Quatrième de couverture :
Il est ici question de l’endroit où l’on vit. La maison, l’appartement ; le toit que l’on a, ou que l’on n’a pas. Notre habitation parle de nous, de notre mode de vie, de nos choix ou de nos renoncements, de nos envies. En Bretagne, des parpaings avec vue sur mer. À Madison, des bardeaux de bois. En Provence, de la pierre éclaboussée de soleil. À Paris, du béton… avec terrasse. Mais les murs protègent d’autres trésors que le plancher de chêne et le bruit de la pendule du salon : un bourdonnement de vie, l’ambigüité, le ridicule, la fragilité de ses habitants.
Véronique Pingault est la soeur de Gaëlle, dont j’ai déjà apprécié, paru aussi chez Quadrature, Bref ils ont besoin d’un orthophoniste. J’ai sorti ce recueil, paru en 2015, en écho à ma lecture de Cézembre, où la maison familiale jouait un grand rôle. Et j’ai une fois de plus pris grand plaisir à ma lecture. Le recueil contient onze nouvelles, certaines assez courtes, d’autres plus longues, où il est à chauqe fois, ou presque, question d’une maison ou d’un appartement. La maison de famille en Bretagne, que se déchirent les héritiers. La maison de famille au bord de la mer d’une joyeuse fratrie qui se retrouvait à marée haute, marée basse et qui a été le témoin d’une perte douloureuse. L’appartement d’une propriétaire obsédée par la terrasse dont elle rêve et qui pousse ses recherches un peu trop loin… L’appartement d’un couple, qui appartient en réalité à la femme seule et devient le champ de bataille du divorce. La nouvelle maison en Provence, si attrayante et « squattée » par la belle-mère. L’appartement décoré avec force couleurs par un peintre en bâtiment très spécial. La chambre sous terre d’un petit frère de quatre ans mort depuis très longtemps auquel on n’a pas pu dire au revoir.
La maison ou l’appartement, bien, propriété auquel on vous identifie parfois ? (charge trop lourde à porter) Cocon intime, voire fermé ou portes larges ouvertes ? Lieu dont les accidents de la vie vous spolient irrémédiablement ? Lieu lié pour toujours à nos relations, familles, amis, enfants, grands-parents ? Autant de questions que pose Véronique Pingault, en convoquant souvent les souvenirs, à travers ses nouvelles écrites dans un style alerte, non dénué d’humour mais aussi empreint d’émotion et de tendresse. Un très beau recueil (une fois de plus) (Quadrature, what else ?)
« J’ai regardé par la croisée en me levant ce matin. Par le trou de la haie, bien au-delà du jardin, j’ai cherché à deviner si ma grand-mère était levée. Son volet n’était pas ouvert.
Mauvais réflexe.
Papa est rentré les bras chargés de pain chaud et croustillant pour le petit déjeuner de la famille. Privilège des vacances. Je crois que lui aussi a eu une pensée égarée, la force de l’habitude, celle d’aller déposer une baguette sur l’appui de la fenêtre de ma grand-mère.
Mauvais réflexe.
Ce n’est rien qu’une pensée fulgurante et aussitôt censurée, un automatisme idiot, qu’on goute et qu’on regrette à la fois ; une sensation diffuse d’inachevé et de nostalgie. Il a fallu vendre sa maison pour payer la succession. Saloperie de fisc.
Mes yeux s’embuent. Les nouveaux propriétaires raseront la vieille bicoque sans cachet pour construire une villa, plus grande et plus belle, plus près de la mer. C’est le début ordinaire du lent glissement de la mémoire vers la brume et les à-peu-près, vers les silences et l’annonce d’un oubli pour les générations à venir. Ils raseront nos années de gosses en vacances chez leurs grands-parents, les heures à contempler l’horizon assis en bas du jardin, les nuits à écouter bruisser l’écume et chanter les bouées au rythme de la houle, à compter les petites lumières rouges et vertes et les secondes noires qui séparent les éclats vermillons du phare. Les odeurs de pain grillé au petit déjeuner, l’irremplaçable vieille toile cirée qui colle aux coudes, les parties de foire sur la pelouse, le nettoyage des voiles du bateau dans des bacs poubelle à la fin de la saison. » (Les herbes folles)
Véronique PINGAULT, Les maisons aussi ont leur jardin secret, Quadrature, 2015
C’était mon Quadrature du mois en cette année où la maison d’édition fête ses vingt ans.