Yes It Is : la face B méconnue mais fascinante des Beatles

Publié le 07 septembre 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

Le 9 avril 1965 au Royaume-Uni et le 19 avril aux États-Unis, les Beatles publient « Ticket To Ride », un single marquant un tournant dans leur carrière. Sur la face B, une ballade envoûtante mais souvent éclipsée par la flamboyance du titre principal : « Yes It Is ». Cette chanson, que John Lennon considérait lui-même comme une tentative ratée de « This Boy », n’en reste pas moins un joyau discret du répertoire des Fab Four.

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Une composition marquée par l’empreinte de John Lennon

« Yes It Is » est née sous la plume de John Lennon, bien qu’il ait reçu l’aide de Paul McCartney pour l’achever. Lennon, qui oscillait souvent entre la rudesse de ses compositions rock et une sensibilité à fleur de peau, livre ici une ballade d’une grande intensité émotionnelle. Il avouera pourtant plus tard son insatisfaction vis-à-vis du morceau :

« C’était moi essayant de réécrire ‘This Boy’, mais ça n’a pas marché. » — John Lennon, All We Are Saying, David Sheff

Ce qui frappe dans « Yes It Is », c’est son atmosphère plaintive et mélancolique, portée par des harmonies vocales d’une richesse exceptionnelle. Paul McCartney, bien que souvent associé aux ballades du groupe, reconnaît le talent de Lennon dans ce registre :

« C’est une très belle chanson de John, une ballade inhabituelle pour lui. Il écrivait parfois de magnifiques ballades, mais je suis généralement perçu comme le balladeer du groupe. » — Paul McCartney, Many Years From Now, Barry Miles

Une session d’enregistrement minutieuse

Le 16 février 1965, les Beatles se retrouvent en studio pour enregistrer « Yes It Is ». Ce jour-là, ils travaillent également sur « I Need You », une autre ballade marquée par l’empreinte de George Harrison et sa technique du volume-pedal.

L’enregistrement de « Yes It Is » s’étale sur 14 prises pour le rythme principal, réalisées entre 17 h et 19 h. Lennon, McCartney et Harrison consacrent ensuite trois heures à perfectionner leurs harmonies vocales, chantant ensemble en direct, une méthode qui renforce la sincérité et la profondeur de leur interprétation.

L’une des particularités du morceau réside dans l’utilisation du volume-pedal sur la guitare de Harrison. Ce dispositif, popularisé par Chet Atkins, permet d’obtenir un son doux et ondulant, renforçant ainsi le caractère éthéré de la chanson. Harrison explique lui-même la difficulté de maîtriser cet effet :

« Il y avait un gars à Liverpool, Colin Manley, qui était à l’école avec Paul et moi. Il jouait dans The Remo Four et avec Billy J Kramer. Il maîtrisait ces morceaux de Chet Atkins où l’on joue deux mélodies simultanément, comme ‘Colonel Bogey’. Il avait une pédale de volume, et nous avons essayé, mais je n’arrivais pas à la coordonner. Donc parfois, je jouais simplement la partie, et John se mettait à genoux devant moi pour tourner le bouton de volume de ma guitare. » — George Harrison, Guitar Player, novembre 1987

Une face B sous-estimée

Si « Yes It Is » n’a jamais joui du même statut que d’autres ballades emblématiques des Beatles, elle reste une pièce essentielle pour comprendre l’évolution musicale du groupe. L’usage d’harmonies vocales complexes, couplé à une instrumentation raffinée, préfigure certaines compositions plus ambitieuses de l’ère Rubber Soul et Revolver.

En 1996, une version alternative de « Yes It Is » paraît sur l’album Anthology 2. Cette version commence par la prise 2 inachevée, comprenant uniquement la piste rythmique et la voix guide de Lennon, avant d’être mélangée avec la prise finale 14. Ce document sonore met en lumière la construction du morceau et l’attention portée aux détails dans les studios d’Abbey Road.

L’héritage de « Yes It Is »

Aujourd’hui, « Yes It Is » conserve une place particulière dans le cœur des amateurs des Beatles. Son ambiance feutrée, son instrumentation subtile et ses harmonies poignantes en font une pièce à redécouvrir. John Lennon, bien que critique envers sa propre composition, y dévoile une fragilité qui contraste avec son image de rocker rebelle.

Si la face A, « Ticket To Ride », représente l’audace et l’innovation sonore des Beatles à l’aube de leur maturité artistique, « Yes It Is » illustre quant à elle la richesse émotionnelle et harmonique du groupe. Une face B certes méconnue, mais d’une beauté indéniable.