L’histoire des Beatles est ponctuée d’emprunts et de relectures de standards du rock et du rhythm and blues. « Matchbox », titre phare du répertoire de Carl Perkins, fait partie de ces morceaux que le groupe de Liverpool a magnifiés, tout en restant fidèle à l’énergie brute du rock ‘n’ roll originel. Ce morceau, enregistré en 1964, a particulièrement mis en avant Ringo Starr au chant, une rareté dans la discographie du groupe.
Sommaire
- Une filière musicale ancrée dans le blues
- Un morceau taillé pour la scène
- Un enregistrement marqué par la présence de Carl Perkins
- Un titre qui échappe à A Hard Day’s Night
- « Matchbox », une trace indélébile dans l’héritage des Beatles
Une filière musicale ancrée dans le blues
« Matchbox » trouve ses racines dans « Match Box Blues », un classique du blues enregistré en 1927 par Blind Lemon Jefferson. Ce titre, construit sur une structure de douze mesures, évoque une errance, une quête d’identité et un sentiment de désillusion. Carl Perkins, père fondateur du rockabilly, s’empare de cette trame en 1956 et l’adapte à sa manière, lui insufflant une dynamique plus nerveuse, typique du rock ‘n’ roll naissant.
Bien que Perkins ait affirmé ne pas connaître la version de Jefferson au moment de son enregistrement, les similitudes entre les deux morceaux sont troublantes. Notamment les lignes : « I’m sittin’ here wonderin’, will a matchbox hold my clothes / I ain’t got no matches but I still got a long way to go ». Ce vers exprime la même errance que celle de nombreux bluesmen itinérants, avant que Perkins ne le transforme en hymne rockabilly.
Un morceau taillé pour la scène
Avant que Ringo Starr ne s’approprie « Matchbox », c’est Pete Best qui l’interprétait lors des concerts des Beatles dès 1961. Lorsque Best est écarté du groupe en 1962, John Lennon prend temporairement le relais avant que Starr ne s’impose comme le chanteur attitré du titre.
Les Beatles ont enregistré « Matchbox » à deux reprises pour la BBC. La première captation date du 10 juillet 1963, dans le cadre de l’émission Pop Go The Beatles. Cette version est d’ailleurs disponible sur la compilation Live At The BBC. Une seconde prise fut réalisée le 1er mai 1964, lors de l’émission From Us To You.
Un enregistrement marqué par la présence de Carl Perkins
Le 1er juin 1964, les Beatles se retrouvent en studio pour enregistrer « Matchbox » sous la direction de George Martin. À cette occasion, Carl Perkins lui-même était présent à Abbey Road. Certains récits laissent entendre qu’il aurait joué la ligne de guitare d’introduction, bien que cela n’ait jamais été confirmé officiellement.
Le morceau nécessite cinq prises avant d’être jugé satisfaisant. Ringo Starr, en plus de jouer de la batterie, assure la partie vocale, qu’il double par la suite. L’énergie communicative du batteur confère au morceau une spontanité et une fraîcheur qui rappellent les origines du rockabilly. Le même soir, les Beatles enregistrent trois autres titres : « I’ll Cry Instead », « Slow Down » et « I’ll Be Back ».
Un titre qui échappe à A Hard Day’s Night
Initialement, « Matchbox » devait figurer sur la bande originale de A Hard Day’s Night, le troisième album du groupe. Toutefois, il est finalement jugé non essentiel et se retrouve relégué sur l’EP Long Tall Sally, publié le 19 juin 1964 au Royaume-Uni. Aux États-Unis, il sort en single le 20 juillet 1964, accompagné de « Slow Down » en face B.
L’absence du titre sur A Hard Day’s Night ne l’empêche pas de rencontrer le succès, notamment aux États-Unis où le rockabilly bénéficie encore d’une forte popularité. La voix rocailleuse de Ringo Starr et l’accompagnement instrumental nerveux rappellent l’énergie primitive du rock ‘n’ roll, confirmant la volonté des Beatles de rendre hommage à leurs idoles.
« Matchbox », une trace indélébile dans l’héritage des Beatles
Bien que « Matchbox » ne soit pas l’un des titres les plus emblématiques des Beatles, il constitue un témoignage précieux de l’influence du rock ‘n’ roll américain sur le groupe. La rencontre entre le blues originel de Blind Lemon Jefferson, la relecture rockabilly de Carl Perkins et l’interprétation dynamique des Beatles illustre à merveille la façon dont le groupe a su s’approprier ses influences pour les faire siennes.
Aujourd’hui encore, « Matchbox » demeure une pièce incontournable pour les amateurs du rock des années 1960, symbolisant l’osmose parfaite entre tradition et modernité. Il rappelle que si les Beatles ont été des innovateurs hors pair, ils étaient aussi de formidables passeurs, capables de transmettre l’énergie brute du rock ‘n’ roll à une nouvelle génération.