John Lennon Anthology : les archives inédites du génie des Beatles

Publié le 11 septembre 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

Sorti en 1998, John Lennon Anthology est un coffret de quatre CD retraçant la carrière solo de Lennon à travers des démos, prises alternatives et enregistrements inédits. Organisé en quatre périodes (Ascot, New York City, The Lost Weekend, Dakota), il dévoile l’évolution musicale et personnelle de l’ex-Beatle. Supervisé par Yoko Ono, ce projet met en lumière des moments intimes et expérimentaux, offrant un portrait brut et authentique de Lennon, de Plastic Ono Band aux dernières sessions de 1980.


Sorti en novembre 1998 (2 novembre au Royaume-Uni, 3 novembre aux états-Unis), le coffret John Lennon Anthology est une plongée exhaustive dans les coulisses de la création solo de John Lennon, depuis 1969 jusqu’à sa disparition en 1980. Il s’agit d’un ensemble de quatre CD totalisant près de cinq heures de musique inédite ou rare : démos, prises alternatives, discussions en studio, extraits live. Supervisée par Yoko Ono, cette anthologie s’articule autour de quatre périodes clefs, organisées géographiquement et chronologiquement : Ascot, New York City, The Lost Weekend et Dakota.

En plus de rassembler 94 morceaux, John Lennon Anthology se complète d’un livret illustré de 62 pages, incluant des annotations de Yoko Ono, un essai d’Anthony DeCurtis, des lettres et des dessins de Lennon. Cet imposant coffret éclaire l’évolution musicale et personnelle du chanteur à travers les nombreux enregistrements retrouvés, notamment après une longue quête entamée dès la fin des années 1980.

Sommaire

La genèse du projet : dix ans d’attente et de fouilles archivistiques

Après la mort de Lennon (en décembre 1980), Yoko Ono hérite de centaines d’heures de bandes. Entre 1988 et 1992, elle autorise la diffusion aux états-Unis d’un programme radio géant nommé The Lost Lennon Tapes, exploitant de nombreux inédits. Les fans, fascinés, enregistrent et bootleguent ces émissions, incitant EMI et Ono à envisager une sortie officielle.

En parallèle, l’équipe de Mark Lewisohn examine, dès 1991, environ 2 000 heures d’archives, du studio du Record Plant East jusqu’aux démos personnelles de Lennon. La préparation de l’anthologie prend du retard, notamment du fait du lancement d’autres projets (comme le colossal The Beatles Anthology). Il faudra attendre 1994 pour qu’un nouveau producteur, Rob Stevens, réactive l’idée. Yoko Ono s’implique pleinement à partir de 1997. Enfin, à l’automne 1998, un communiqué officiel de Capitol Records annonce la parution imminente de John Lennon Anthology.

Quatre volets pour quatre époques

1. Ascot

Cette première section couvre l’époque de John Lennon/Plastic Ono Band (1970) et Imagine (1971). On y retrouve :

  • Neuf chansons issues des bandes huit pistes de Plastic Ono Band, incluant « Working Class Hero », « God », « I Found Out », ou encore un enregistrement rare de « Well (Baby Please Don’t Go) » capté durant un anniversaire d’Ono.
  • Des démos et quelques “home recordings” datés de 1970-1971, tel « I Found Out ».
  • Des sessions alternatives de Imagine, dont un « Oh My Love » plus dépouillé et des versions préliminaires de « Jealous Guy ».
  • Des curiosités comme « God Save Oz » et « Do The Oz », composées en soutien à la défense d’Oz magazine lors de son procès pour obscénité.

Le disque se conclut sur la reprise de Lonnie Donegan, « Lost John », enregistrée à l’époque de Plastic Ono Band, en compagnie de Ringo Starr et Klaus Voormann. La section Ascot met en lumière la transition de Lennon depuis le minimalisme brut de 1970 vers la production plus élaborée d’Imagine.

2. New York City

Période 1971-1973, marquée par l’installation définitive du couple à New York après Imagine et couvrant l’album Some Time In New York City et l’amorce de Mind Games. On y découvre :

  • Des démos de « Mind Games » (d’abord intitulée « Make Love, Not War »).
  • Des extraits live de concerts caritatifs : « Attica State » et « Imagine » enregistrés à l’Apollo, « John Sinclair » et « The Luck Of The Irish » captés à Ann Arbor.
  • Des performances issues des One To One concerts (30 août 1972) au Madison Square Garden : notamment « Woman Is The N—-r Of The World », « It’s So Hard » et « Come Together » dans leur version de la soirée (peu exploités sur l’album Live In New York City).
  • Des maquettes et pistes inachevées telles que « I Know (I Know) » avant Mind Games, ou le duo avec Ringo Starr sur « I’m The Greatest ».
  • La présence d’un enregistrement « Real Love » de 1980 (à l’état de démo piano), préfigurant ce que les Beatles achèveront en 1996.

Ce disque montre un Lennon engagé (ère Some Time In New York City), livrant des morceaux militants et des chutes de studio avec Elephant’s Memory, tout en amorçant des ébauches plus introspectives.

