Paul McCartney : sa basse Höfner volée refait surface après 50 ans

Publié le 04 septembre 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

Volée en 1972, la basse Höfner 500/1 de Paul McCartney, emblématique des débuts des Beatles, a été retrouvée plus de 50 ans plus tard. Grâce à une enquête de fans et à l’appui de Höfner, l’instrument réapparaît dans un grenier anglais, rejoue sur scène en 2024, et devient le sujet du film documentaire « The Beatle and the Bass » produit par la BBC.


Plus de cinquante ans auront été nécessaires pour que Paul McCartney retrouve l’instrument le plus iconique de sa jeunesse : sa Höfner 500/1 de 1961, la fameuse « violin bass » ou « Beatle bass » dont la silhouette en forme de violon a peu à peu fusionné avec l’image des Beatles au temps d’Hambourg et du Cavern Club. Volée en 1972, disparue des radars et donnée pour perdue par une partie des spécialistes, elle a finalement réapparu des décennies plus tard, au fond d’un grenier sur la côte sud de l’Angleterre. Ce retour inespéré, rendu possible par une enquête de fans menée sous la bannière du The Lost Bass Project avec l’appui de la maison Höfner, a non seulement rendu à McCartney une pièce de mémoire intime, mais il donne aujourd’hui naissance à un documentaire : The Beatle and the Bass, annoncé par BBC Arts dans le cadre des 50 ans de la collection documentaire Arena.

Au cœur de cette histoire, un fil rouge : la conviction de Paul que « s’il a été piqué, on veut le récupérer, surtout si ça a une valeur sentimentale » et que « il doit bien y avoir une réponse ». Pendant un demi‑siècle, la question est restée ouverte : où était passée la Höfner ? En 2024, le mystère se lève. En décembre 2024, sur la scène de l’O2 Arena de Londres, le public voit même la basse reprendre vie entre les mains de son propriétaire pour la première fois depuis plus de 50 ans, lors d’un final de la tournée Got Back marqué par la présence surprise de Ringo Starr à la batterie et de Ronnie Wood à la guitare.

Sommaire

  • De Hambourg à la légende : pourquoi cette Höfner compte tant
  • 1972 : un vol, des versions qui divergent, puis un grand silence
  • The Lost Bass Project : quand les fans mènent l’enquête
  • 2024 : la Höfner rejoue, la boucle est bouclée
  • Un film BBC pour fixer l’histoire : « The Beatle and the Bass »
  • « Il doit bien y avoir une réponse » : la voix de Paul
  • La Höfner 500/1 : un son et une ergonomie au service des chansons
  • Des sessions de jeunesse aux classiques : la basse au cœur des premiers enregistrements
  • Une enquête au long cours : ce que la communauté a découvert
  • Qui parle dans le film : témoins, proches et artisans
  • Arena a 50 ans : pourquoi la BBC en fait un cas d’école
  • Ce que ce retour change pour Paul, et ce qu’il ne change pas
  • Une affaire de valeurs : sentimentales, historiques, culturelles
  • Ringo, Ronnie, et la joie d’un soir : une image pour l’album
  • Et maintenant : ce qu’on peut attendre du film
  • Coda : une basse, un monde

De Hambourg à la légende : pourquoi cette Höfner compte tant

Quand Paul McCartney achète, en 1961, sa Höfner 500/1, il n’achète pas seulement un instrument abordable et léger ; il trouve un outil qui sied à un gaucher (grâce à un montage inversé), facile à manier sur les scènes parfois exiguës d’Hambourg et de Liverpool, et dont le timbre rond colle à l’esthétique beat émergente. Dès les premiers 45 tours des Beatles, la Höfner devient le vecteur sonore et visuel des débuts : on l’aperçoit dans d’innombrables photos et séquences TV, on l’entend sur des prises historiques de titres fondateurs. Sa légèreté, sa prise en main et son look contribuent à l’aisance scénique de McCartney, qui commence à chanter en même temps qu’il tient la basse.

Si d’autres modèles rejoindront l’arsenal de Paul (notamment des Rickenbacker puis des Fender), la Höfner 500/1 reste le symbole des années 1961‑1963 et des premiers enregistrements EMI. La silhouette de Paul, manche haut, pickguard clair et logo Höfner bien visible, devient l’un des emblèmes les plus reconnaissables de la culture pop du XXe siècle. Autrement dit : cette basse n’est pas un simple outil, c’est un artefact historique, associé à des chansons qui ont fait basculer la musique populaire.

