Révélation explosive : le trésor caché de Wings enfin dévoilé !

Publié le 09 novembre 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

One Hand Clapping, sorti en 2024, révèle l’enregistrement live-in-studio inédit de Wings, réalisé en 1974-1975 à Abbey Road. Véritable capsule temporelle, l’album offre un Paul McCartney en quête de renouveau, mêlant énergie brute et cohésion du groupe. Bootlegs, interviews et restaurations en 4K dévoilent tensions, complicité et moments intimes d’une époque charnière du rock, entre succès retentissant et doutes artistiques.


La découverte de One Hand Clapping en 2024 apparaît comme l’un des événements les plus singuliers dans la discographie de Paul McCartney. Cet album live-in-studio, qui dormait dans les coffres depuis près d’un demi-siècle, est enfin édité en version officielle, accompagné de sa restauration filmique en 4K. Longtemps considéré comme un document mythique et largement diffusé sous le manteau par les collectionneurs, One Hand Clapping témoigne d’une époque charnière pour Wings, juste après la sortie de Band on the Run et alors que Paul McCartney, entouré de nouveaux musiciens, cherche à solidifier l’identité de son groupe. Pour comprendre comment ce projet a vu le jour, pourquoi il est resté inédit si longtemps et ce qu’il révèle de la dynamique interne de Wings, il faut revenir à la fois sur son contexte d’enregistrement, son contenu musical et son importance historique pour l’œuvre post-Beatles de McCartney.

Sommaire

  • Le contexte de 1974 : Wings à la croisée des chemins
  • La genèse d’un “rockumentaire”
  • Des séances intenses à Abbey Road
  • Des retouches supplémentaires jusqu’en 1975
  • Un statut mythique de “lost album”
  • La sortie officielle de l’album en 2024
  • Un contenu riche et hétéroclite
  • Une tonalité et un jeu collectif révélateurs
  • De la légende au grand écran : la remasterisation 4K
  • Les critiques et l’accueil du public en 2024
  • La portée historique de
  • One Hand Clapping
  • La valeur d’un document “live-in-studio”
  • La trace d’un groupe éphémère, avant de nouveaux horizons
  • Un héritage enfin révélé

Le contexte de 1974 : Wings à la croisée des chemins

En août 1974, Band on the Run caracole encore en tête des charts britanniques. L’album, paru en décembre 1973, constitue pour Paul McCartney une revanche éclatante après les déconvenues de la période Wild Life et le départ brutal de deux membres de Wings (le guitariste Henry McCullough et le batteur Denny Seiwell) juste avant l’enregistrement à Lagos. Or, malgré le succès retentissant de Band on the Run, McCartney est conscient qu’il doit consolider la formation de son groupe pour pouvoir envisager l’avenir sereinement. Il recrute alors le guitariste Jimmy McCulloch, connu pour sa virtuosité et son passage chez Stone the Crows, ainsi que le batteur Geoff Britton, issu de la scène rock’n’roll britannique (il a notamment joué avec The Wild Angels).

Au moment où s’ouvre l’été 1974, McCartney, sa compagne Linda, Denny Laine (le seul survivant, avec Linda et Paul, de la mouture précédente de Wings), McCulloch et Britton reviennent d’un séjour à Nashville. Là-bas, ils ont enregistré le single «Junior’s Farm» et sa face B «Sally G». Galvanisés par cet élan créatif, ils décident de se retrouver à Abbey Road, le mythique studio londonien, pour une expérience inédite : filmer et enregistrer, en prise quasi directe, un ensemble de chansons qui pourrait devenir un futur album ou un documentaire télévisé. Ce projet, baptisé One Hand Clapping, va les occuper du 26 au 30 août 1974, avant d’autres séances complémentaires en octobre de la même année, puis en janvier 1975 à la Nouvelle-Orléans.

