Paul McCartney redonne vie au classique « We Three » avec émotion

Publié le 08 septembre 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

Le 6 février 2012, Paul McCartney surprend en réinventant « We Three (My Echo, My Shadow And Me) » sur l’album Kisses On The Bottom. Initialement popularisé dans les années 40 par Tommy Dorsey, Frank Sinatra et The Ink Spots, ce morceau mêlant nostalgie et intimité se réinvente avec un arrangement épuré mêlant piano, guitare et vibraphone. Enregistré aux Capitol Studios de Los Angeles, il rend hommage aux origines du jazz tout en incarnant la sensibilité intemporelle de McCartney.


Le 6 février 2012, le monde musical eut l’occasion de découvrir une nouvelle interprétation d’un classique américain sur l’albumKisses On The Bottomde Paul McCartney. Parmi les morceaux qui y figurent, se trouve « We Three (My Echo, My Shadow And Me) », une chanson écrite à l’origine en 1940 par Sammy Mysels, Dick Robertson, et Nelson Cogane. Ce titre, qui avait connu un certain succès dans les années 40, a traversé les époques, pour finir par être revisité par McCartney à l’âge de 69 ans, avec toute la tendresse et la nostalgie que la chanson inspirait.

Sommaire

Une chanson aux origines profondes

La première version deWe Threefut enregistrée par l’Orchestre de Tommy Dorsey en 1940, une période où le swing et les orchestres étaient rois. Cette interprétation, marquée par la voix nasillarde et émotive de Frank Sinatra, grimpa rapidement dans les classements, atteignant la troisième place des hits américains. Un an plus tard, la chanson, dans une version réarrangée par le groupe The Ink Spots, se hissa même à la première place du Billboard. C’est ce dernier enregistrement qui la rendit populaire au-delà des cercles du jazz traditionnel.

John Lennon et Paul McCartney, en tant qu’adolescents, étaient de fervents admirateurs de The Ink Spots, et leur style vocal influença à la fois leur approche musicale et la manière dont ils composaient. D’ailleurs, les deux membres des Beatles composèrent en 1960 une parodie du groupe intituléeYou’ll Be Mine, enregistrée dans la maison familiale de McCartney. Cette chanson, apparue dans l’albumAnthology 1en 1994, montrait l’admiration de Lennon et McCartney pour les harmonies du groupe de swing.

Une interprétation nouvelle et intimiste

Le choix de McCartney de reprendreWe Three (My Echo, My Shadow And Me)dans les années 2010 est en soi une déclaration d’amour à la musique du passé, et à la culture populaire américaine. Le morceau figure sur l’albumKisses On The Bottom, un recueil de standards américains qui explore les racines musicales de l’artiste. Ce projet fut enregistré dans les studios Capitol de Los Angeles en 2010, sous la direction de Tommy LiPuma, avec l’ingénierie sonore d’Al Schmitt, un collaborateur de longue date de McCartney.

La version de McCartney, plus douce et plus intime que l’originale, met en avant une instrumentation réduite, où les touches de piano élégantes de Diana Krall et les accords de guitare délicats des Pizzarelli, John et Bucky, viennent soutenir la voix grave et chaleureuse du musicien. L’arrangement rythmique, mené par Krall, confère une nouvelle dynamique à cette vieille mélodie, et l’utilisation de la vibraphone par Mike Mainieri ajoute une dimension presque onirique au morceau.

Les paroles deWe Three, simples mais poignantes, font écho à une solitude partagée, à un amour perdu et à l’attente infinie. « Nous trois, nous sommes seuls / Vivre dans un souvenir / Mon écho, mon ombre et moi », chante McCartney avec une émotion palpable. Cette solitude, alimentée par l’écho et l’ombre, semble correspondre à la réflexion de McCartney sur sa propre vie à ce moment de sa carrière.

Une chanson pleine de nostalgie

Le texte de la chanson, qui évoque la présence de l’écho et de l’ombre, renvoie à l’absence de l’être aimé. Ce motif récurrent dans la chanson fait l’objet d’une question poignante : « Où est celui que j’aime ? » McCartney, dans son interprétation, semble se laisser aller à une certaine mélancolie. L’image de l’écho et de l’ombre qui l’accompagnent tout au long du morceau symbolise l’absence, une absence qui se nourrit du passé et de la mémoire. Cette solitude et ce manque de l’autre sont des thèmes récurrents dans la musique de McCartney, comme en témoigne la profondeur de certaines de ses ballades les plus intimes.

