Mark David Chapman : 14e refus de libération pour l’assassin de Lennon

Publié le 11 septembre 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

Le 27 août 2025, la New York State Board of Parole a refusé pour la 14ᵉ fois la libération conditionnelle de Mark David Chapman, 70 ans, assassin de John Lennon. Incarcéré à la prison de haute sécurité de Green Haven, Chapman sera réentendu en février 2027. Malgré un dossier disciplinaire correct et l’expression de remords, la commission estime que la gravité du crime, son retentissement mondial et les risques liés à la notoriété de la victime rendent sa remise en liberté incompatible avec le bien-être public. Yoko Ono continue de s’y opposer, invoquant la sécurité de sa famille et celle du détenu.


Quarante-cinq ans après l’assassinat de John Lennon, l’affaire continue de se jouer, à un rythme régulier, devant les instances pénitentiaires de l’État de New York. Fin août 2025, la Department of Corrections and Community Supervision (DOCCS) a confirmé le rejet de la demande de libération conditionnelle de Mark David Chapman — la quatorzième depuis qu’il est devenu éligible, en 2000. Âgé de 70 ans, l’homme qui a tué l’ancien Beatle devant The Dakota a comparu le 27 août 2025 devant un panel de la New York State Board of Parole. La décision, mise en ligne début septembre, fixe la prochaine audience à février 2027.

Cette échéance s’inscrit dans le cadre juridique new-yorkais, qui autorise le conseil à imposer un « hold » allant jusqu’à vingt-quatre mois avant une réapparition. Dans le cas présent, l’intervalle retenu est d’environ dix-huit mois. La transcription complète de l’audience d’août 2025 n’était pas encore disponible au moment de la rédaction, mais les précédents procès-verbaux de la commission permettent d’éclairer les critères sur lesquels elle fonde sa décision.

Sommaire

  • Rappel des faits : la nuit du 8 décembre 1980 devant The Dakota
  • Le parcours judiciaire et pénitentiaire de Mark David Chapman
  • Comment fonctionne la libération conditionnelle à New York ?
  • Les treize refus précédents : un fil rouge fait d’aveux et d’arguments récurrents
  • Une dimension symbolique qui dépasse le seul dossier pénal
  • The Dakota, Double Fantasy et l’objet‑preuve devenu relique
  • Le rôle de Yoko Ono et de la famille
  • Que dit la décision de 2025 ?
  • Un débat récurrent : risque objectif, gravité des faits et célébrité de la victime
  • Green Haven aujourd’hui : un cadre sécuritaire et administratif très balisé
  • Mémoire et héritage : un deuil qui se ritualise
  • Ce que l’on peut attendre d’ici 2027
  • En guise de conclusion

Rappel des faits : la nuit du 8 décembre 1980 devant The Dakota

Le 8 décembre 1980, peu avant 23 heures, John Lennon et Yoko Ono rentrent au Dakota, leur immeuble de Central Park West, après une session au Record Plant. À l’entrée sous arche de la cour intérieure, Mark David Chapman tire cinq coups de feu avec un revolver .38 Special. Quatre balles atteignent le musicien à courte distance. Transporté d’urgence au Roosevelt Hospital, Lennon est déclaré mort peu après son arrivée. Quelques heures plus tôt, en fin d’après-midi, Lennon avait signé un exemplaire de Double Fantasy pour Chapman, qui avait patienté devant l’immeuble. Arrêté sur place, l’assaillant est trouvé en train de feuilleter L’Attrape‑cœurs de J. D. Salinger.

Ces éléments — préparation du geste, choix délibéré d’une cible d’envergure mondiale, absence de tentative de fuite et revendication initiale d’un désir de notoriété — constitueront la trame des comptes rendus judiciaires et des délibérations de la commission des libérations conditionnelles pendant plus de quatre décennies.

Le parcours judiciaire et pénitentiaire de Mark David Chapman

Lors de son procès en 1981, Mark David Chapman plaide coupable de meurtre au second degré, conformément aux incriminations de l’époque dans l’État de New York, où la préméditation ne suffisait pas, à elle seule, pour caractériser un meurtre au premier degré hors circonstances aggravantes spécifiques. Il est condamné à une peine de 20 ans à la perpétuité. Conformément au droit en vigueur, il devient éligible à la libération conditionnelle après vingt ans — soit en 2000 — et doit, à défaut d’une remise en liberté, se présenter périodiquement devant la Board of Parole.

