Le nouveau rapport sur le Smic choque : 6 salariés sur 10 au minimum sont des femmes, et les écarts se creusent encore

Publié le 30 octobre 2025 par Golem13 @Golem_13

Le Smic a grimpé de 2 % au 1ᵉʳ novembre 2024, atteignant 11,88 € brut de l’heure. Un an plus tard, la Dares publie enfin son bilan : 2,2 millions de salariés ont été concernés, mais les écarts entre femmes, petites entreprises et grandes structures se creusent.

Sur le papier, tout va bien : le salaire minimum progresse, le pouvoir d’achat résiste. Mais les chiffres racontent autre chose. En réalité, moins de salariés touchent le Smic qu’avant, preuve d’une inflation en recul mais aussi d’un marché du travail plus fracturé. Les TPE restent massivement concernées, le temps partiel domine, et les femmes en première ligne.Le Smic, baromètre social de la France, continue d’illustrer ses paradoxes.

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Une hausse de 2 %… mais un effet limité

Le Smic brut horaire est passé de 11,65 € à 11,88 € le 1ᵉʳ novembre 2024, soit une hausse de 2 %. Le gouvernement avait choisi d’anticiper la revalorisation habituelle du 1ᵉʳ janvier pour redonner un peu d’air aux ménages modestes, dans un contexte où les prix commençaient à se stabiliser. Selon la Dares, environ 2,2 millions de salariés ont directement profité de cette hausse, soit 12,4 % des travailleurs du privé (hors agriculture). Un chiffre en baisse : ils étaient encore 14,6 % en janvier 2024. Autrement dit, moins de Français sont au Smic… mais ceux qui le touchent y restent durablement.

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Les petites entreprises, toujours en première ligne

Dans les très petites entreprises (TPE), la hausse a eu un impact majeur : 19,4 % des salariés y sont rémunérés au Smic. C’est presque le double du taux observé dans les grandes sociétés (10,8 %). Et ce n’est pas un hasard : les TPE du commerce, de la restauration ou des services à la personne dépendent encore fortement du salaire minimum pour recruter.

Taille d’entreprise Part de salariés au Smic Part de femmes Temps partiel

1 à 9 salariés 19,4 % 54,4 % 26,4 %

10 à 49 salariés 12,9 % 61,9 % 29,4 %

100 à 499 salariés 11,4 % 65,5 % 25,3 %

500 salariés et + 8,3 % 71,5 % 18,6 %

Les écarts sont flagrants : plus l’entreprise est petite, plus le Smic structure les salaires. Mais pour ces patrons, la hausse n’est pas anodine : elle grève les marges, pousse à l’automatisation, voire au non-remplacement de certains postes.

Les femmes, grandes perdantes du système

Sur les 2,2 millions de bénéficiaires, près de 1,3 million sont des femmes, soit 59,2 % du total. Ce chiffre, en hausse de 2,2 points sur un an, illustre une réalité : les femmes restent surreprésentées dans les emplois précaires et à temps partiel. Des secteurs comme la santé, la vente, la propreté ou l’aide à domicile concentrent une majorité de Smicardes.

Certaines branches affichent même des taux record :

  • Chimie-pharmacie : 84 % de femmes parmi les bénéficiaires ;
  • Bureaux d’études : 66 % ;
  • Hôtellerie-restauration : 62 %.

La hausse du Smic ne gomme pas ces inégalités : elle les rend simplement plus visibles.

Le piège du temps partiel

La fracture la plus criante, c’est celle du temps de travail. Selon la Dares, un quart des salariés à temps partiel (24,5 %) touchent le Smic, contre 9,6 % des salariés à temps complet. Autrement dit, les travailleurs à temps réduit, souvent des femmes, sont 2,5 fois plus nombreux à dépendre du salaire minimum. Et derrière les chiffres, il y a des vies : des vendeuses qui enchaînent deux emplois, des caissières à 28 h par semaine, des aides à domicile payées à la mission. Le Smic leur offre un plancher… mais pas un revenu décent. Et si la revalorisation améliore un peu le quotidien, elle ne compense pas la perte liée au manque d’heures.

Les écarts entre secteurs restent abyssaux

Tous les métiers ne sont pas logés à la même enseigne. D’après les statistiques de la Dares, 21 secteurs sur 22 voient la part de salariés au Smic baisser entre 2024 et 2025. Une seule exception : l’hôtellerie-restauration, où la pénurie de main-d’œuvre pousse les employeurs à ajuster les grilles salariales.

Branche professionnelle Part de salariés au Smic Part à temps partiel

Commerce alimentaire 35,5 % 49,2 %

Services à la personne 53,6 % 58,0 %

Restauration rapide 56,3 % 61,0 %

Banques et assurances 1,2 % 2,8 %

Métallurgie et sidérurgie 2,1 % 3,4 %

Deux France coexistent : celle des emplois de services essentiels, mal payés, où le Smic reste la norme, et celle des secteurs industriels et financiers, où il est un souvenir lointain.

Pourquoi le gouvernement a devancé la hausse

Normalement, la revalorisation du Smic intervient chaque 1ᵉʳ janvier, calculée selon l’inflation et l’évolution des salaires ouvriers. Mais en octobre 2024, le gouvernement a décidé de l’avancer au 1ᵉʳ novembre, anticipant une hausse de 2 %. L’objectif ? Donner un coup de pouce symbolique avant l’hiver, au moment où la hausse de l’énergie et des loyers pesait sur les foyers modestes. Cette décision politique a aussi permis d’éviter une double hausse rapprochée (novembre puis janvier) qui aurait compliqué les grilles salariales dans les entreprises.

Résultat : une seule hausse, mais un message clair envoyé à l’opinion publique “le pouvoir d’achat reste une priorité”.

Des inégalités territoriales bien ancrées

La géographie du Smic reste très contrastée. Dans l’Ouest et le Sud, Bretagne, Pays de la Loire, Occitanie, les emplois saisonniers et de services maintiennent des taux élevés de Smicards. En revanche, dans des régions plus industrialisées comme l’Île-de-France ou l’Auvergne-Rhône-Alpes, la part de salariés au minimum légal est bien plus faible. Ces écarts reflètent le déséquilibre économique du pays : là où l’activité est concentrée sur des emplois qualifiés, le Smic joue peu. Mais dans les territoires ruraux ou touristiques, il reste le socle du marché du travail.

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Le Smic, toujours un symbole plus qu’une solution

Pour les 2,2 millions de salariés concernés, la hausse de 2 % représente à peine 35 € nets de plus par mois. Un petit coup de pouce, certes, mais pas de quoi bouleverser le quotidien. Le vrai enjeu, soulignent les syndicats, est ailleurs : aligner les minima de branches et garantir des progressions salariales réelles. Car le Smic reste un thermomètre, pas un remède. Il indique la température sociale du pays et pour l’instant, le baromètre reste dans le rouge. Sans revalorisation des métiers “de l’ombre”, la France du Smic risque de s’enliser dans la précarité.

Source : Rapport DARES