Paul Mescal en « boot camp » pour devenir Paul McCartney : à l’intérieur des biopics de Sam Mendes sur les Beatles

Publié le 17 septembre 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

Paul Mescal se prépare intensément à incarner Paul McCartney dans l’un des quatre films de Sam Mendes sur les Beatles, avec un entraînement physique, musical et intellectuel digne d’un boot camp. Prévu pour 2028, ce projet inédit bénéficie des droits complets sur la musique et la vie des Fab Four, promettant une immersion crédible et exigeante dans l’univers du groupe.


Le chantier a de quoi fasciner les amateurs des Beatles et intriguer l’industrie du cinéma : Sam Mendes pilote une tétralogie de longs métrages consacrés au groupe de Liverpool, avec une sortie coordonnée annoncée pour avril 2028. Le studio Sony Pictures présente l’initiative comme « la première expérience binge‑able en salle », une formule qui dit bien l’ambition : transposer au grand écran un mode de consommation hérité des séries, sans renoncer à la mise en scène et à l’échelle d’un film de cinéma.

Au‑delà du format, un fait rarissime a mis ce projet sur orbite : Apple Corps et les ayants droit des quatre Beatles ont accordé, pour la première fois, des droits complets sur les histoires de vie et sur la musique. Autrement dit, Mendes et ses scénaristes peuvent raconter les trajectoires de John Lennon, Paul McCartney, George Harrison et Ringo Starr avec la latitude d’utiliser les chansons originales et d’entrer dans l’intime sans écran de fumée juridique. Chaque film se concentrera sur un membre différent du groupe, leurs récits se croisant et se répondant, pour recomposer l’aventure collective.

Sommaire

  • Un casting de génération : Mescal, Dickinson, Quinn, Keoghan
  • « On se lève, on file à Bobbington » : anatomie d’une journée de préparation
  • Jouer McCartney, jouer gauchier : une exigence non négociable
  • Une immersion totale, des repères intellectuels
  • Pourquoi Bobbington ? Le choix d’un ancrage loin des projecteurs
  • La difficulté d’un rôle « connu par cœur »
  • Quatre angles, une même histoire : ce que promet le dispositif
  • La question du chant : timbre, intention, respiration
  • Des précédents et un défi : après Malek et Butler, une autre voie
  • Le rôle de l’équipe musicale : coachs, arrangements, instruments
  • « La première expérience binge‑able en salle » : promesse et risques
  • Ce que cela raconte des Beatles en 2028
  • En guise de point d’étape

Un casting de génération : Mescal, Dickinson, Quinn, Keoghan

Le quatuor d’acteurs retenus a l’allure d’un instantané du jeune cinéma britannique et irlandais : Paul Mescal endossera Paul McCartney, Harris Dickinson incarnera John Lennon, Joseph Quinn prêtera sa silhouette à George Harrison et Barry Keoghan deviendra Ringo Starr. Tous quatre partagent un même point commun : une intensité de jeu qui s’accommode mal du tiède. C’est un signal : Mendes cherche moins la ressemblance mimétique que la présence capable de porter un mythe sans l’illustrer platement.

Pour Mescal, ce n’est pas seulement un rôle ; c’est un régime. L’acteur irlandais, propulsé sur le devant de la scène avec Normal People puis installé parmi les figures attendues de sa génération, a rejoint une préparation intensive aux côtés de ses partenaires. Au programme : rythme, gestuelle, voix, instruments, accents et réflexes de scène. Le mot qui revient chez les intéressés est parlant : boot camp.

« On se lève, on file à Bobbington » : anatomie d’une journée de préparation

Dans un entretien récent, Paul Mescal a dévoilé la trame d’une journée type en pleine immersion Beatles. Le réveil sonne tôt. Direction Bobbington, dans le Staffordshire, à un peu plus d’une heure de route. Le trajet se fait en musique — les Beatles dans les haut‑parleurs — pour mettre l’oreille dans le bon axe. Sur place, les comédiens travaillent à « marcher, parler, jouer, penser comme les Beatles ». La formule peut faire sourire ; elle renvoie à une réalité très concrète : la mémoire corporelle d’un musicien se loge partout, des appuis du pied à la manière de porter la guitare, du balancement de la tête au placement de la langue pour une voyelle.