La genèse d’un “rockumentaire”

L’idée d’accompagner l’enregistrement par une captation visuelle prend forme grâce au réalisateur David Litchfield. Son rôle consiste à filmer ces cinq musiciens – Paul, Linda, Denny, Jimmy et Geoff – en pleine action, mais aussi à recueillir leurs témoignages à travers des interviews ponctuelles. Le concept s’apparente à une “rockumentary”, un documentaire musical montrant à la fois l’énergie du live et la vie d’un groupe en studio. Pour Paul McCartney, qui a connu l’immense succès des Beatles, la démarche comporte un double enjeu. D’une part, il veut démontrer que Wings est une véritable entité collective, capable de jouer “en direct” avec solidité. D’autre part, il cherche à documenter la transition entre l’âge d’or des Beatles et cette nouvelle aventure post-Beatles, avec tout ce que cela implique de doutes et d’enthousiasme créatif.

La caméra de Litchfield enregistre donc des performances, des répétitions et des apartés. Geoff Britton, le nouveau batteur, s’exprime avec franchise sur son envie de produire “un album monstre” avec Paul et d’être reconnu pour son jeu. Jimmy McCulloch, quant à lui, souligne la difficulté pour Paul d’avoir quitté les Beatles et de se retrouver à devoir reconstruire sa confiance artistique. Denny Laine, ex-Moody Blues, compare son propre parcours à celui de McCartney : tous deux ont quitté un groupe à succès et comprennent la nécessité de tourner la page. Linda McCartney, fidèle soutien de Paul, aborde son rôle de musicienne dans Wings, expliquant que, sur certains titres, elle se contente de suivre les directives de son mari, tandis que sur d’autres, elle apporte ses idées et ses accords. Paul, enfin, insiste sur l’aspect “famille” et la convivialité : prendre un thé ensemble, se lancer dans une chanson à plusieurs, recréer l’effervescence d’un groupe soudé.

Des séances intenses à Abbey Road

La majeure partie des captations a lieu à Abbey Road Studio Two, du 26 au 30 août 1974. Le planning est chargé : il s’agit de filmer et enregistrer un répertoire varié, allant des titres récents de Wings à des classiques des Beatles ou encore à des standards du rock’n’roll. Dès le 26 août, le groupe se lance dans des interprétations de «Jet», «Let Me Roll It», «Junior’s Farm», «My Love», «C Moon/Little Woman Love» et «Maybe I’m Amazed». Ces séances ont un rythme proche d’un concert, chacun jouant son rôle comme sur scène, avec parfois des overdubs réalisés ultérieurement. Le 27 août, c’est au tour de «Band On The Run», «Wild Life», «Hi, Hi, Hi», «Live And Let Die», «Soily», «Go Now», «Blue Moon Of Kentucky» et «Bluebird» d’être gravés sur bande et filmés.

L’ambiance est créative, mais aussi studieuse. Ce qui frappe, dans ces témoignages, c’est la synergie retrouvée de Wings. Paul tient toujours la basse, le piano ou la guitare acoustique, selon les besoins, alors que Linda jongle entre Moog, Mellotron et chœurs. Denny Laine assure des guitares additionnelles, du chant, et Jimmy McCulloch injecte sa touche de virtuosité rock. Geoff Britton, à la batterie, apporte une frappe solide, teintée de rock’n’roll pur. Certains intervenants extérieurs se joignent à la session, notamment l’arrangeur et chef d’orchestre Del Newman pour les parties orchestrales, ou le saxophoniste Howie Casey, déjà familier de l’univers McCartney, qui apparaîtra par la suite sur les tournées de Wings. Le 28 août, l’équipe filme ce que l’on appelle «Paul’s Cabaret Sequence» : une captation plus scénarisée, sans réelle performance de groupe, montrant Paul au piano ou dialoguant avec les autres membres.

Les 29 et 30 août sont consacrés aux overdubs de certains morceaux, comme «My Love» ou «Band On The Run». Mais la partie la plus inattendue survient le dernier jour, quand Wings investit la cour arrière d’EMI pour une jam session informelle. Là, McCartney sort quelques perles inattendues : «Blackpool», «Twenty Flight Rock», «Peggy Sue», «I’m Gonna Love You Too», «Sweet Little Sixteen». L’ambiance se veut décontractée, presque potache. D’autres chansons, comme «Blackbird», «Country Dreamer», «Cumberland Gap» et «Rock Island Line», font surface, même si certaines ne figurent pas sur l’édition finale de l’album. Ce final, surnommé “The Backyard”, capte l’énergie brute et la spontanéité de McCartney lorsqu’il replonge dans des standards du rock des années 1950 ou dans ses compositions plus folk.