Dans un contexte plus large, cette chanson fait écho aux réflexions de McCartney sur la mémoire et la perte, des sujets qu’il aborde souvent dans ses œuvres solo. À travers cette reprise, il semble rendre hommage à une époque révolue, tout en la réinterprétant à sa manière, plus douce et introspective.

Le choix du studio et des musiciens

L’enregistrement deWe Threeà Capitol Studios à Los Angeles a marqué un tournant dans la carrière de McCartney. Capitol Studios, emblématique pour son rôle dans l’histoire de la musique, était le lieu où les Beatles avaient enregistré certaines de leurs œuvres les plus iconiques, et McCartney lui-même y avait travaillé sur de nombreux projets. Cette atmosphère particulière ajouta sans doute une dimension émotionnelle supplémentaire à la chanson.

La collaboration avec Diana Krall, jazzwoman de renom, fut une rencontre marquante. Krall, qui a accompagné McCartney sur plusieurs morceaux deKisses On The Bottom, a joué un rôle clé dans l’arrangement du morceau. Elle réussit à insuffler une touche de légèreté et de raffinement au morceau, tout en respectant l’esprit nostalgique de l’original. La complicité musicale entre Krall et McCartney est évidente tout au long de la chanson, et leur travail en tandem permet de redécouvrir ce classique sous un jour nouveau, à la fois moderne et respectueux de ses origines.

Les guitaristes John et Bucky Pizzarelli, deux figures du jazz, apportent leur savoir-faire en matière de nuances harmoniques, tandis que Robert Hurst à la basse et Karriem Riggins à la batterie assurent une section rythmique discrète mais essentielle, créant un cadre intimiste pour la voix de McCartney. La présence de cette équipe de musiciens chevronnés témoigne de l’attention particulière portée à chaque détail sonore dans cette relecture.

L’importance de « We Three » dans le répertoire de McCartney

Bien queWe Three (My Echo, My Shadow And Me)ne fasse pas partie des morceaux les plus connus de McCartney, il joue un rôle central dansKisses On The Bottom. Cet album, qui marque un retour aux racines du jazz et des standards américains, permet à McCartney d’explorer une facette plus intime de sa musique, loin des explosions sonores des années 60 ou 70. En choisissant des morceaux comme celui-ci, McCartney met en lumière sa capacité à se réinventer tout en honorant son passé musical et les influences qui l’ont façonné. La chanson représente ainsi une sorte de pause douce dans une carrière tumultueuse, un moment de calme, de réflexion et de simplicité musicale.

Le choix de revisiter un morceau des années 40, commeWe Three, montre que McCartney ne se contente pas de répéter ses succès passés. Il cherche à établir un lien entre les générations, à célébrer la musique de son enfance, tout en apportant une touche personnelle à ces classiques. Cela reflète une approche de plus en plus consciente de son héritage et de son rôle en tant que maître du genre.

Un pont entre les époques

En revisitantWe Three (My Echo, My Shadow And Me), Paul McCartney réunit deux époques musicales : celle de l’âge d’or du jazz et du swing et celle du rock des années 60, dans laquelle il est une figure incontournable. En enregistrant cette chanson, McCartney ne se contente pas d’honorer une époque révolue ; il fait également un clin d’œil aux racines de son propre style musical, qui a été en grande partie influencé par ces premières formations. La chanson, avec ses harmonies délicates et ses paroles empreintes de mélancolie, est un exemple de la capacité de McCartney à transformer un morceau classique en une œuvre d’art qui lui est propre, tout en respectant les fondamentaux qui l’ont inspiré.

We Three (My Echo, My Shadow And Me)reste ainsi un témoignage précieux de l’art de Paul McCartney, un artiste qui, à chaque étape de sa carrière, parvient à puiser dans le passé tout en projetant son œuvre vers l’avenir. La chanson, dans son intimité et sa simplicité, devient une réflexion musicale sur le temps, la mémoire et l’amour perdu, des thèmes chers à McCartney depuis ses débuts avec les Beatles.