Cette méthode, à première vue quasi monacale, répond à un défi précis : rendre crédible au cinéma ce que l’on a longtemps appréhendé via des archives. Le groupe le plus documenté du XXe siècle a laissé des milliers de minutes de films et d’enregistrements. L’illusion ne peut pas reposer uniquement sur le maquillage ou le costume. Il faut, comme disent les musiciens, « tenir le temps ». C’est là que la répétition, la mise en place et l’oreille prennent le relais.

Jouer McCartney, jouer gauchier : une exigence non négociable

Entre tous les gestes qui font Paul McCartney, un détail n’en est pas un : il joue guitare et basse de la main gauche. La main droite assure alors les positions sur le manche et la gauche frappe ou pince les cordes — une inversion complète pour un droitier. Paul Mescal en a fait un principe : il apprend la guitare en gauchier. À ses yeux, ne pas le faire enverrait un signal dissonant ; le corps trahirait l’illusion au premier plan serré. Et l’acteur sait que l’iconographie des Beatles — images, passages télé, concerts — vit de ces silhouettes instantanément reconnaissables : la Höfner violon‑basse tenue à gauche, la posture légèrement penchée, l’attaque de médiator caractéristique sur certains titres.

L’apprentissage n’a rien d’anecdotique. Il engage des groupes musculaires et des cartographies mentales inversées. Le cerveau doit reconfigurer des automatismes pour que la main qui commande devienne l’autre. À l’écran, ce genre de détail fait la différence. De la même façon, Barry Keoghan s’astreint à des sessions de batterie extensives pour intégrer les patterns et le swing modestement redoutable de Ringo Starr ; Joseph Quinn travaille le touché glissant et les voicings économes de George Harrison ; Harris Dickinson cherche la projection vocale et la cadence de phrasé propres à John Lennon, entre nasalité assumée, ironie en coin et attaque plus dure quand la chanson l’exige.

Une immersion totale, des repères intellectuels

La préparation d’un tel rôle ne se limite pas à des heures d’atelier. Paul Mescal nourrit aussi son regard par des lectures. Parmi elles, « John & Paul : A Love Story in Songs » de Ian Leslie, une enquête récente qui recontextualise le partenariat Lennon‑McCartney en examinant comment leur relation intime a irrigué, chanson par chanson, l’évolution du groupe. L’acteur y trouve une grille pour comprendre la dynamique créative la plus féconde de la pop moderne : complémentarités, frictions, réinventions permanentes.

Ce détour par l’analyse sert un but simple : éviter le piège du mythe figé. Jouer McCartney, ce n’est pas seulement épouser une voix claire, une justesse mélodique et une basse chantante ; c’est incarner un esprit d’atelier : curiosité, humour, obstination, et ce fameux mélange de discipline et de joie qui caractérise son rapport à la musique.

Pourquoi Bobbington ? Le choix d’un ancrage loin des projecteurs

Le nom de Bobbington surprend, tant l’on aurait pu imaginer la préparation calée dans des studios londoniens. Situé dans le South Staffordshire, près de Wolverhampton, le secteur offre des espaces vastes, des infrastructures à l’écart du bruit médiatique et une logistique souple. S’isoler, c’est se donner la possibilité d’un travail sans micro‑événements viraux à chaque sortie de plateau.

Loin des curiosités de la capitale, cette base permet aussi d’instituer des rituels. Le trajet matinal, la musique dans la voiture, les sessions à horaires fixes, puis le retour, encore en musique : le corps s’habitue, la concentration gagne. Dans la durée, ce genre de cycle forge une cohérence.