Des retouches supplémentaires jusqu’en 1975

Même si la plupart des performances sont bouclées en août 1974, Wings retourne à Abbey Road en octobre pour peaufiner quelques pistes : on parle de dates précises, les 1er, 8 et 9 octobre, durant lesquelles le groupe enregistre des éléments additionnels. Enfin, en janvier 1975, Paul se rend à Sea-Saint Studios en Nouvelle-Orléans pour finaliser certains overdubs. Cette longue post-production a un double objectif : affiner la qualité sonore pour une éventuelle sortie d’album et compléter le film avec du contenu à la fois musical et narratif.

Cependant, la concrétisation de One Hand Clapping en tant que produit fini bute sur plusieurs freins. Les chaînes de télévision ne se précipitent pas pour diffuser le documentaire. Paul lui-même, absorbé par d’autres projets (le single «Junior’s Farm», la préparation de l’album Venus and Mars à la Nouvelle-Orléans, etc.), ne place plus One Hand Clapping en tête de ses priorités. Le “rockumentaire” tombe peu à peu dans l’oubli, bien que des rumeurs circulent sur l’existence de ces bandes vidéo et audio inédites. Au fil des décennies, certains extraits apparaissent sur des bootlegs, alimentant la curiosité des fans. Des morceaux épars – notamment «Soily» ou «Baby Face» – referont surface sous forme de bonus sur certaines rééditions ultérieures.

Un statut mythique de “lost album”

Entre 1975 et 2010, One Hand Clapping nourrit un véritable culte parmi les inconditionnels de Paul McCartney. Les collectionneurs échangent des cassettes pirates où figurent des extraits vidéo de mauvaise qualité ou des enregistrements partiels. Certains “imports” non officiels proposent une vision fragmentaire de ce que pourrait être l’album. En parallèle, la carrière de McCartney suit son cours : Wings enchaîne Venus and Mars (1975), Wings at the Speed of Sound (1976), la tournée Wings Over the World, etc. Les rares commentaires de Paul sur One Hand Clapping laissent entendre qu’il a toujours apprécié l’idée, mais que la sortie ne s’est pas concrétisée pour des raisons de timing et de frilosité des diffuseurs. Denny Laine mentionne parfois l’existence du film et loue le caractère direct de ces sessions, qui montraient selon lui «un vrai groupe au travail, capable de prouesses sur scène et en studio».

En 2010, McCartney lance la Paul McCartney Archive Collection, une série de rééditions luxueuses de ses albums classiques. La toute première publication de cette collection concerne Band on the Run. à cette occasion, un DVD bonus propose un montage partiel du film One Hand Clapping, dévoilant enfin des images de 1974 en haute définition (du moins pour l’époque). Plusieurs performances iconiques y figurent, comme «One Hand Clapping» (la chanson éponyme inédite), «Jet», «Soily», «C Moon/Little Woman Love», «Maybe I’m Amazed», «Nineteen Hundred and Eighty Five», ou encore un medley entre «The Long and Winding Road» et «Lady Madonna». Le public découvre alors la qualité des interprétations et la cohésion inattendue de Wings, bien que l’aspect documentaire demeure tronqué.

La sortie officielle de l’album en 2024

Il faut attendre le 14 juin 2024 pour que l’intégralité de One Hand Clapping reçoive une parution officielle en CD, vinyle et version numérique. C’est un événement majeur : quarante-neuf ans après son enregistrement, Wings sort enfin cet opus live-in-studio. L’édition standard est proposée en double CD ou double LP, tandis qu’une version numérique est mise à disposition en streaming, accompagnée d’un mix Dolby Atmos réalisé par Giles Martin et Steve Orchard. Pour les collectionneurs, une édition spéciale vinyle en ligne inclut un 7 pouces bonus intitulé “The Backyard” : six morceaux captés dans la cour d’Abbey Road lors de la dernière journée d’août 1974, dont «Blackpool», «Twenty Flight Rock», «Peggy Sue» et «I’m Gonna Love You Too». On y retrouve également «Blackbird» et «Country Dreamer», captant un Paul détendu, comme s’il jouait devant quelques amis.

