Susan Kendall Newman : adieu à Janis, visage culte de la Beatlemania

Publié le 12 octobre 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

Susan Kendall Newman, fille de Paul Newman et actrice marquante de la comédie « I Wanna Hold Your Hand », est décédée à 72 ans. Connue pour son rôle de Janis Goldman, elle avait su capturer avec justesse les émotions de la Beatlemania. Ce film culte de Robert Zemeckis, devenu une référence pour les fans des Beatles, est aujourd’hui réévalué comme une œuvre tendre et précise sur la culture pop. 


Susan Kendall Newman, actrice, productrice de télévision et militante, est décédée à l’âge de 72 ans des suites de complications liées à des problèmes de santé chroniques. Fille aînée de Paul Newman et de sa première épouse Jackie Witte, elle s’est éteinte le 2 août 2025. La nouvelle, confirmée par la publication de son avis de décès puis relayée par plusieurs médias, a suscité une émotion particulière chez les amateurs des Beatles, tant son rôle dans la comédie de Robert Zemeckis « I Wanna Hold Your Hand » reste associé à la représentation la plus tendre et la plus drôle de la Beatlemania à l’écran.

Sommaire

  • Des débuts sur scène et une trajectoire plurielle
  • « I Wanna Hold Your Hand » : la Beatlemania par les fans, pour les fans
  • Un film-charnière : Zemeckis derrière la caméra, Spielberg à la manœuvre
  • Le rôle de Janis Goldman : un contre-chant à l’hystérie
  • 9 février 1964 : cadrer l’instant fondateur
  • Une énergie de troupe et un sens du détail
  • De la scène au plateau : une productrice primée
  • Une vie d’engagement : prévention, justice, santé, environnement
  • Ce que « I Wanna Hold Your Hand » dit des Beatles – et de nous
  • Héritage critique et ressorties
  • De la fiction à la mémoire collective
  • Une place à part dans la galaxie Beatles à l’écran
  • Après la caméra : éthique du travail et attention au monde
  • Redécouvertes, rééditions, transmissions
  • Une disparition, un legs
  • Repères complémentaires
    • À revoir : « I Wanna Hold Your Hand » aujourd’hui

Des débuts sur scène et une trajectoire plurielle

Née en 1953 à New York, Susan Kendall Newman s’est d’abord formée au théâtre avant de se produire « on » et « off » Broadway au milieu des années 1970. Elle fait ses premiers pas à l’écran dans le sillage d’un héritage artistique prestigieux, mais son parcours témoigne d’un souci constant d’indépendance. Dès 1977, elle apparaît dans « Slap Shot », comédie sportive menée par son père, puis, l’année suivante, chez Robert Altman dans « A Wedding ». La même année 1978 marque sa rencontre avec l’univers des Beatles à travers le rôle de Janis Goldman, l’une des héroïnes de « I Wanna Hold Your Hand ». Cette filmographie ramassée mais signifiante raconte la curiosité d’une comédienne pour les œuvres chorales où le jeu repose sur la dynamique de groupe et le sens du tempo comique.

« I Wanna Hold Your Hand » : la Beatlemania par les fans, pour les fans

Réalisé en 1978, « I Wanna Hold Your Hand » suit, en une journée folle, les pérégrinations d’un groupe d’adolescents de New Jersey prêts à tout pour apercevoir les Beatles lors de leur première apparition télévisée américaine dans « The Ed Sullivan Show » en février 1964. Plutôt que de « jouer » les Fab Four, le film choisit de ne jamais montrer les musiciens autrement qu’au travers d’images d’archives, pour se concentrer sur l’énergie, l’humour et la ferveur du public. Cette décision de mise en scène, qui a fait la singularité du long métrage, place les fans au centre de la narration : c’est leur joie, leur angoisse et leur débrouillardise qui importent, et non la célébrité inatteignable.

Dans ce dispositif, Susan Kendall Newman incarne Janis Goldman, une jeune femme d’abord sceptique face au phénomène Beatles, qui s’embarque malgré elle dans la virée new-yorkaise. Le personnage, observateur critique converti par la force de l’événement, fonctionne comme le miroir d’une Amérique partagée entre fascination et résistance. L’actrice prête à Janis une ironie douce et un sens du contrepoint comique qui font richesse : le film évite le simple pastiche pour capter quelque chose d’authentique dans le rapport au mythe. Le rôle est d’autant plus marquant qu’il s’inscrit au cœur d’une distribution de jeunes talents – Nancy Allen, Marc McClure, Theresa Saldana, Wendie Jo Sperber, Eddie Deezen – que Zemeckis orchestre en comédie de situation et de quiproquos.