Après des années passées notamment au centre pénitentiaire de Wende, Chapman est aujourd’hui incarcéré à la Green Haven Correctional Facility, établissement de sécurité maximale situé à Stormville, dans le comté de Dutchess. Cette prison, ouverte en 1949 et administrée par la DOCCS, accueille des détenus condamnés à de longues peines et abrite de nombreux programmes de réinsertion et d’évaluation du risque. Les photographies d’identité pénitentiaire diffusées au fil des ans attestent d’un détenu vieillissant qui, lors de ses entretiens successifs, insiste sur sa conversion religieuse, son abstinence de presse et son regret quant à la recherche de gloire qui a motivé son acte.

Comment fonctionne la libération conditionnelle à New York ?

Dans l’État de New York, la New York State Board of Parole statue, à l’issue d’un entretien individuel conduit par un panel de deux ou trois membres, sur l’aptitude d’un détenu à être libéré sous conditions. Depuis une réforme des années 2010, le conseil doit tenir compte des principes de risque et de besoins, avec, à l’appui, des outils d’évaluation standardisés comme COMPAS (Correctional Offender Management Profiling for Alternative Sanctions). Ces instruments prennent en compte l’âge, le parcours pénal, le comportement en détention, l’accès aux programmes de traitement et le projet de sortie.

Pour autant, la loi et la jurisprudence rappellent que ces évaluations ne lient pas la commission : elles viennent éclairer une décision qui doit aussi apprécier la gravité des faits, l’impact sur la société et la sécurité publique. Lorsque la libération est refusée, la commission fixe un délai de réexamen qui ne peut, en principe, excéder vingt-quatre mois. Le détenu peut engager un recours administratif, puis, le cas échéant, contester la décision devant la justice administrative (procédure dite d’Article 78), en invoquant par exemple une erreur de droit ou une décision arbitraire.

Dans les dossiers à forte résonance médiatique, la commission intègre également les déclarations des victimes et les considérations de sécurité pour le condamné lui‑même en cas de remise en liberté. Depuis 2000, la veuve de Lennon, Yoko Ono, a, par le biais de ses représentants, constamment fait valoir son opposition à une libération, invoquant à la fois la mémoire de son mari, la sécurité de sa famille et les risques encourus par Mark David Chapman lui‑même s’il était remis en circulation.

Les treize refus précédents : un fil rouge fait d’aveux et d’arguments récurrents

De 2000 à 2024, Mark David Chapman s’est vu opposer treize refus, à un rythme d’une audience environ tous les deux ans. Les transcriptions de ces audiences, rendues publiques avec un décalage de quelques semaines à plusieurs mois, témoignent de la stabilité de plusieurs éléments déterminants : l’aveu d’une préméditation nourrie pendant des semaines, la reconnaissance d’une quête de célébrité, l’évocation d’une obsession construite autour de L’Attrape‑cœurs et de l’image, fantasmée, de Lennon comme « phoney ».

Plus récemment, lors de l’audience de 2022 — la douzième — Chapman déclare qu’il y avait « du mal dans [s]on cœur », ajoutant qu’il « savait que c’était mal », mais qu’il « voulait tellement la célébrité » qu’il était prêt à « prendre une vie humaine ». La commission, tout en relevant un risque de récidive faible au regard de son âge, de son comportement en détention et de l’absence d’antécédents criminels comparables, a estimé que la nature du crime et son retentissement mondial rendaient une libération « incompatible avec le bien‑être de la société ».

L’argumentaire des panels successifs est, sur le fond, demeuré proche : il n’existe pas, selon eux, de « droit à la liberté conditionnelle » au seul motif d’un bon parcours pénitentiaire. Dans plusieurs décisions, la commission insiste sur la nécessité de ne pas trivialiser un homicide qui a « laissé un vide » et dont la victime avait, ironie tragique, fait preuve de bienveillance envers son futur meurtrier en lui signant un autographe quelques heures avant le drame.

Une dimension symbolique qui dépasse le seul dossier pénal

Les refus opposés à Mark David Chapman ne se comprennent pas seulement à l’aune des règles de procédure ; ils s’inscrivent dans une mémoire collective où John Lennon n’est pas un justiciable ordinaire, mais une figure de la culture populaire et de la contestation pacifiste. L’assassinat d’un artiste de cette stature a produit un choc planétaire : veillées spontanées, rassemblements massifs à Central Park, création en 1985 du mémorial Strawberry Fields et de la mosaïque Imagine. Le lieu, situé à deux pas du Dakota, est devenu un point de ralliement pour les admirateurs, où l’on commémore chaque année, en silence, la disparition de l’auteur d’« Imagine ».

