La Petite dernière, d’Hafsia Herzi

Publié le 21 octobre 2025 par Africultures @africultures

En sortie le 22 octobre 2025 sur les écrans français, ce portrait d'une jeune de 17 ans qui s'ouvre aux sensations, librement adapté d'un livre éponyme de Fatima Daas, marque par sa finesse et sa sensibilité.

Hafsia Herzi, Marseillaise d'origine algéro-tunisienne, révélée par Abdellatif Kechiche (La Graine et le Mulet, 2007) mène une remarquable carrière d'actrice marquée par son engagement tant physique qu'affectif. Elle est passée à la réalisation avec "Tu mérites un amour", présenté à la Semaine de la Critique en 2019. Elle avait osé s'y mettre en scène dans la complexité et les contradictions de ses méandres amoureux. En 2021, Bonne Mère, tourné où elle a grandi, dans les barres des quartiers nord de Marseille, est primé à Un Certain regard au même festival de Cannes. Elle y revient en compétition officielle avec La Petite dernière, son quatrième long métrage si l'on compte son téléfilm La Cour. Elle filme l’éveil amoureux d’une jeune Arabe de banlieue, musulmane pratiquante, qui va faire des études de philosophie à Paris. Fatima se découvre davantage attirée par les femmes et tente de naviguer entre ses attaches culturelles et un monde qui s'ouvre à elle, très différent de son milieu familial. Le film aborde un sujet délicat sinon tabou, et le replace dans la quête d'amour. Émouvant, il le fait avec autant de délicatesse que de détermination.

L’homosexualité est illégale dans de nombreux pays, un crime passible d’emprisonnement dans 33 des 55 pays africains. Et pourtant, si c'est un sujet que le cinéma mondial aborde largement, et peu à peu malgré tout aussi les cinémas d'Afrique, c’est qu’il touche à la différence et donc aux relations avec « ce qui n’est pas moi ». Car qui veut habiter le monde, habite avec tous ceux qui le peuplent. Le risque serait de laisser sous-entendre que l'homosexualité est une anomalie, ce qui ouvre aux exclusions et aux violences que l'on connaît.

C'est dans ce dilemme que se débat Fatima, elle qui, asthmatique, doit apprendre à respirer. Nadia Melliti lui confère une remarquable présence, qui a tellement frappée le jury cannois qu'elle a reçu, récompense suprême, le prix de la meilleure interprétation féminine alors que c'est son premier rôle au cinéma. Elle est servie par l'économie des dialogues, la musique d’Amine Bouhafa et la douce sobriété de la mise en scène d'Hafsia Herzi. La quotidienneté des scènes de famille et une caméra toujours très proche et à l'épaule la rend très réelle, ainsi que son environnement. La passion de Fatima pour le foot y contribue aussi et la façon de la filmer en solo lui confère une part de mystère qui donne encore davantage d'épaisseur à un personnage qui se fait régulièrement reprocher de ne pas être assez féminine.

Il ne s'agit pas de percer le mystère mais de vivre avec. Rien n'est forcé, pathétique ou excessif. C'est cette volonté de laisser Fatima convaincre par elle-même, hors de tout discours asséné ou de scénario persuasif, avec aussi bien sa rage que ses incertitudes, qui fait davantage de ce film une ouverture qu'une démonstration. Tant et si bien que le film répond à la mission qu'il se donne : la tolérance et l’inclusion.


La Petite Dernière
La Petite Dernière Bande-annonce VF

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