Un film-charnière : Zemeckis derrière la caméra, Spielberg à la manœuvre

« I Wanna Hold Your Hand » constitue le premier long métrage de Robert Zemeckis et, signe important de l’époque, Steven Spielberg y officie comme producteur exécutif – sa première incursion officielle dans ce rôle. Le tandem Zemeckis–Bob Gale signe un scénario qui préfigure leur goût pour les mécaniques comiques précises, les personnages attachants et la nostalgie pop américaine. Le film, porté par une bande-son de chansons des Beatles sous licence, fait le pari d’un hommage sans pastiche. Cette articulation entre un regard d’auteur en devenir et la caution d’un jeune maître du cinéma populaire confère à l’œuvre une place singulière dans l’histoire du New Hollywood finissant, à l’instant où la culture fan devient sujet de cinéma à part entière.

Que le film ait connu un succès critique réel et un modeste box-office n’enlève rien à sa postérité : des décennies plus tard, sa ressortie en Blu-ray par The Criterion Collection et son score flatteur sur Rotten Tomatoes attestent de sa réévaluation. Les critiques ont salué la ruse de mise en scène : ne pas « montrer » les Beatles pour mieux mesurer leur effet de souffle sur une génération. Aujourd’hui, nombre de spectateurs y voient une lettre d’amour à la fan culture, filmée avec empathie.

Le rôle de Janis Goldman : un contre-chant à l’hystérie

Si Janis n’est pas la plus exaltée de la bande, c’est précisément ce qui rend sa trajectoire intéressante. Susan Kendall Newman fait de cette figure réfractaire une conscience ironique, mais jamais condescendante. Le personnage observe, hésite, s’agace parfois de la passion de ses amies, puis se laisse gagner par l’évidence du moment : quelque chose d’historique est en train de se jouer à New York, et il est impossible d’y rester imperméable. La finesse du jeu tient dans cette conversion sourde : pas une illumination spectaculaire, plutôt un glissement, comme si la musique, les foules, l’anticipation partagée reprogrammaient l’écoute intérieure.

La présence de Janis donne de la profondeur au film. Elle rappelle que la Beatlemania n’est pas qu’un tumulte adolescent : c’est un langage commun, une grammaire de gestes, de regards, de cris, qui fabrique du lien social. Dans « I Wanna Hold Your Hand », l’échelle intime (l’amitié, les loyautés, les peurs) s’emboîte à l’échelle collective (le phénomène culturel, la télévision, la ville). Cette articulation, Zemeckis l’obtient en se tenant juste à côté de ses héroïnes, jamais au-dessus, et en faisant des sceptiques – telle Janis – des alliées narratives.

9 février 1964 : cadrer l’instant fondateur

Le décor du film est celui du 9 février 1964, lorsque les Beatles montent sur la scène du Ed Sullivan Theater pour une audience télévisée record et une déflagration culturelle dont l’onde de choc traverse encore l’Atlantique. Le long métrage n’est pas un documentaire : il feint la proximité avec l’événement tout en l’observant depuis la foule, dans les couloirs d’un hôtel, à travers des portes entrouvertes, sur les trottoirs où s’agglutinent les fans. L’évitement de la reconstitution frontale – pas d’acteurs grimés en Lennon ou McCartney, pas de « faux » concert – devient une force poétique : l’absence redouble la présence. On croit entendre les chansons parce qu’on voit leurs effets.

Une énergie de troupe et un sens du détail

La réussite de « I Wanna Hold Your Hand » tient aussi à son casting : Nancy Allen comme moteur romantique, Wendie Jo Sperber en fan incandescente, Marc McClure en complice maladroit, Theresa Saldana en photographe opiniâtre, Eddie Deezen en geek à la dévotion aussi comique que sincère. Les seconds rôles – un imitateur d’Ed Sullivan à s’y méprendre, un DJ star (Murray the K), des policiers dépassés – épaississent le tissu d’époque. Chaque geste – greffer sa chance à l’arrière d’une limousine, entrer par les cuisines, coller l’oreille à une porte – devient un gag, mais aussi une petite étude sur le désir de proximité avec l’idole.