Cette charge symbolique pèse, depuis l’origine, sur la manière dont le public et les institutions perçoivent le dossier Chapman. Aux yeux de nombreux fans et d’une partie de l’opinion, l’assassinat visait délibérément la paix et l’imaginaire d’une génération. Aux yeux des juristes, il pose la question, jamais simple, de la proportionnalité en matière de libération conditionnelle : à partir de quel moment un détenu, même reconnu coupable d’un crime infiniment médiatisé, doit‑il être jugé prioritairement sur son risque actuel plutôt que sur la gravité passée ?

The Dakota, Double Fantasy et l’objet‑preuve devenu relique

La photographie qui immortalise John Lennon signant un exemplaire de Double Fantasy à Mark David Chapman en fin d’après‑midi, le 8 décembre 1980, est devenue l’une des plus dérangeantes de l’histoire du rock. L’album signé, saisi comme pièce à conviction puis restitué, a été revendu à plusieurs reprises sur le marché des souvenirs, atteignant des montants records. Cet objet concentre les contradictions du dossier : la proximité entre l’artiste et son assassin, la banalité d’une demande d’autographe qui précède un meurtre, la transformation d’une preuve criminelle en relique de collection, et la marchandisation d’un épisode tragique pour les fans des Beatles.

Pour la commission des libérations conditionnelles, ce contexte compte, non pour sa dimension marchande, mais parce qu’il souligne la visibilité extrême que provoquerait une remise en liberté : chaque déplacement, chaque parole de Mark David Chapman deviendrait un événement médiatique, avec des implications évidentes en matière d’ordre public et de sécurité.

Le rôle de Yoko Ono et de la famille

Dès 2000, Yoko Ono a fait connaître, directement puis via ses avocats, son opposition à la libération, au nom de la sécurité de sa famille et du condamné lui‑même. Ses positions ont évolué dans la forme — de lettres personnelles à des déclarations transmises par conseil — mais pas sur le fond : elle estime que la libération raviverait un traumatisme vieux de plus de quarante ans et créerait une situation dangereuse. Cette position, régulièrement versée au dossier par l’entremise de victim impact statements, a été prise en compte par la commission, comme l’y autorisent les textes.

Le fils de Lennon, Sean Ono Lennon, s’exprime rarement sur les aspects juridiques, privilégiant le travail mémoriel autour de l’œuvre de son père et ses propres activités artistiques. À l’inverse, le public continue de débattre, notamment sur les réseaux sociaux, de la finalité même de la libération conditionnelle : instrument de gestion du risque, reconnaissance des efforts de réinsertion, ou privilège moralement inenvisageable pour certains crimes ?

Que dit la décision de 2025 ?

À défaut de transcript détaillé déjà publié, plusieurs éléments ressortent d’ores et déjà : le panel a reconduit son analyse des années précédentes, considérant qu’au regard de l’ampleur de l’impact du crime et des risques de sécurité associés à la remise en liberté d’un détenu aussi notoire, une libération conditionnelle resterait « incompatible avec le bien‑être de la société ». Le report à février 2027 est cohérent avec la pratique de la Board of Parole qui, en cas de refus, fixe une nouvelle date d’examen dans une fenêtre de 12 à 24 mois.

Il est aussi probable — à en juger par les décisions antérieures — que le panel a pris acte du bon comportement carcéral de Mark David Chapman, de sa participation à des programmes et de l’expression réitérée de remords, tout en concluant que ces facteurs ne sauraient, à eux seuls, surmonter la gravité exceptionnelle de l’acte initial et les considérations d’ordre public qui en découlent.

Un débat récurrent : risque objectif, gravité des faits et célébrité de la victime

La situation de Mark David Chapman est devenue, au fil des ans, un cas d’école dans les facultés de droit et les think tanks de justice pénale : jusqu’où peut‑on — et doit‑on — tenir compte de la célébrité de la victime et du retentissement social d’un crime dans une décision de libération conditionnelle ? Les textes new‑yorkais mettent l’accent sur la prévention des risques à la sortie et sur la réinsertion. Dans les décisions publiées, la commission rappelle cependant que la libération d’un condamné n’est pas automatique à l’atteinte du minimum de peine : elle reste une prérogative exercée à l’issue d’une appréciation globale.