Afin de maximiser l’impact de cet événement, McCartney et son équipe annoncent en août 2024 que le film One Hand Clapping a été remasterisé en 4K. Il sort en salles le 26 septembre 2024, permettant aux fans de découvrir sur grand écran la formation de Wings au sommet de son art, dans une période où le groupe cherche encore ses marques mais fait preuve d’une belle énergie scénique. Les images, désormais nettes et colorisées avec soin, rendent justice à l’esthétique des années 1970. Les commentaires de Paul, Linda, Denny, Jimmy et Geoff revêtent une dimension quasi historique, comme une tranche de vie rock saisie sur le vif.

Un contenu riche et hétéroclite

Du point de vue strictement musical, One Hand Clapping s’étale sur un large spectre, combinant des tubes de Wings, quelques clins d’œil aux Beatles et des reprises vintage. Certains classiques de la discographie de Paul brillent tout particulièrement :

«Jet» bénéficie d’une interprétation énergique, dans la lignée de Band on the Run.
«Soily» s’impose comme un morceau fétiche pour les concerts de Wings (il deviendra plus tard un favori sur scène).
«Maybe I’m Amazed», originellement sorti sur l’album McCartney (1970), fait figure de ballade phare, avec un solo de guitare mis en valeur.
«My Love», dédié à Linda, retrouve la douceur orchestrale qui avait marqué le public sur Red Rose Speedway (1973).
«Band on the Run», «Nineteen Hundred and Eighty Five» et «Live and Let Die» rappellent la dynamique pop-rock qui propulsera Wings au rang de groupe majeur des années 1970.

à cela s’ajoutent des moments plus rares ou inédits, comme «One Hand Clapping» (chanson-titre méconnue), «All Of You» et «I’ll Give You A Ring», interprétations spontanées qui dévoilent la volonté de McCartney de tester du nouveau matériel. S’y glissent aussi des délires plus courts : «Baby Face», standard des années 1920 revisité, ainsi qu’une version improvisée de «Love My Baby». Les fans de rock’n’roll traditionnel apprécieront la reprise de «Blue Moon Of Kentucky», tandis que les curieux se délecteront d’extraits inattendus tels que «Power Cut», segment dont la durée n’excède pas la minute et demie. La dimension Beatles est évoquée via «Let It Be», «The Long and Winding Road» et «Lady Madonna», en medley parfois écourté, comme si McCartney voulait rappeler son héritage sans pour autant y consacrer l’essentiel du spectacle.

En fin de disque, on trouve les compositions enregistrées post-Nashville, «Junior’s Farm» et «Sally G», s’inscrivant dans un style country-rock, témoignage de l’influence de la scène américaine sur McCartney à ce moment-là. Enfin, le répertoire s’achève sur quelques titres extraits de l’album Wild Life («Tomorrow», «Wild Life») et l’hymne rock «Hi, Hi, Hi», interdit de diffusion à sa sortie au Royaume-Uni pour cause de paroles jugées trop suggestives.

Une tonalité et un jeu collectif révélateurs

Ce qui frappe l’auditeur, en se plongeant dans One Hand Clapping, c’est l’ambiance de performance “live” qui s’en dégage, tout en restant dans un cadre de studio. Wings y sonne comme un groupe rodé, avec un jeu collectif resserré, fruits des tournées régulières et des nombreuses répétitions. Les interventions de Geoff Britton à la batterie, plus rock’n’roll que celles de son prédécesseur Denny Seiwell, apportent du punch. Linda McCartney, souvent reléguée au second plan par la critique, trouve ici un bel espace pour poser des chœurs et jouer sur divers claviers (Moog, Mellotron, piano électrique), soulignant la texture sonore propre à Wings. Denny Laine, guitariste et chanteur, harmonise parfaitement avec McCartney sur des titres comme «Bluebird». Jimmy McCulloch, dont la réputation de guitariste virtuose grandit, fait preuve de finesse rythmique, en particulier sur «Maybe I’m Amazed» ou «Band on the Run».

