En 1969, John Lennon enregistre « Give Peace a Chance », devenu un hymne pacifiste, lors d’un bed-in à Montréal. Pourtant, la chanson est créditée Lennon/McCartney, bien que Paul n’y ait joué aucun rôle. Cette signature résulte d’un pacte tacite entre les deux artistes, que Lennon regrettera plus tard, estimant qu’il aurait dû créditer Yoko Ono. Malgré ces tensions, McCartney interprétera le morceau en hommage à Lennon après son assassinat en 1980.
Lorsqu’on évoque la fin des Beatles, l’image d’une séparation douloureuse et teintée de rancœurs vient immédiatement à l’esprit. L’un des plus grands duos de l’histoire de la musique, Lennon-McCartney, s’est délité au fil des années, non seulement sous le poids des tensions personnelles mais aussi en raison de trajectoires artistiques de plus en plus divergentes. En 1969, alors que les Fab Four touchaient à leur crépuscule, John Lennon enregistrait une chanson qui allait devenir l’un des plus grands hymnes pacifistes du XXe siècle : Give Peace a Chance. Pourtant, malgré sa genèse indiscutablement solitaire, ce titre est officiellement crédité à Lennon et McCartney. Une anomalie que l’ancien leader des Beatles regrettera publiquement.
La naissance d’un hymne pacifiste
À la fin des années 1960, John Lennon se détourne progressivement de la dynamique collective des Beatles pour s’engager dans une voie plus personnelle et militante. Aux côtés de Yoko Ono, il devient l’un des artistes les plus impliqués dans la contestation politique et la promotion de la paix. C’est dans ce contexte que naît Give Peace a Chance, au cœur de l’un des célèbres « bed-ins » organisés par le couple.
Après un premier événement médiatisé à Amsterdam, Lennon et Ono souhaitent prolonger leur action en Amérique, mais une condamnation pour possession de drogue empêche le chanteur d’entrer aux états-Unis. Qu’à cela ne tienne : ils s’installent à Montréal, dans la suite 1742 de l’Hôtel Reine élizabeth, où ils accueillent journalistes, militants et personnalités du monde artistique. C’est là que, sous l’impulsion d’un échange spontané avec un journaliste, la phrase « Just give peace a chance » surgit. Lennon s’en empare immédiatement comme d’un slogan, puis en fait une chanson enregistrée dans la foulée avec les invités présents, parmi lesquels Allen Ginsberg, Timothy Leary et Petula Clark.
Une signature convenue, mais sans fondement
En dépit de l’évidence de sa paternité exclusive, la chanson sort sous le crédit Lennon/McCartney. Pourquoi Paul McCartney, qui n’a jamais été impliqué dans cette création, y est-il mentionné ? La réponse se trouve dans une vieille convention tacite entre les deux compositeurs. « Je ne l’ai pas écrite avec Paul, mais par culpabilité, nous avions ce pacte selon lequel nos noms apparaîtraient toujours ensemble sur nos chansons, même si l’un de nous n’y avait joué aucun rôle », expliquera plus tard John Lennon au journaliste David Sheff.
Cette entente, née à l’adolescence, visait à solidifier leur partenariat musical en mettant l’accent sur leur collaboration plutôt que sur leurs contributions individuelles. Toutefois, avec le temps et les tensions croissantes entre les deux hommes, ce compromis s’est avéré pesant. Lennon, bien que fidèle à cet engagement, admettra que la mention de McCartney sur Give Peace a Chance était « une bêtise » et qu’il aurait dû, à la place, créditer Yoko Ono.
Une reconnaissance tardive et un hommage posthume
Si Lennon a regretté cette décision, il est intéressant de noter que McCartney, de son côté, ne revendiquera jamais la moindre implication dans ce titre. Mieux encore, bien après l’assassinat de Lennon en 1980, il choisira d’interpréter Give Peace a Chance lors de certains de ses concerts, en hommage à son ancien partenaire. Un geste qui témoigne d’un respect indéfectible, malgré les querelles et les rancœurs qui ont jalonné la fin de leur collaboration.
L’histoire de Give Peace a Chance illustre à merveille la complexité de la relation entre Lennon et McCartney. D’un côté, un engagement juvénile à ne jamais dissocier leurs noms ; de l’autre, l’affirmation progressive de deux visions artistiques qui, avec le temps, n’avaient plus grand-chose en commun. Mais au-delà des divergences et des désaccords, cette chanson rappelle que l’héritage de leur duo transcende les disputes : qu’il soit écrit par l’un ou par l’autre, le message demeure, indélébile et universel.