1972 : un vol, des versions qui divergent, puis un grand silence

La disparition de la Höfner nourrit d’innombrables récits. Longtemps, on a pensé que l’instrument s’était évaporé autour des sessions de Let It Be. Le The Lost Bass Project, en croisant témoignages et archives, montrera qu’elle a en réalité été dérobée en octobre 1972 dans un contexte post‑Beatles, alors que l’entourage de Paul travaille déjà à l’aventure Wings. La précision compte, car elle relocalise le dernier point certain de l’instrument à Londres, et réoriente la recherche vers des pistes ignorées pendant des décennies.

Puis vient la pénombre : la basse circule hors des radars, revendue, transmise, puis oubliée, jusqu’à ce qu’une famille de la côte sud en signale la présence, après que l’appel à informations du Lost Bass Project a déferlé dans la presse et les réseaux. On découvre alors un objet marqué par le temps, mais suffisamment intact pour être authentifié par Höfner. Le numéro de série, la construction, la patine, la caisse d’origine et plusieurs détails de lutherie corroborent l’identité de la basse.

The Lost Bass Project : quand les fans mènent l’enquête

Le The Lost Bass Project illustre une dynamique aujourd’hui courante autour des Beatles : la communauté des passionnés agit comme une intelligence collective capable de mener des enquêtes patientes. L’initiative agrège des ramasseurs d’indices, des collectionneurs, des techniciens et des historiens amateurs, avec la collaboration active d’Höfner. En 2023‑2024, l’appel est relayé mondialement, et les pistes se multiplient. De vieux reçus, des souvenirs de pub londonien, des photos de caves, des récits contradictoires : le puzzle se construit morceau par morceau jusqu’à l’identification d’une chaîne de possession menant au fameux grenier.

Ce qui frappe, au‑delà de l’issue heureuse, c’est la méthode : rigueur des comparaisons visuelles (placement des micros, ponçages, poc sur la table, usures du vernis), relecture d’anciens articles, recoupement de calendriers de tournée. L’authentification finale par Höfner — et le retrait discret de l’instrument pour expertise — vient clôturer un chapitre et en ouvrir un autre : celui de la restauration et du retour à la scène.

2024 : la Höfner rejoue, la boucle est bouclée

Le 19 décembre 2024, à l’O2 Arena de Londres, Paul McCartney conclut l’année de sa tournée Got Back devant une salle comble. Au milieu des rappels, deux surprises : Ringo Starr rejoint la scène pour « Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band (Reprise) » et « Helter Skelter », tandis que Ronnie Wood s’empare de sa guitare pour « Get Back ». Mais le coup au cœur se trouve ailleurs : Paul saisit sa Höfner 500/1 retrouvée, « sa première basse », et la fait résonner pour la première fois en un demi‑siècle. Les images captées par les spectateurs circulent ; on y perçoit une émotion rare.

Sur scène, la basse a gardé ce que les techniciens appellent son attaque moelleuse : un grave plein sans agressivité, une projection suffisante pour porter la section rythmique, sans empiéter sur l’espace des guitares. C’est ce son — boisé, rond, presque vocal — qui a fait école et que tant de bassistes ont cherché à imiter.

Un film BBC pour fixer l’histoire : « The Beatle and the Bass »

La BBC annonce en septembre 2025 un long métrage documentaire consacré à cette épopée : « The Beatle and the Bass » (titre confirmé au sein d’Arena pour les 50 ans de la collection). Le film suit le The Lost Bass Project, raconte la trajectoire de l’instrument, et tisse les souvenirs de ceux qui l’ont croisé. Paul McCartney y accorde de nouvelles interviews, de même que son frère Mike McCartney, l’ami de toujours Klaus Voormann, et des collaborateurs tels qu’Elvis Costello. On y entend la parole de ceux qui ont œuvré à la retrouvaille, et l’on découvre la péripétie finale : la basse dormait dans un grenier d’une maison mitoyenne au sud de l’Angleterre.

Le film s’inscrit dans une saison anniversaire plus large : Arena fête un demi‑siècle d’existence et propose, en parallèle, des documentaires consacrés aux carnets secrets de J.M.W. Turner (« Turner: The Secret Sketchbooks ») et aux bandes audios inédites de L.S. Lowry (« Lowry: The Lost Tapes »). C’est une manière de lier les arts — peinture, musique — autour d’un même thème : ce que les archives cachées, perdues ou mal connues peuvent raconter lorsqu’elles refont surface.