Les interviews intégrées à la bande son (et au film) donnent par ailleurs un aperçu de la dynamique interne. Jimmy évoque la difficulté de succéder à la légende Beatles, tout en se souvenant de sa propre expérience à devoir réapprendre la célébrité. Denny Laine rappelle qu’après le succès des Moody Blues («Go Now»), il comprend les doutes de Paul à tenir la barre d’un nouveau projet ambitieux. Geoff Britton confie qu’il rêve de concrétiser tout cela sur un grand album, et qu’il est fier du résultat. Linda, quant à elle, insiste sur le plaisir de travailler en équipe. Le spectateur/auditeur ressent la complicité naissante, mais également certaines tensions sous-jacentes (qui s’exacerberont plus tard, lorsque Britton quittera Wings durant les sessions de Venus and Mars). One Hand Clapping capture donc un moment d’équilibre fragile, où la cohésion paraît au beau fixe malgré les différences de personnalité.

De la légende au grand écran : la remasterisation 4K

Après un long purgatoire, le film sort enfin le 26 septembre 2024 en version restaurée, projetée dans certains cinémas. Les extraits mis à disposition en 2010 dans le cadre de l’Archive Collection de Band on the Run laissaient entrevoir une image vieillie, mais déjà précieuse. Désormais, en 4K, la colorimétrie est retravaillée, le grain d’origine conservé pour préserver l’atmosphère vintage, et la bande sonore a été remixée avec soin par Giles Martin et Steve Orchard. Le public redécouvre l’intimité du Studio Two d’Abbey Road, ce même lieu où les Beatles enregistrèrent Please Please Me en 1963. Comme le souligne l’une des notes humoristiques de Paul dans le livret, le studio n’aurait plus été repeint depuis cette époque pour ne pas “ruiner l’acoustique”.

Sur grand écran, on voit le chien Poppy, mentionné dans les notes de 2024, qui se balade sans vraiment participer, ou encore Del Newman, chef d’orchestre, diriger un petit ensemble orchestral. Howie Casey, saxophoniste, s’amuse à ponctuer les prises d’un phrasé jazz-rock. On aperçoit même Linda, rire aux éclats, racontant comment elle s’approprie parfois les parties de claviers proposées par Paul. L’ensemble constitue une capsule temporelle unique, prise sur le vif à une époque où Wings ne jouissait pas encore de la reconnaissance définitive de la presse, mais où le groupe commence à aligner des succès massifs. On est en plein cœur des années 1970, dans un Londres encore teinté de la culture hippie, avant l’explosion punk de la fin de la décennie.

Les critiques et l’accueil du public en 2024

à sa sortie, One Hand Clapping reçoit un accueil critique globalement enthousiaste. Le public salue la découverte d’un enregistrement authentique, qui met en valeur la force scénique de Wings. L’Associated Press parle d’une “excellente photographie d’un McCartney post-Beatles en plein élan créatif, appuyé par une cohésion de groupe remarquable”. Certains remarquent cependant l’omniprésence de claviers, voire de synthétiseurs, ce que Linda justifie dans les interviews de l’époque en expliquant qu’ils cherchaient à enrichir la palette sonore de Wings. D’autres, à l’instar de Tom Doyle (auteur de la biographie Man on the Run: Paul McCartney in the 1970s), soulignent l’étrange paradoxe : le film capte la bonne entente musicale, mais laisse entrevoir les divergences personnelles qui n’ont pas tardé à émerger dans la foulée. Le batteur Geoff Britton, par exemple, quittera la formation lors des sessions de Venus and Mars en 1975, remplacé par Joe English. Il n’empêche, sur One Hand Clapping, le travail collectif se révèle solide.

Sur le plan commercial, l’album se hisse de façon discrète dans les charts, atteignant parfois le top 10 dans certains pays européens, sans pour autant devenir un best-seller comparé aux sorties contemporaines. Les fans de longue date s’empressent d’acheter ce “nouvel” enregistrement, fascinés par l’idée de posséder enfin cette pièce manquante du puzzle Wings. Les nouvelles générations, elles, découvrent un Paul McCartney en pleine force vocale, oscillant entre un répertoire Beatles hérité et une écriture pop-rock plus musclée, caractéristique des années 1970.