La difficulté d’un rôle « connu par cœur »

Au cinéma, deux écueils guettent les biopics de légendes : l’imitation scolaire et la fantaisie infidèle. Avec les Beatles, le risque est redoublé. On a vu leurs visages vieillir, on a appris leurs tics, on a intégré leurs voix jusque dans les inflexions involontaires. La moindre fausse note devient visible. La stratégie choisie par Mendes et son équipe, telle qu’on la devine à travers les témoignages des acteurs, consiste à reconstruire de l’intérieur : partir de la physiologie des gestes, de l’écoute et du jeu pour remonter vers la ressemblance.

C’est une démarche exigeante, mais elle permet de franchir un cap : ne pas seulement « ressembler », mais être plausible dans l’action. Une chanson des Beatles n’est pas un collage d’astuces ; c’est un système. Le pied gauche qui pulse, la main droite qui verrouille la mise en place sur la batterie, la basse qui chante en contre‑ligne, la rythmique de Lennon qui « pousse » légèrement devant le temps, la lead de Harrison qui se glisse dans l’interstice — tout cela forme un organisme. Le boot camp vise à reconstituer cet organisme.

Quatre angles, une même histoire : ce que promet le dispositif

La promesse la plus stimulante de l’entreprise de Sam Mendes est là : raconter quatre films qui regardent la même odyssée depuis des angles distincts. Ce n’est pas un luxe narratif, c’est une façon d’embrasser au plus près la complexité des Beatles. L’itinéraire de McCartney ne recouvre pas celui de Lennon ; la patience harrisonienne ne suit pas les sursauts de Starr ; et pourtant, chaque décision individuelle a infléchi la trajectoire du groupe.

Pour les interprètes, cela signifie des arcs précis. Mescal devra passer des années Merseybeat aux prouesses studio de la fin de décennie, en épousant les métamorphoses de la basse et du chant de McCartney ; Dickinson traversera les périodes de retrait et de fulgurances de Lennon, de la comète Help! au virage introspectif ; Quinn devra rendre le classicisme discret et la tension lyrique de Harrison jusqu’à ses sommets de 1968‑1969 ; Keoghan portera l’économie et la solidité rythmique d’un batteur trop longtemps sous‑estimé, ainsi que sa présence scénique, à la fois affable et essentielle.

La question du chant : timbre, intention, respiration

Reste un terrain technique décisif : la voix. Chanter McCartney à l’écran ne signifie pas pousser une imitation au karaoké ; cela suppose d’approcher une émission vocale, une respiration, une attaque des consonnes et un sourire du timbre. Chez McCartney, l’éventail est large : des ballades en falsetto aérien au rock plein cadre, en passant par le croon swing de certaines pièces.

La préparation au chant s’arrime au travail sur la basse : le souffle n’est pas le même quand la main gauche (chez McCartney) trace une ligne contrapuntique sous une mélodie exigeante. Il faut apprendre à parler la chanson tout en jouant, à placer l’accent sans bousculer la mise en place. Une alchimie que le boot camp se charge de répéter jusqu’à la mémoire automatique.

Des précédents et un défi : après Malek et Butler, une autre voie

Le cinéma a récemment récompensé des incarnations musicales très habitées : Rami Malek en Freddie Mercury, Austin Butler en Elvis Presley. Chaque cas a suscité son débat sur la part de playback, d’imitation et d’invention. Le dispositif des quatre films consacré aux Beatles impose une autre temporalité et un autre niveau de détail. Il ne s’agit pas de traverser des décennies en cochant un florilège de moments iconiques, mais d’installer des continuités : comment un groupe travaille, comment une amitié fabrique de la musique, comment un studio devient l’instrument principal.

Pour Paul Mescal, l’enjeu consiste à faire sentir la curiosité jamais rassasiée de McCartney, sa discipline presque artisanale, et ce goût du jeu qui fait de lui un musicien toujours en mouvement. « Je l’adore », confie l’acteur, qui assume aussi un brin d’idolâtrie. Mais l’admiration ne suffit pas ; il faut trancher, choisir, renoncer à surjouer l’icône pour mieux tenir le personnage.