« Il doit bien y avoir une réponse » : la voix de Paul

Dans les extraits déjà relayés, Paul McCartney confie avoir vécu la disparition de la Höfner comme une question ouverte : « Je crois que toute chose qui est piquée, on veut la revoir, surtout si elle a une valeur sentimentale. Elle est partie dans l’univers, et nous a laissés à nous demander : où est‑elle passée ? Il doit bien y avoir une réponse. » Ce moteur — la quête de sens — irrigue tant le récit du film que la démarche des fans. La basse est un objet ; elle est aussi la trace d’un chemin de vie qu’on cherche à reconstituer.

La Höfner 500/1 : un son et une ergonomie au service des chansons

Pour comprendre l’attachement à cette basse, il faut dire un mot de son design. La Höfner 500/1 est une hollow‑body très légère, au diapason court, dotée de deux micros et d’un chevalet flottant. Sur un ampli des années 60, elle offre un grain immédiatement reconnaissable : un grave ample, une attaque légèrement feutrée, des médiums chantants. Cette signature a soutenu des lignes de basse devenues des contre‑chants à part entière — une élégance mélodique qui sera l’une des marques de Paul McCartney.

Parce qu’elle est légère et équilibrée, la 500/1 permet à Paul de chanter sans forcer, de bouger librement et de tenir sur de longues résidences. À Hambourg, où les sets sont interminables, ces qualités ne sont pas des détails. C’est aussi un instrument abordable à l’époque : un critère non négligeable pour un groupe qui, en 1961, n’a pas encore conquis l’Angleterre.

Des sessions de jeunesse aux classiques : la basse au cœur des premiers enregistrements

Les premiers 45 tours des Beatles portent l’empreinte de la Höfner. On lui associe volontiers les sessions initiales chez EMI et l’énergie des reprises comme « Twist and Shout », ou de compositions maison devenues standards, de « Love Me Do » à « She Loves You ». Au‑delà de la liste exacte des titres, c’est l’esthétique des jeunes Beatles que l’instrument sculpte : un pulse souple, des walkings discrets, des notes tenues qui laissent respirer la voix.

À mesure que le vocabulaire du groupe sophistique, d’autres basses entreront dans le jeu. Mais dans l’imaginaire collectif, le visuel de la Höfner 500/1 reste indissociable des années Cavern, des premières télévisions et de la Beatlemania naissante. C’est cette mémoire qu’on voit ressurgir quand Paul la reprend en 2024.

Une enquête au long cours : ce que la communauté a découvert

L’intérêt du The Lost Bass Project ne tient pas seulement à l’issue. Il réside dans la cartographie patiemment dressée des erreurs et des impensés. On croyait à un dernier aperçu en 1969 ; des témoignages rectifiés ramènent la date à octobre 1972. On supposait un vol dans le giron Beatles ; on retrouve plutôt une piste Wings, dans un Londres où les vans de musiciens n’étaient pas toujours sécurisés. On imaginait un objet démantelé ; on récupère une basse presque complète, avec sa housse d’origine et des marques concordantes.

À la fin, la découverte sur la côte sud — dans un grenier d’une maison mitoyenne — a quelque chose d’un conte moderne : la relique dormait, banale parmi des cartons, et c’est le bruit médiatique d’un appel à témoins qui la réveille.

Qui parle dans le film : témoins, proches et artisans

Le documentaire « The Beatle and the Bass » annonce des entretiens nouveaux avec Paul McCartney lui‑même, son frère Mike, l’ami et graphiste Klaus Voormann — dont l’ombre portée sur l’histoire des Beatles et de Hambourg reste considérable —, mais aussi des musiciens et collaborateurs comme Elvis Costello. On y entend surtout les voix des chercheurs du Lost Bass Project : l’émotion des premiers signaux crédibles, la prudence des recoupements, l’attente de l’authentification chez Höfner, la joie contenue du retour.

Ce récit à hauteur d’hommes complète la grande histoire des Beatles : on y voit la matière concrète des objets (bois, vernis, mécaniques), les aléas d’une ville, les méandres d’une mémoire qui se transmet parfois mal.

