John Lennon a souvent pris des risques artistiques et politiques, parfois au péril de sa carrière. L’album Some Time in New York City (1972) en est l’exemple parfait : engagé et radical, il fut un échec critique et commercial. Lennon reconnaîtra plus tard que ce disque a failli détruire sa carrière. Il se tournera ensuite vers une approche plus introspective avec Mind Games, marquant ainsi un tournant décisif dans son parcours solo.
Il est paradoxal que l’homme qui révolutionna la musique populaire avec The Beatles ait aussi passé une partie de sa carrière à prendre des risques qui semblaient la compromettre. John Lennon, avec son esprit provocateur et son besoin impérieux d’exprimer ses opinions, a souvent défrayé la chronique, que ce soit avec sa remarque sur la supériorité des Beatles sur Jésus-Christ ou par ses prises de position radicales sur la politique et la société.
Si certains de ses choix ont renforcé son image d’artiste intègre et engagé, d’autres ont eu des conséquences plus néfastes, y compris sur sa carrière musicale. L’albumSome Time in New York City, sorti en 1972, en est l’exemple le plus marquant. Accueilli avec une froideur polaire par la critique et le public, il faillit être un naufrage irréversible pour Lennon, qui lui-même avoua plus tard qu’il avait failli détruire sa carrière.
Sommaire
- Un engagement politique frontal
- Un disque critiqué et un artiste fragilisé
- « Presque la fin de ma carrière »
- Mind Games: la rédemption artistique
- Une pierre angulaire de l’histoire de Lennon
Un engagement politique frontal
Dès la fin des années 1960, John Lennon et Yoko Ono s’étaient déjà affirmés comme des figures de la contestation politique. Leur engagement pacifiste, notamment avec lesBed-Inset le titreGive Peace a Chance, les avait installés parmi les artistes militants de l’époque. Mais avecSome Time in New York City, Lennon franchit un cap en proposant un album entièrement dédié à des questions politiques et sociales.
Chaque chanson aborde un thème brûlant : le racisme (Angela), le régime carcéral (Attica State), le statut des femmes (Woman Is the Nigger of the World), ou encore la politique étrangère américaine (Luck of the Irish). Musicalement, l’album emprunte au rock, au folk, mais aussi au jazz et au blues, cherchant à s’inscrire dans la tradition de la protest song américaine. Malheureusement, l’effet recherché ne fut pas celui escompté.
Un disque critiqué et un artiste fragilisé
L’accueil critique deSome Time in New York Cityfut désastreux. Beaucoup reprochèrent à Lennon d’avoir délaissé sa poésie et son sens de la mélodie pour s’adonner à un pamphlet musical parfois maladroit et prétentieux. Le disque fut jugé simpliste, trop littéral, dénué de la profondeur qui caractérisait ses meilleures compositions. Certains critiques allèrent jusqu’à le qualifier de « slogans mis en musique », tandis que d’autres y virent une tentative opportuniste de surfer sur les mouvements contestataires.
Le public, lui non plus, ne suivit pas. L’album fut un échec commercial retentissant, peinant à se vendre, et marqua une rupture nette dans la carrière solo de Lennon. Celui qui, jusque-là, était perçu comme un artiste visionnaire, apparut soudain comme un musicien préchant plus qu’il ne créait.
« Presque la fin de ma carrière »
Lennon lui-même admit plus tard l’impact négatif de cet album. « Cela a presque ruiné ma carrière », dira-t-il en revenant sur cet épisode. « C’était du journalisme, pas de la poésie, et je suis fondamentalement un poète. » Cette prise de conscience marqua un tournant. Désormais, Lennon allait s’efforcer de retrouver une approche plus intime et introspective.
Mind Games: la rédemption artistique
En 1973, Lennon revient avecMind Games, un album bien différent de son prédécesseur. Moins frontalement politique, plus personnel et mystique, il marque une tentative de réconciliation avec un public qui s’était éloigné. Bien que moins célèbre queImagine, il renoue avec une certaine profondeur lyrique et mélodique qui révèle un Lennon plus nuancé et introspectif.
L’échec deSome Time in New York Cityn’a pas seulement représenté un revers commercial, il a aussi été une leçon pour Lennon. Cet album lui a rappelé que, malgré son statut de légende, il ne pouvait pas se permettre de négliger son art au profit du militantisme. Il a réappris à équilibrer engagement et créativité, poésie et politique, dans un style qui lui était propre.
Une pierre angulaire de l’histoire de Lennon
Aujourd’hui,Some Time in New York Cityreste un objet fascinant. Loin d’être le chef-d’œuvre de sa carrière solo, il témoigne cependant d’une période charnière dans la vie de John Lennon. C’est un disque qui reflète les tensions, les espoirs et les illusions d’une époque, mais aussi les errances d’un artiste en quête de sens et de légitimité au-delà des Beatles.
Loin d’être oublié, cet album est une étape nécessaire pour comprendre l’évolution de Lennon en tant qu’homme et musicien. Il rappelle que, malgré ses erreurs, il resta toujours fidèle à lui-même, quitte à frôler l’autodestruction artistique. Et c’est peut-être aussi pour cela que son aura demeure intacte aujourd’hui.