Les Traveling Wilburys, ce groupe composé de superstars du rock des années 60 et 70, ont toujours eu cette capacité magique de fusionner des univers musicaux distincts et d’y insuffler une énergie collective unique. Leur deuxième album, Traveling Wilburys Vol. 3, bien qu’ayant vu la lumière du jour après le départ de Roy Orbison, reste une œuvre magistrale portée par des figures comme George Harrison, Tom Petty, Bob Dylan, Jeff Lynne, et Jim Keltner.
Une des pièces les plus intrigantes de cet album est la chanson « Cool Dry Place ». Titre énigmatique, au même titre que le reste de l’album, elle se distingue par son côté détendu, sa mélodie douce mais émotive, et surtout par son histoire curieuse et ses origines mystérieuses.
Sommaire
- Une chanson inspirée par une simple phrase
- Un son délicatement acoustique et une dynamique de groupe unique
- Le sens caché derrière les mots
- Une suite logique pour l’album Traveling Wilburys Vol. 3
- La postérité d’un groupe mythique
Une chanson inspirée par une simple phrase
À première vue, « Cool Dry Place » semble être une chanson ordinaire, mais à y regarder de plus près, on découvre qu’elle a des racines très spéciales. En effet, comme le confie Tom Petty, l’un des membres fondateurs des Traveling Wilburys, l’idée de la chanson est née de quelque chose de très simple, presque banal. Le groupe s’inspira d’une phrase écrite sur une boîte : « Store it in a cool dry place » (gardez-le dans un endroit frais et sec). Une simple indication figurant sur un emballage de produit qui, paradoxalement, allait donner naissance à l’une des chansons les plus marquantes de l’album.
Tom Petty raconte dans une interview accordée à la BBC en 1990 : « Il y avait une boîte, vous savez. Il y avait une boîte, et dessus, il était écrit : ‘Store it in a cool dry place.’ Elle a vu cela sur la boîte, et ça a fini par inspirer la chanson. » Ce genre d’anecdote légère et humoristique est typique de l’esprit décontracté et insouciant des Traveling Wilburys, qui ont toujours mis l’accent sur la spontanéité et l’amusement dans leur musique. Cette phrase anodine, probablement vue sur une boîte de stockage quelconque, allait se transformer en une réflexion sur les relations et les sentiments humains, un lieu symbolique où l’on pourrait entreposer des émotions et des souvenirs.
Un son délicatement acoustique et une dynamique de groupe unique
“Cool Dry Place” est une chanson qui fait la part belle à l’acoustique, avec des guitares délicates qui soutiennent les voix des membres du groupe. Le morceau s’ouvre sur la guitare acoustique de George Harrison, un des maîtres incontestés de l’instrument. Ce dernier est bien sûr l’un des piliers du groupe, apportant à chaque chanson son empreinte personnelle, sa manière unique de jouer. À ses côtés, Tom Petty, sous son alias « Muddy Wilbury », assure la partie vocale, apportant sa signature reconnaissable entre mille, tandis que Bob Dylan, surnommé « Boo Wilbury », l’accompagne dans un second rôle vocal et guitare acoustique.
La voix de Petty, toujours aussi profonde et empreinte de cette touche de mélancolie qui le caractérise, se fond harmonieusement avec celle de Dylan, qui ici, adopte un ton plus intimiste et posé. Les arrangements musicaux sont savamment épurés. La production de Jeff Lynne (également membre des Wilburys sous le nom de « Clayton Wilbury ») permet de maintenir une atmosphère légère, presque méditative. Les touches de basse et de clavier de Lynne, bien que discrètes, viennent apporter une profondeur au morceau sans jamais l’alourdir.
La rythmique, assurée par Jim Keltner et Ray Cooper, fait appel à des percussions subtiles, un vrai jeu de textures qui confère à « Cool Dry Place » une fluidité hypnotique. Ce n’est pas une chanson de grande dynamique, mais plutôt un morceau qui se construit petit à petit, à travers des couches sonores qui se superposent lentement.
