue à sa juste valeur, mais qui, au fil des années, a su trouver sa place dans le cœur des fans de McCartney. Sa sortie officielle en 2024 avecOne Hand Clappingest bien plus qu’une simple réédition. Elle représente une rédemption pour un morceau qui, longtemps mis de côté, se voit enfin attribuer la reconnaissance qu’il mérite.
« Blackpool » incarne cette période de transition pour McCartney, une époque où il tentait de se réinventer sans renier ses racines. La chanson reflète cette quête de liberté artistique et personnelle, ce besoin impérieux de se reconnecter avec l’essence même de sa musique, en prenant des chemins moins battus, mais tout aussi significatifs.
Aujourd’hui, « Blackpool » n’est plus une chanson oubliée. Elle est une pierre angulaire dans le vaste édifice de l’œuvre de Paul McCartney, un témoignage de sa constante recherche de perfection et d’expérimentation. C’est aussi un morceau d’histoire qui vient enrichir l’héritage de l’un des plus grands artistes de tous les temps.
Un dernier souffle créatif, une touche finale à l’œuvre de McCartney
L’histoire de « Blackpool » n’est pas celle d’une chanson immédiatement célèbre ou d’un tube intemporel. Mais c’est précisément ce qui fait sa richesse. Comme tant d’autres morceaux du répertoire de McCartney, elle incarne une époque particulière, une démarche artistique unique et une vision de la musique qui va au-delà du simple divertissement. Pour les fans de McCartney et les mélomanes, elle représente l’une de ces perles rares que le temps finit par remettre sur le devant de la scène, prouvant une fois de plus que l’art musical, comme l’artiste lui-même, est toujours en perpétuelle évolution.
« Blackpool » aura su s’imposer, enfin, comme un élément essentiel de l’héritage de Paul McCartney. Un hymne à la persévérance, à la création sans fin, et à la magie des studios d’Abbey Road.