Au moment de sa sortie, j’avais raté ce film. J’en avais eu pourtant de multiples échos, certains très positifs, d’autres plus mitigés. Aussi, j’étais contente, presque deux ans plus tard, de le voir en DVD pour me faire ma propre opinion. Le fait qu’il ait reçu la Palme d’or et qu’il ait obtenu, de surcroît, un grand succès auprès du public me donnait plutôt confiance, a priori.
Note technique sur le film
Nationalité : Français
Année de sortie en salles : 23 août 2023
Genre : Drame
Nombreuses nominations et Prix – Palme d’Or à Cannes en 2023
Durée : 151 minutes (2h31)
Résumé du début du film
Sandra (Sandra Hüller) est une romancière allemande, mariée à Samuel (Samuel Theis), un français, également écrivain. Le couple a un fils de treize ans, Daniel (Milo Machado-Graner), devenu aveugle à la suite d’un accident. Ils vivent tous les trois, avec leur chien, dans une maison à la montagne, dans les Alpes françaises, près de Grenoble. Un jour où Sandra se fait interviewer par une étudiante en lettres, au rez-de-chaussée de la maison, le mari mécontent, installé dans la pièce au-dessus monte le volume de sa musique tellement fort que l’étudiante préfère interrompre l’entretien et s’en va. Quelques moments plus tard, Daniel et son chien, en revenant de promenade, trouvent le corps sans vie de Samuel, sur le sol, en bas du chalet. La thèse d’une chute accidentelle est d’abord privilégiée. Mais l’autopsie et divers indices troublants font bientôt porter des soupçons sur Sandra. Un ami de jeunesse de Sandra, Vincent Renzi (Swann Arlaud) avocat de profession, va venir la conseiller puis la défendre quand elle sera inculpée. (…)
Mon Avis
Je savais, avant de voir ce film, comment il finissait (on me l’avait raconté). J’étais donc au courant de l’issue du procès et il y avait assez peu de suspense. Mais cela n’a absolument pas gâché mon plaisir ni amoindri l’intérêt que ces personnages recèlent, par leurs caractères, par leurs questionnements, par les situations qu’ils affrontent.
J’ai été étonnée et choquée par la position du petit garçon dans cette histoire : sommé par la justice de témoigner contre sa mère dans le meurtre supposé de son père. Et obligé de vivre avec un superviseur judiciaire, sans cesse sur ses talons, pendant toute la durée du procès, pour surveiller que rien d’important n’est communiqué entre la mère et son fils, pouvant influencer les témoignages. Ca m’a semblé très violent de faire subir ça à un enfant qui vient déjà de perdre son père… J’ignorais que notre système judiciaire pouvait agir de la sorte et il me semble que ça amène à certaines questions.
Le fait que le jeune garçon soit aveugle peut évidemment faire penser à Œdipe, d’autant plus qu’il se retrouve face à la mort de son père, dans la position d’envoyer sa mère en prison ou de la sortir de ce mauvais pas – c’est-à-dire de vivre désormais en tête-à-tête avec elle, une fois le procès terminé.
Si le procès est l’anatomie d’une chute, on peut dire qu’il est aussi l’autopsie d’un couple qui ne s’entendait plus du tout. Beaucoup de choses pertinentes sont dites sur la vie à deux, sur les tensions, les rancunes, les jalousies et rivalités, la volonté ou non de faire des compromis, la prise de décision ou encore les différentes manières, plus ou moins insidieuses, de prendre l’ascendant sur l’autre. Dans ce sens, l’enregistrement sonore d’une dispute, par le mari, la veille du décès, commence par orienter le spectateur dans un sens bien précis, avant de le désorienter tout à fait.
Il y a une méditation très poussée sur la justice, dans le sens où nous pouvons interpréter tel ou tel indice, présenté comme probant par l’accusation, d’une manière toute différente et, même, parfois, comme un signe d’innocence de Sandra. Ainsi, à plusieurs reprises, nous assistons à ces renversements de situation, où une soi-disant preuve de culpabilité devient insignifiante, par sa remise dans le contexte, par un supplément d’informations, ou par une réflexion plus approfondie. J’ai eu la sensation que Justine Triet voulait nous mettre en garde contre les vérités trop hâtivement acquises. De nombreuses scènes semblent vouloir nous montrer à quel point la réalité est complexe et difficile à cerner. Nous ne pouvons pas nous fier aux apparences, même si elles paraissent évidentes. Il m’a semblé que la réalisatrice faisait ici l’éloge du doute.
Un film que j’ai beaucoup apprécié, pour son scénario intelligent, pour ses personnages très humains aux dialogues crédibles et recherchés, pour ses acteurs excellents, tout à fait dans leurs rôles.
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