Le sens caché derrière les mots
Comme souvent avec les Traveling Wilburys, “Cool Dry Place” porte une signification plus profonde que ce que l’on pourrait imaginer au départ. Si l’on part de l’idée qu’un « endroit frais et sec » est un lieu où l’on place des objets précieux, où l’on préserve des souvenirs ou des trésors personnels, on peut imaginer que la chanson parle justement de ce besoin de trouver un endroit pour « stocker » des émotions ou des moments que l’on veut garder à l’abri. C’est une réflexion sur la fragilité des choses et la difficulté de maintenir l’intensité des sentiments ou des relations dans un monde qui évolue constamment.
Les paroles semblent suggérer que certains aspects de la vie doivent être « conservés » avec soin, loin des perturbations et des influences extérieures, dans un endroit à l’abri du temps et des épreuves. Cette notion de préservation rejoint le sentiment de nostalgie qui traverse une grande partie du répertoire des Wilburys. Le groupe, en tant que tel, est une sorte de préservation musicale de l’âge d’or du rock et de la culture populaire des années 60 et 70. Dans cette perspective, « Cool Dry Place » pourrait être perçue comme un hommage à un temps révolu, un espace mental et musical où les souvenirs de la jeunesse, des amitiés et des premières amours peuvent être conservés à jamais.
Une suite logique pour l’album Traveling Wilburys Vol. 3
« Cool Dry Place » trouve sa place au sein de Traveling Wilburys Vol. 3, un album sorti en 1990, et qui fait suite au succès du premier opus, Traveling Wilburys Vol. 1, sorti en 1988. Cet album représente une étape particulière dans l’histoire du groupe, après la disparition tragique de Roy Orbison, membre emblématique du groupe. L’absence de Orbison se fait ressentir dans les arrangements de l’album, mais Traveling Wilburys Vol. 3 réussit malgré tout à capturer l’esprit de camaraderie et d’authenticité qui était la marque de fabrique des Wilburys.
L’album met en avant des chansons plus intimes et mélancoliques, mais aussi des morceaux plus légers et enjoués. Le contraste entre ces deux aspects se retrouve dans « Cool Dry Place », qui parvient à mêler des éléments de réflexion et de légèreté, à l’image de l’ensemble de l’album.
Une autre chanson de l’album, « Wilbury Twist », sorti en single, venait compléter ce tableau en offrant une autre facette de la musique des Wilburys, plus dansante et joyeuse, mais sans pour autant dénaturer l’esprit du groupe. C’est un peu cela qui caractérise Traveling Wilburys Vol. 3 : une capacité à allier l’introspection à la fête, la mélancolie à l’humour, comme une célébration de la vie dans toute sa complexité.
La postérité d’un groupe mythique
Bien que les Traveling Wilburys n’aient pas produit un grand nombre d’albums, leur influence sur le rock reste indéniable. À travers des morceaux comme « Cool Dry Place », ils ont non seulement marqué leur époque, mais ils ont aussi inspiré toute une génération d’artistes qui ont cherché à capturer cette alchimie particulière entre les individualités et la force collective.
La personnalité de chacun des membres transparaît dans les chansons, mais c’est leur capacité à fusionner leurs talents respectifs qui fait la richesse de cette œuvre collective. George Harrison, avec sa sagesse musicale et spirituelle, Tom Petty avec son énergie brute et sa voix inimitable, Bob Dylan avec ses paroles poétiques et ses images évocatrices, Jeff Lynne avec sa production soignée, et Jim Keltner avec ses rythmes fluides, tous ont réussi à créer quelque chose de bien plus grand que la somme de leurs talents.
“Cool Dry Place”, en fin de compte, est une chanson sur la préservation de ce qui est précieux. Un morceau où la simplicité apparente des paroles cache une profondeur de réflexion sur la vie, les relations humaines et le passage du temps. Une œuvre qui, comme l’ensemble de l’album, demeure intemporelle.