La portée historique de

One Hand Clapping

Près d’un demi-siècle après son enregistrement, One Hand Clapping s’impose désormais comme un témoignage crucial pour appréhender l’évolution artistique de Paul McCartney. Au-delà des anecdotes sur l’équipe qui boit du thé et rigole entre deux prises, on découvre une volonté farouche de prouver que Wings est un vrai groupe, non une simple émanation tardive d’un ex-Beatle. C’est à cette époque que McCartney retrouve une forme de confiance scénique, celle qui l’amènera à entreprendre la tournée Wings Over the World (1975-1976) et à remplir des arènes mondiales. One Hand Clapping montre un McCartney déterminé à jouer sa musique en direct, à la défendre sans artifices devant la caméra, tout en restant conscient de l’héritage Beatles qui pèse sur lui.

L’album lui-même, s’il n’a pas la cohérence d’un concept ou la fluidité d’un enregistrement studio classique, offre une polyvalence unique : du rock musclé avec «Hi, Hi, Hi» ou «Soily», des envolées pop avec «Band on the Run» ou «Jet», des ballades poignantes comme «Maybe I’m Amazed» ou «My Love», plus quelques reprises qui ancrent McCartney dans la tradition du rock’n’roll des fifties. En ce sens, One Hand Clapping cristallise la pluralité du langage musical de McCartney, capable de passer d’un tube radiophonique à un jam rock improvisé, ou de glisser un clin d’œil nostalgique au catalogue des Beatles.

Les entretiens filmés rappellent enfin combien la période post-Beatles fut émotionnellement complexe pour McCartney. L’album s’ouvre (et tire son nom) d’une chanson inédite, «One Hand Clapping», quasi symbolique : un titre qui renvoie à l’idée d’un seul musicien cherchant l’écho d’un public, la quête d’une légitimité. Jouer dans un grand groupe comme les Beatles et se retrouver à devoir rebâtir un univers avec Wings suscite une forme de vulnérabilité, mais aussi une soif de renouveau. One Hand Clapping en est la preuve vivante, montrant un Paul apaisé dans l’enceinte d’Abbey Road, entouré de proches collaborateurs, souhaitant partager un moment musical au naturel.

La valeur d’un document “live-in-studio”

De manière plus globale, la parution de One Hand Clapping enrichit la tradition des enregistrements “live-in-studio”, ces albums témoignant du son d’un groupe capté quasiment tel quel, sans les fastidieuses retouches souvent associées aux productions de l’époque. On pense à d’autres groupes qui, à la même période, s’amusaient à enregistrer dans des conditions proches du concert (The Who, par exemple, ou certains groupes de rock progressif). Le fait que McCartney, l’un des architectes du son Beatles, se livre à cet exercice en 1974, alors même qu’il aurait pu se reposer sur une production léchée, atteste d’une envie d’authenticité. C’est là toute la force de One Hand Clapping. Les erreurs, les approximations, les petites tensions apparaissent au grand jour. Mais l’on y gagne en spontanéité, en proximité avec la réalité du jeu collectif.

Cette démarche fait également écho à l’importance de Geoff Emerick, ingénieur du son des Beatles, que l’on retrouve derrière les consoles à Abbey Road. Son expertise permet d’obtenir une prise directe de grande qualité, malgré le défi de filmer simultanément. Emerick, en 1974, reste un allié précieux de McCartney, veillant à ce que l’équilibre sonore soit satisfaisant. Les mixages de l’époque sont en grande partie demeurés non finalisés, jusqu’à ce que Steve Orchard et Giles Martin reprennent le flambeau pour la version 2024, peaufinant l’ensemble, tout en respectant l’esprit originel.

La trace d’un groupe éphémère, avant de nouveaux horizons

Quelques mois après One Hand Clapping, Wings se lance dans l’enregistrement de Venus and Mars (1975) à la Nouvelle-Orléans. Geoff Britton quitte la formation en plein milieu des sessions, remplacé par Joe English. Jimmy McCulloch reste jusqu’en 1977, mais repart ensuite pour intégrer les Small Faces réformés. Entre-temps, Wings enchaîne des tournées triomphales et atteint le sommet avec des titres tels que «Silly Love Songs» ou «Mull of Kintyre». Vu sous cet angle, One Hand Clapping apparaît comme le portrait d’un groupe dans sa configuration la plus courte (1974-1975), capturé à un instant précis : les musiciens y semblent unis, souriants, confiants en l’avenir, avant que la réalité ne rattrape la sphère collective.