Arena a 50 ans : pourquoi la BBC en fait un cas d’école

Le choix d’Arena n’est pas anodin. Depuis 1975, la collection a façonné une grammaire du documentaire d’auteur autour des arts et de la culture. Pour ses 50 ans, la BBC agrège des films qui interrogent ce que la mémoire retient ou occulte : les carnets cachés de Turner, les bandes méconnues de Lowry, et la basse perdue de McCartney. Chaque fois, le motif est le même : une pièce manquante refait surface et réécrit un petit chapitre.

Au‑delà de la nostalgie, c’est un regard contemporain sur le patrimoine pop. La basse de Paul n’est pas érigée en relique intouchable ; elle est donnée à entendre à nouveau, sur une scène vivante, en 2024. Le film se propose de raconter ce passage du mythe au présent.

Ce que ce retour change pour Paul, et ce qu’il ne change pas

Pour Paul McCartney, la récupération de la Höfner est d’abord une réparation intime. Un objet qui lui a appris la basse, qui l’a accompagné dans la formation des Beatles, qui a soutenu ses premières chansons, revient à sa place. Musicalement, Paul n’avait pas attendu cette retrouvaille pour étendre sa palette. Mais le geste — jouer la Höfner retrouvée en public — a une portée symbolique qui dépasse le simple clin d’œil. C’est une façon de boucler une boucle, sans fétichisme : le son redevient présent.

Ce retour ne réécrit pas l’histoire des enregistrements — les bandes sont ce qu’elles sont —, mais il redonne une chair à la mémoire. On peut montrer aux plus jeunes non seulement des photos d’archives, mais un objet qui sonne encore et dialogue avec le répertoire sur scène.

Une affaire de valeurs : sentimentales, historiques, culturelles

Dans la phrase de Paul — « il doit bien y avoir une réponse » — se lit toute la dimension sentimentale de l’histoire. La valeur de la Höfner est affective avant d’être économique. Pour autant, la culture pop contemporaine mesure ce que de tels artefacts représentent : objets‑archives, ils permettent de raconter l’émergence d’un son, la fabrique d’un groupe, le travail d’un musicien.

La BBC l’a bien compris : en faisant film d’une recherche d’apparence anecdotique, elle touche à la fabrique de la mémoire britannique — celle des années 60, de la classe ouvrière de Liverpool, des clubs d’Hambourg, des studios londoniens. La basse est un fil tiré qui relie ces mondes.

Ringo, Ronnie, et la joie d’un soir : une image pour l’album

L’instant de l’O2 Arena, en décembre 2024, a servi de révélateur. Au‑delà des invités prestigieux — Ringo Starr et Ronnie Wood —, c’est la qualité de la réunion qu’on retient : un musicien de 82 ans qui joue encore long, qui sait raconter sa carrière sur scène, qui ose ramener un son de jeunesse sans que cela vire à l’autocitation. Pour ceux qui n’avaient connu la Höfner que par les photos, l’entendre de nouveau a quelque chose d’un miracle tranquille.

Et maintenant : ce qu’on peut attendre du film

La date de diffusion n’est pas encore annoncée au moment d’écrire ces lignes, mais l’angle est clair : une enquête au long cours ponctuée par une réapparition spectaculaire, des testimonies croisées (famille, amis, collaborateurs, fans‑enquêteurs), des images du retour de la Höfner sur scène, et, en filigrane, un portrait de Paul McCartney par son instrument. Les connaisseurs guetteront les détails d’authentification et de restauration, les amateurs découvriront une aventure presque policière au pays de la pop.

Dans le même élan, la saison Arena promet de revisiter d’autres mystères des arts britanniques. Mais pour les lecteurs de Yellow‑Sub.net, « The Beatle and the Bass » a une portée particulière : elle reconnecte une icône à sa voix. Et confirme, comme le dit Paul, qu’il y a toujours une réponse, pour peu qu’on ait la patience et l’obstination de la chercher.

Coda : une basse, un monde

On l’a souvent écrit : chez les Beatles, l’objet compte autant que la chanson. Des Rickenbacker aux Gretsch, des Ludwig aux Epiphone, chaque instrument est un acteur. La Höfner 500/1 de 1961 est l’un des plus élocents. Que la BBC lui consacre un film n’a donc rien d’une coquetterie. C’est reconnaître que l’histoire de la musique populaire s’écrit aussi par les matières, les luthiers, les hasards d’un grenier et les obsessions d’une communauté qui refuse d’oublier. Et c’est rappeler que, pour Paul McCartney, la basse n’est pas qu’un instrument : c’est une voix.