Si A Hard Day’s Night est souvent associé à son accord d’ouverture mythique, une autre chanson de la bande originale mérite une attention particulière : I Should Have Known Better. Composé par John Lennon et marqué par l’influence naissante de Bob Dylan, ce morceau incarne à merveille l’énergie insouciante des Beatles en 1964. Retour sur l’histoire de cette chanson qui, bien que souvent considérée comme mineure, demeure un joyau du répertoire du groupe.
Sommaire
- Un titre marqué par l’empreinte de Bob Dylan
- Un enregistrement laborieux et joyeux
- Une scène culte dans « A Hard Day’s Night »
- Un succès international et un single européen
- Un éclat de pop insouciante et intemporelle
Un titre marqué par l’empreinte de Bob Dylan
En janvier 1964, alors que les Beatles sont en tournée à Paris, George Harrison fait l’acquisition d’un exemplaire de The Freewheelin’ Bob Dylan. Ce disque, emblématique du renouveau folk américain, impressionne particulièrement John Lennon, qui commence à s’imprégner du style du chanteur américain.
Cela se traduit immédiatement dans I Should Have Known Better, qui s’ouvre sur un motif d’harmonica rappelant fortement Dylan. Cet instrument, qui avait largement contribué aux premiers succès du groupe (Love Me Do, Please Please Me, From Me to You), apparaît ici pour l’une des dernières fois dans le répertoire des Beatles. La chanson porte ainsi les traces d’une transition musicale : encore ancrée dans la pop légère du début, elle amorce discrètement l’influence plus introspective que Dylan exercera bientôt sur Lennon.
Mais là où Dylan construisait des récits riches et empreints de poésie, Lennon livre ici une composition d’une grande simplicité. « Ce n’est qu’une chanson, elle ne signifie absolument rien », déclarera-t-il des années plus tard. Pourtant, derrière cette modestie feinte, I Should Have Known Better capte avec justesse le sentiment de naïveté amoureuse et de surprise face aux déconvenues sentimentales.
Un enregistrement laborieux et joyeux
Les séances d’enregistrement de I Should Have Known Better se déroulent les 25 et 26 février 1964 dans les studios d’Abbey Road. Ce sont deux jours particulièrement intenses pour les Beatles, qui travaillent également sur You Can’t Do That et And I Love Her.
La première journée voit l’enregistrement de trois prises, mais seule l’une d’entre elles est complète. Lors d’une tentative, Lennon éclate de rire en jouant de l’harmonica, obligeant le groupe à tout recommencer. Ce genre de fou rire collectif est fréquent chez les Beatles en studio, et témoigne de l’ambiance détendue qui règne encore à cette époque.
Le lendemain, 18 nouvelles prises sont nécessaires pour obtenir la version définitive. Lennon double sa voix et ajoute une nouvelle piste d’harmonica en overdub. Le résultat final, désormais connu sous le nom de take 22, est une explosion d’enthousiasme juvénile, porté par l’entrain rythmique du groupe et la brillance de la guitare de George Harrison.
Une scène culte dans « A Hard Day’s Night »
Si I Should Have Known Better est aujourd’hui encore gravée dans les mémoires, c’est en grande partie grâce à son apparition dans le film A Hard Day’s Night. La scène dans laquelle les Beatles la jouent à l’intérieur d’un wagon de train est devenue emblématique.
Le film, réalisé par Richard Lester, suit le groupe dans une version romancée de leur quotidien. Dans cette séquence, John, Paul, George et Ringo se retrouvent dans un compartiment, chantant et jouant aux cartes sous le regard amusé d’une jeune femme blonde : Pattie Boyd, qui deviendra plus tard la femme de George Harrison.
Contrairement aux apparences, la scène n’a pas été tournée dans un véritable train, mais dans une simple remorque de camion, installée aux studios de Twickenham. Pour simuler le mouvement du train, les membres de l’équipe technique la secouaient de l’extérieur. Ce tournage ingénieux confère au film son esthétique semi-documentaire, donnant aux Beatles une authenticité immédiate qui contribuera à leur image de garçons naturels et sympathiques.
Un succès international et un single européen
Sortie sur l’album A Hard Day’s Night le 10 juillet 1964 au Royaume-Uni, I Should Have Known Better connaît également une diffusion importante aux États-Unis. Intégrée à la bande originale du film, publiée le 26 juin, elle figure parmi les morceaux qui font exploser les ventes de l’album.
En Amérique, elle est choisie comme face B du single A Hard Day’s Night, sorti le 13 juillet. Ce couplage assure une large exposition à la chanson, qui bénéficie de la dynamique de succès du titre principal.
Mais c’est surtout en Europe continentale que I Should Have Known Better se démarque. En Norvège, elle atteint directement la première place des charts, surpassant parfois le titre principal. En Allemagne de l’Ouest, elle grimpe jusqu’à la sixième place. Ces performances témoignent de l’engouement que suscite la Beatlemania dans le monde entier, prouvant que même les titres secondaires du groupe peuvent devenir des succès indépendants.
Un éclat de pop insouciante et intemporelle
Dans la riche discographie des Beatles, I Should Have Known Better n’est pas toujours considérée comme un moment charnière. Pourtant, elle symbolise à merveille une époque où le groupe, encore insouciant, commence à élargir son horizon musical.
Avec son rythme entraînant, ses harmonies limpides et son solo d’harmonica solaire, elle capte l’essence du bonheur musical que les Beatles pouvaient générer. Elle illustre aussi leur capacité unique à transformer une chanson simple en un moment inoubliable, porté par une mélodie irrésistible et une interprétation sincère.
En 1964, le monde entier tombe sous le charme de leur énergie contagieuse. Soixante ans plus tard, I Should Have Known Better continue de faire sourire et danser, rappelant à chacun l’âge d’or d’une jeunesse éternellement rock’n’roll.