Dans cette mécanique, Susan Kendall Newman ne joue ni la satire ni l’adoration. Elle habite l’entre-deux, celui de la curiosité méfiante, qui s’émeut malgré elle. La composition, toute en retenue, offre un contrepoids aux scènes d’hystérie pure qui ont fait la réputation du film : la séquence du face-à-face sensuel avec une basse Höfner dans une chambre d’hôtel, par exemple, est restée célèbre pour son mélange d’excès et de sincérité – on y rit, certes, mais on y reconnaît aussi les premiers émois d’une génération.

De la scène au plateau : une productrice primée

Après plusieurs années de jeu, Susan Kendall Newman s’est distinguée derrière la caméra. Elle coproduit en 1980 l’adaptation télévisée de la pièce de Michael Cristofer, « The Shadow Box », réalisée par Paul Newman et interprétée notamment par Joanne Woodward et Christopher Plummer. Le téléfilm remporte un Golden Globe du meilleur film pour la télévision et un Humanitas Prize, tout en récoltant des nominations aux Emmy, au Peabody et, par un autre projet, une nomination aux Grammy Awards pour une série de livres audio jeunesse adaptant les classiques de la littérature. Cette reconnaissance installe durablement Susan dans le paysage de la production télévisuelle, secteur en plein essor au tournant des années 1980.

Dans ce champ, sa rigueur d’adaptation et son sens du public se remarquent. Adapter « The Shadow Box », chronique sensible de la fin de vie et des liens familiaux, exigeait un tact particulier : l’émotion devait circuler sans devenir mélodrame. La réussite du film, aujourd’hui encore citée en exemple dans l’histoire du téléfilm américain, s’explique autant par la direction de Paul Newman que par la qualité de la production – gestion des décors épurés, concentration de l’action sur trois espaces, mise en valeur des voix féminines. Susan Kendall Newman y a trouvé un territoire d’expression : faire dialoguer théâtre et télévision en valorisant l’écoute.

Une vie d’engagement : prévention, justice, santé, environnement

Loin de se limiter au spectacle, Susan Kendall Newman a consacré une grande partie de son existence à la philanthropie et à l’activisme. Marquée par la disparition de son frère Scott Newman en 1978, elle se mobilise pour la prévention des addictions au sein d’initiatives éducatives et de centres de ressources à destination des parents. Elle multiplie ensuite les engagements : éducation, justice des mineurs, santé publique, conservation des milieux naturels. Ces dernières années, elle a contribué à des campagnes de protection du vote via le Lawyers’ Committee for Civil Rights Under Law et VoteRiders, soutenu des programmes de préservation environnementale à Big Sur, et participé, en partenariat avec l’Oregon Health & Science University, au financement de campagnes de prévention du mélanome et à la recherche sur la leucémie.

L’obituary publié au début d’octobre rappelle aussi son rôle discret mais déterminant dans la stratégie philanthropique d’une fondation privée : identifier des organisations de terrain, épauler des communautés à risque souvent délaissées et imaginer des dispositifs de réponse aux catastrophes enracinés localement. Cette approche – moins le « grand don » spectaculaire que le tissage patient avec des acteurs communautaires – reflète une conception exigeante du don : l’argent n’est pas une fin, mais un moyen de libérer du temps, des compétences et de la capacité d’agir.

Ce que « I Wanna Hold Your Hand » dit des Beatles – et de nous

S’il est tant cité aujourd’hui, c’est que « I Wanna Hold Your Hand » propose une lecture fine de la Beatlemania : plutôt que d’en rire de loin, il en épouse les gestes jusqu’à l’absurde et, ce faisant, en révèle la dignité. Les héroïnes ne sont pas moquées ; elles sont prises au sérieux. Le film anticipe, sans le discours savant, une vision qui a depuis gagné en légitimité : le fan n’est pas un consommateur passif, mais un acteur de la culture, qui collecte, commente, remixe et raconte. Les Beatles, eux, restent à peine entreaperçus ; mais l’onde culturelle qu’ils déclenchent, elle, est partout, jusque dans les ascenseurs de service et les chambres d’hôtel.

Cette manière de filmer les fans a trouvé, ces dernières années, une réception nouvelle : redécouvert à l’ère des communautés en ligne, des visionnages collectifs et des cultes transgénérationnels, le long métrage de Zemeckis est devenu pour certains spectateurs un « feel-good movie » d’une douceur intacte, célébré pour son énergie et sa tendresse. Qu’un film autrefois discret au box-office gagne aujourd’hui ce statut de chouchou critique et public en dit autant sur lui que sur nous : la culture pop se lit désormais aussi depuis la tribune des fans.