3. The Lost Weekend

Focalisé sur 1973-1974, la « Lost Weekend », période durant laquelle Lennon se sépare brièvement d’Ono et se livre à divers excès. On y retrouve :

  • Des chutes issues de Rock ‘n’ Roll (1975), le projet de reprises produit initialement par Phil Spector. Les fameux « Phil And John 1, 2, 3 » révèlent les discussions tendues en studio, ainsi que des inédits comme « Be My Baby ».
  • Des outtakes de Walls And Bridges (1974), notamment « What You Got », « Steel And Glass », « Bless You », « Surprise Surprise (Sweet Bird Of Paradox) ». On entend aussi des enregistrements bruts de « Scared » ou « Going Down On Love ».
  • Des reprises rock : « Be-Bop-A-Lula », « Rip It Up/Ready Teddy », « Peggy Sue », « Slippin’ And Slidin’ »…
  • Un titre anachronique : « Stranger’s Room », version embryonnaire de « I’m Losing You » (1980), figurant ici on ne sait trop pourquoi, mais correspondant au climat sombre qui domine la sélection.

Cette section met en évidence le chaos des sessions, la tension autour de Spector, et l’alternance entre rock festif et ballades désenchantées.

4. Dakota

Le dernier disque, Dakota, fait la part belle aux démos et enregistrements maison de la fin des années 1970, lorsque Lennon est retiré de la vie publique :

  • Des bandes démo de 1980 préparant Double Fantasy : « I’m Losing You » (version Cheap Trick), « Nobody Told Me », « I Don’t Wanna Face It », « Dear Yoko », « I’m Stepping Out », etc.
  • Des chansons inédites jamais finalisées en studio : « Life Begins At 40 », écrite pour Ringo Starr, ou « Serve Yourself », parodie acerbe de la conversion religieuse de Bob Dylan.
  • Des extraits intimes où l’on entend Lennon échanger avec son fils Sean (comme « Sean’s ‘Little Help’ »), ou improviser des satires (imitation de Dylan, etc.).
  • La démo de “Grow Old With Me” avec un arrangement posthume léger de George Martin, suggérant ce qu’aurait pu devenir ce titre s’il avait été réellement produit.

Le volet Dakota apparaît donc comme le journal sonore de Lennon pendant ses années de retrait (1975-1980), offrant un portrait vulnérable, un brin moqueur (mimiques de Dylan) et nostalgique.

Réception et contenu

En termes de ventes, John Lennon Anthology n’atteint que la 62ᵉ place des classements au Royaume-Uni et la 99ᵉ aux états-Unis (il est néanmoins certifié disque d’or, puisqu’un coffret de quatre CD compte quadruple). Cela reste modeste comparé au succès historique de Lennon, mais l’accueil critique est généralement positif : on salue la sincérité des démos et l’intérêt documentaire de ces inédits.

À la même date, un album “condensé” baptisé Wonsaponatime propose 21 titres issus du coffret, souvent écourtés, pour toucher un public plus large. Il se classe 76ᵉ au Royaume-Uni.

Importance historique et portée

John Lennon Anthology répond à l’attente créée par le succès de The Beatles Anthology. Il fournit enfin une vision d’ensemble des phases obscures de la discographie solo de Lennon, depuis les premiers enregistrements domestiques de 1969 jusqu’aux ultimes démos de 1980. On y constate son humour, sa férocité, son romantisme, ses doutes.

Le coffret éclaire particulièrement les périodes moins connues :

  • Les tâtonnements acoustiques d’Ascot avant et pendant Plastic Ono Band et Imagine.
  • Les envolées politiques et les concerts caritatifs de New York City.
  • Les dérives et reprises sauvages de The Lost Weekend.
  • Les retraites familiales et résurgences créatives de Dakota.

On découvre par exemple des démos de “Real Love” (avant que les Beatles ne l’achèvent en 1995), de “I’m Losing You” avec Rick Nielsen et Bun E. Carlos (Cheap Trick), l’atmosphère houleuse autour de Rock ‘n’ Roll, ou encore la douceur fragile de “Grow Old With Me”.

Bien que moins populaire que certaines compilations standard, John Lennon Anthology s’avère un document inestimable pour comprendre la progression artistique et émotionnelle de Lennon. Il ne s’agit pas seulement d’un florilège de rebuts : on y saisit l’esprit d’improvisation, les craintes, les moments de grâce intime qui jalonnent sa carrière post-Beatles. Du rock brut au piano-voix dépouillé, de la satire joyeuse à la confession déchirante, ce coffret révèle les multiples facettes d’un artiste complexe.

En bref, John Lennon Anthology propose une sorte de biographie sonore, où chaque disque incarne un chapitre distinct. Les inédits, présentés dans leur nudité ou avec des mix approximatifs, soulignent la spontanéité de Lennon et la richesse de ses archives. Pour les passionnés, c’est un voyage dense et touchant ; pour le grand public, une leçon sur la manière dont un créateur réinvente sans cesse ses chansons, oscille entre audace et fragilité, et laisse derrière lui un legs où transparaît la flamme d’une liberté artistique totale.