Les critiques du système estiment que le poids donné à la gravité des faits et à leur impact peut se substituer, en pratique, aux critères objectifs de risque. Les défenseurs de la position inverse rétorquent que la notoriété ne doit pas, non plus, devenir un viatique vers la liberté : un crime « de conséquence mondiale » justifie, selon eux, une prudence accrue et la reconnaissance de la souffrance durable des victimes indirectes — proches, collaborateurs, public.

Green Haven aujourd’hui : un cadre sécuritaire et administratif très balisé

La Green Haven Correctional Facility constitue l’un des principaux établissements de sécurité maximale de l’État. Située à proximité de la vallée de l’Hudson, elle abrite à la fois des unités de détention, des ateliers, des espaces de programmes éducatifs et thérapeutiques, ainsi qu’un dispositif d’évaluation COMPAS utilisé en amont des audiences. Les décisions de la Board of Parole renvoient, dans la forme, à un langage administratif standardisé : motifs de refus, délai de réapparition, mention des documents consultés (dossier disciplinaire, évaluations de risque, projet de sortie, déclarations des victimes).

Dans les dossiers très médiatisés comme celui de Mark David Chapman, la DOCCS publie généralement, après traitement administratif, le transcript et l’avis motivé du panel. Ces documents alimentent, depuis des années, les discussions sur la place du pardon, la valeur dissuasive des peines et le sens de la réinsertion lorsque l’infraction a touché une icône culturelle.

Mémoire et héritage : un deuil qui se ritualise

À New York, Strawberry Fields — cinq acres paysagers face à Central Park West — demeure le principal lieu de recueillement. La mosaïque Imagine, offerte par la ville de Naples, attire quotidiennement des visiteurs venus du monde entier. Le 8 décembre, des centaines de personnes s’y réunissent en silence. The Dakota, chef‑d’œuvre d’architecture Renaissance allemande signé Henry Janeway Hardenbergh et inauguré en 1884, porte toujours la mémoire du drame : son arche, sa cour, sa grille, sont autant de repères pour celles et ceux qui retracent, parfois avec une précision obsédante, le parcours des dernières minutes de John Lennon.

Au‑delà du lieu, l’héritage de Lennon — de Double Fantasy à la chanson Imagine, des expérimentations des Beatles à ses engagements pour la paix — demeure au cœur de la culture populaire. Cette permanence explique, en partie, pourquoi l’affaire Chapman ne s’efface pas. Chaque nouvelle audience rappelle la brutalité de la perte et la difficulté, pour la justice, de concilier droit, émotion et mémoire.

Ce que l’on peut attendre d’ici 2027

Sauf revirement majeur, la période qui s’ouvre d’ici février 2027 suivra une trame connue. Mark David Chapman poursuivra ses programmes en détention et préparera un plan de sortie détaillé, comme l’exige la procédure. La Board of Parole réexaminera son dossier au regard des critères habituels : évaluations de risque, comportement disciplinaire, soutiens à la réinsertion, projet résidentiel, garanties d’emploi. Les représentants de Yoko Ono pourront, s’ils le souhaitent, soumettre de nouvelles observations.

Il n’est pas possible de préjuger de la teneur exacte de la prochaine décision, mais un point apparaît constant : l’impact mondial du crime et les impératifs de sécurité liés à la notoriété du condamné continuent de peser lourdement dans la balance. À ce jour, la libération conditionnelle de Mark David Chapman resterait, aux yeux de la commission, incompatible avec le bien‑être de la société.

En guise de conclusion

Le quatorzième refus opposé à Mark David Chapman ne surprendra pas celles et ceux qui suivent ce dossier depuis des années. Il confirme l’orientation de la Board of Parole dans les affaires où la gravité intrinsèque du crime se double d’un retentissement planétaire. Il rappelle aussi que la libération conditionnelle n’est ni un droit automatique, ni un mécanisme purement actuariel : c’est une décision discrétionnaire, encadrée par la loi, qui cherche un équilibre entre la prévention des risques, la reconnaissance du travail de réinsertion et le respect dû aux victimes.

Pour la communauté des fans des Beatles, cette décision ravive la mélancolie d’un « si » qui ne cessera jamais de hanter la culture populaire. Pour la justice new‑yorkaise, elle s’inscrit dans la continuité d’une jurisprudence qui, depuis 2000, n’a jamais estimé réunies les conditions d’une libération sûre et socialement acceptable. Et pour John Lennon, enfin, elle prolonge une mémoire qui, de The Dakota à Strawberry Fields, de Double Fantasy à Imagine, continue de tracer, au‑delà du droit, une ligne d’horizon dont la société ne cesse d’interroger le sens.