Héritage critique et ressorties

Sur le plan critique, l’œuvre a été régulièrement réhabilitée. Son score élevé sur Rotten Tomatoes, ses rééditions vidéo – dont une édition Criterion approuvée par Robert Zemeckis et Bob Gale – et la persistance d’articles enthousiastes au fil des années, attestent de sa durabilité. On insiste souvent sur sa construction « en absence » : les Beatles n’y jouent pas, mais chaque plan les convoque. Le comique de poursuite n’empêche pas l’émotion, et le kitsch assumé des années 1960 sert de tremplin à une réflexion sur le pouvoir des images et de la télévision.

Il faut dire que le film s’inscrit dans une histoire du cinéma où la musique pop devient moteur du récit. Quelques saisons plus tôt, A Hard Day’s Night et Help! avaient fixé l’iconographie officielle des Beatles ; la proposition de Zemeckis consiste au contraire à filmer le retour de cette iconographie, telle qu’elle vit chez les spectateurs. Les chansons, présentes en version originale, ne servent pas de simples illustrations : elles deviennent la matière d’un monde, un signal que tout un pays a appris à reconnaître. C’est ce qui explique que la comédie prenne parfois des allures d’étude de mœurs, presque ethnographique, sans jamais perdre son souffle burlesque.

De la fiction à la mémoire collective

Le décès de Susan Kendall Newman réactive l’attachement à ce film parce qu’il a conféré un visage à une expérience collective. Janis Goldman, avec son franc-parler et sa réserve, a permis à quantité de spectateurs – y compris ceux qui n’étaient pas déjà conquis par les Beatles – d’entrer dans l’histoire par un sas de scepticisme. En sortant, beaucoup ont gardé en tête l’image d’une ville en effervescence, d’un pays se découvrant une bande-son commune et d’un groupe de jeunes gens qui, l’instant d’une nuit, réinventent l’aventure.

Ce n’est pas un hasard si, dans les hommages, on insiste sur l’esprit de Susan : esprit vif, langue bien pendue, générosité. Cette description, qui revient dans les témoignages familiaux, correspond aussi au ton du film : une légèreté soutenue par une discipline de jeu, une précision de regard qui permet de tutoyer le mythe sans le figer.

Une place à part dans la galaxie Beatles à l’écran

Dans l’écosystème des œuvres liées aux Beatles, « I Wanna Hold Your Hand » occupe une place latérale mais essentielle. Ce n’est ni un biopic, ni un documentaire musical, ni une comédie cynique ; c’est un film sur ce que les Beatles font aux gens. Cette nuance le rend précieux pour l’histoire culturelle : il capture l’instant où la télé fédère, où l’Ed Sullivan Show devient plus qu’un programme du dimanche soir, où le salon américain se transforme en scène. C’est aussi un témoignage sur l’autonomie des héroïnes : dans un récit mené par des jeunes femmes, la passion pour un groupe devient une aventure au sens propre, impliquant ruses, négociations, micro-transgressions et solidarité.

Que Susan Kendall Newman ait pris part à cette cartographie du désir pop est significatif. Son Janis rappelle qu’une culture n’existe pas seulement dans ses objets (disques, affiches, guitares), mais dans ses circulations : ce qui passe de main en main, de regard en regard, de phrase en phrase. C’est là que réside la vérité de la Beatlemania : dans ces allers-retours entre la scène et la rue, entre l’hôtel et le trottoir, entre la télévision et les conversations privées.

Après la caméra : éthique du travail et attention au monde

En se tournant vers la production et l’action sociale, Susan Kendall Newman a prolongé, ailleurs, cet art de l’attention. Produire un téléfilm comme « The Shadow Box », c’est organiser les conditions d’une écoute : écoute des comédiens, des rythmes du texte, des contraintes d’un plateau. S’engager ensuite pour la prévention des conduites addictives, la santé et la justice, c’est déplacer cette écoute dans la cité. La cohérence est là : donner de l’espace et du temps à ce qui compte.

On retrouve cette cohérence dans sa manière de concevoir la philanthropie : plutôt que des interventions ponctuelles et spectaculaires, privilégier des partenariats avec les associations de terrain, s’adosser à des institutions de recherche (comme l’OHSU) pour faire remonter les bonnes pratiques, et penser la résilience par des fonds locaux capables de réagir vite aux crises. Ce n’est pas l’affaire d’un coup d’éclat ; c’est une pratique du quotidien.