Le rôle de l’équipe musicale : coachs, arrangements, instruments

Derrière chaque acteur‑musicien, une équipe s’active. Coachs instrumentaux et vocaux, copistes et arrangeurs, luthiers (pour les réglages de basse et de guitare adaptées à un jeu gauchier), ingénieurs du son dédiés aux séances de répétition : cette logistique fait, en amont, ce que le mixage final ne pourra pas « réparer » seul. L’objectif n’est pas d’obtenir des clones en studio, mais des interprètes capables de jouer devant la caméra sans tricher sur l’essentiel.

La question des instruments compte. Une Höfner 500/1 n’équilibre pas le corps comme une Rickenbacker 4001 ; une Casino n’attaque pas comme une Gretsch ; une Ludwig ne répond pas comme une autre batterie. Apprendre un geste, c’est apprendre un poids, une réponse de l’instrument et des dynamiques de plateau. Ces paramètres infusent les performances.

« La première expérience binge‑able en salle » : promesse et risques

Le pari de Sony et de Sam Mendes — quatre films en salle sur un mois — interroge les habitudes. L’enthousiasme des fans des Beatles et la stature du cinéaste nourrissent la curiosité. Mais l’exercice suppose un calibrage subtil : accorder à chaque Beatle une ligne dramatique autonome, tout en assurant la cohésion d’ensemble.

Le calendrier annoncé nourrit aussi l’attente. D’ici là, l’équipe a le temps de peaufiner un travail qui ne supporte ni l’à‑peu‑près ni la précipitation. Les répétitions en boot camp, la construction des sets et la préparation musicale sont autant de chantiers invisibles, mais décisifs, qui conditionnent la véracité à l’écran.

Ce que cela raconte des Beatles en 2028

Qu’un studio mise sur une sortie cinématographique en plusieurs volets centrés sur les Beatles dit quelque chose de la durabilité du phénomène. Au‑delà des anniversaires, c’est la matière même de leur histoire — amitié, travail, invention — qui continue de parler à de nouvelles générations. Et qu’un acteur comme Paul Mescal prenne le rôle de McCartney comme un sport à pratiquer « de la main gauche », qu’il se baigne dans la musique du groupe du matin au soir, qu’il lise pour penser la relation Lennon/McCartney, tout cela témoigne d’un respect qui dépasse la révérence. Il s’agit de comprendre pour jouer juste.

Dans une époque où l’on consomme la nostalgie comme une esthétique, le projet Mendes peut réussir s’il assume l’exigence qui a présidé à la musique des Beatles : chercher l’idée juste, travailler longtemps, laisser tomber ce qui ne tient pas, et, une fois la forme trouvée, y mettre la joie. À Bobbington, entre deux allers‑retours en voiture et des heures de répétitions, c’est précisément ce programme qui se dessine.

En guise de point d’étape

Il serait illusoire, à ce stade, de préjuger de la teneur finale des quatre films. Mais l’approche racontée par Mescal laisse espérer une incarnation qui ne trahisse ni le souffle des Beatles ni l’histoire que des millions d’oreilles connaissent par cœur. Apprendre à la main gauche, respirer comme un chanteur‑bassiste, tenir la mesure avec un batteur qui n’écrase jamais la musique, dialoguer avec une guitare solo qui choisit l’essentiel — voilà un cahier des charges à la fois humble et immense.

Il y a, dans cette obstination, un air de Liverpool : celui d’un groupe qui, un jour, a décidé que la pop pouvait être aussi sérieuse qu’un art — sans perdre son humour. Si les films trouvent le même équilibre, la promesse d’une expérience en salle à la fois populaire et inventive pourra tenir. Et alors, peut‑être, en sortant du dernier épisode, on aura envie de reprendre la route en écoutant encore les Beatles, comme on le fait, chaque matin, sur la route de Bobbington.