Redécouvertes, rééditions, transmissions

La redécouverte de « I Wanna Hold Your Hand » au fil des décennies doit beaucoup au travail de restauration et d’édition. L’édition Criterion de 2019 – restauration 4K approuvée par Zemeckis et Gale, conversation nouvelle avec Spielberg, entretiens avec Nancy Allen et Marc McClure – a replacé le film sur les étagères et dans les programmations. Ce n’est pas qu’une affaire de prestige éditorial : ces suppléments documentent la fabrique du film et, ce faisant, prolongent le plaisir de spectateur par un savoir, une archive, une mémoire.

La valeur pédagogique du film n’est pas moindre : il devient un outil pour raconter 1964 à des générations qui n’ont pas vécu l’époque, et pour réfléchir à ce que la télévision a fait au concert et à la musique. En cela, le travail de Susan Kendall Newman comme productrice – soucieuse de formes accessibles, d’adaptations intelligibles, d’objets culturels transmissibles – résonne avec l’ADN même du film : rendre partageable une émotion.

Une disparition, un legs

La disparition de Susan Kendall Newman rappelle que derrière chaque titre, chaque affiche, il y a des trajectoires humaines. La sienne croise le cinéma des années 1970, la mythologie Beatles, l’essor de la télévision câblée, et des engagements civiques patients. L’hommage qui lui est rendu dans la presse met en avant son esprit, sa générosité, son dévouement aux siens comme aux causes qu’elle a servies ; il souligne aussi la cohérence d’une vie consacrée à faire circuler le sens : du plateau au salon, de la scène au public, du don à l’action.

À l’échelle de l’histoire beatlesienne, son nom reste attaché à Janis Goldman et à cette comédie qui, mieux que beaucoup de reconstitutions, a compris la nature de l’événement : la Beatlemania est d’abord une expérience, vécue en commun, avec sa part d’excès, de grâce et d’invention. En refermant ce chapitre, on se souvient qu’un film tenu, drôle et tendre, peut être un document plus durable qu’il n’y paraît ; et que la justesse d’un rôle peut, parfois, servir de point de repère pour toute une communauté de fans.

Repères complémentaires

Au sein de l’œuvre de Robert Zemeckis, « I Wanna Hold Your Hand » agit comme un laboratoire : l’attention au détail, la précision des trajectoires dans l’espace, le goût du rythme et des personnages moteurs s’y annoncent déjà. Le geste de Steven Spielberg, jeune producteur exécutif, n’est pas anecdotique : il dit l’intuition d’un cinéma populaire capable de capter la mémoire collective sans la muséifier. Que ce film soit devenu, des années plus tard, un chouchou critique, consacré par un catalogue aussi exigeant que Criterion, confirme que la comédie peut faire archive – à condition d’y mettre du cœur, du travail et, disons-le, une foi tranquille dans les spectateurs.

Enfin, la trajectoire de Susan Kendall Newman rappelle ce que l’on sait parfois mal des « enfants de » : la nécessité, pour exister, de déplacer l’héritage. En jouant Janis, elle a déplacé l’icône paternelle vers un autre territoire, celui de la culture pop et de ses communautés. En produisant et en s’engageant, elle a déplacé la notoriété vers l’utilité. Le fil qui relie ces déplacements est celui d’une éthique : faire bien ce que l’on fait, et le faire avec les autres.


À revoir : « I Wanna Hold Your Hand » aujourd’hui

Revu en 2025, le film n’a rien perdu de sa vitalité. Il offre une chronique enjouée de la jeunesse et de sa manière de prendre le monde d’assaut, une comédie qui tient par sa mise en scène plus que par ses punchlines, et une réflexion discrète sur l’écoute collective. Pour les fans des Beatles, c’est un complément idéal aux images canoniques ; pour tous les autres, c’est une porte d’entrée vers une légende racontée depuis la foule. C’est là, sans doute, que se niche la petite sécurité qu’offre encore ce film : nous rappeler que la joie partagée – dans un studio de télévision, au bas d’un hôtel, dans une chambre où trône une basse Höfner – peut devenir un souvenir commun.

Et il est juste que, dans ce souvenir commun, le visage de Susan Kendall Newman occupe sa place.