En définitive, l’album se lit autant comme un aboutissement (celui de Band on the Run, qui culmine dans les classements) que comme une transition vers l’aventure suivante (l’exploration de nouvelles sonorités, la volonté d’enregistrer ailleurs qu’à Londres, l’expansion scénique). Les fans d’aujourd’hui, quand ils écoutent «Hi, Hi, Hi» ou «Wild Life» dans le cadre de One Hand Clapping, entendent un groupe mûr pour partir sur les routes mondiales et conquérir un public de plus en plus large. D’un point de vue historique, cette session prouve que Wings maîtrisait un répertoire déjà conséquent, tout en préparant l’arrivée d’autres morceaux iconiques à venir.

Un héritage enfin révélé

L’édition complète de One Hand Clapping, publiée en 2024, offre désormais la possibilité d’apprécier l’ensemble des performances dans un ordre cohérent. La division en deux disques rassemble, d’un côté, les pièces phares, de «Jet» à «Baby Face», et de l’autre, un second volet où figurent «Let Me Roll It», «Blue Moon of Kentucky», «Junior’s Farm», «Go Now», «Wild Life» ou «Hi, Hi, Hi». Le tout totalise près d’une centaine de minutes, complétées par le 7 pouces «The Backyard» pour ceux qui optent pour la version vinyle exclusive. Cette matérialisation physique comble une lacune dans la discographie de Paul McCartney : jusque-là, aucun album ne fixait sur bande le “live” de Wings à l’été 1974. Grâce à ce témoignage, la transition entre Band on the Run et les projets ultérieurs s’éclaire sous un jour nouveau.

Les critiques, dans l’ensemble, saluent la facture sonore et la vivacité de l’interprétation. Certains regrettent qu’il n’ait pas vu le jour à l’époque, imaginant l’impact qu’aurait pu avoir un tel disque dans le courant des années 1970. D’autres estiment qu’il est peut-être plus apprécié aujourd’hui, à l’heure où la redécouverte des archives et la culture du “lost album” suscitent une curiosité accrue. Quoi qu’il en soit, One Hand Clapping confirme qu’il y avait, chez Wings, un potentiel scénique sous-exploité. Pour McCartney, cette publication tardive est un hommage à sa propre persévérance et à la mémoire de Linda, toujours présente à ses côtés, ainsi qu’à celles de musiciens comme Jimmy McCulloch, disparu prématurément en 1979.

Si la tournée prévue pour promouvoir One Hand Clapping n’a jamais existé (le projet ayant été avorté), l’album et le film incarnent aujourd’hui un complément indispensable pour quiconque souhaite explorer la période Wings sous toutes ses coutures. C’est un fragment essentiel de l’histoire post-Beatles, où McCartney réapprend, devant la caméra, à redevenir un leader de groupe. Les images montrent son professionnalisme, son humilité – parfois son humour – et le soutien indéfectible de Linda. Cette alchimie, ponctuée de guitares flamboyantes et de claviers fournis, s’exprime pleinement sur des titres comme «Maybe I’m Amazed» ou «Let Me Roll It». On y voit un Paul concentré, loin de l’automatisme des mégaconcerts, prêt à remettre en question ses partitions, à échanger avec Denny, Jimmy ou Geoff, à rechanter maintes fois un passage jusqu’à le trouver satisfaisant.

En somme, l’écoute de One Hand Clapping permet de mesurer à quel point Wings, souvent comparé aux Beatles, avait su forger sa propre identité. Non, ce n’était pas un simple substitut à l’éclat d’une formation légendaire, mais bien une aventure collective, portée par la soif d’innover de Paul, l’engagement de Linda, l’expérience de Denny Laine et la fougue de recrues comme McCulloch et Britton. Le fait que cet album voie le jour en 2024, dans un monde radicalement différent, ne fait qu’ajouter à la saveur de la découverte. Pour tous les amateurs de rock, c’est l’occasion de voyager dans le temps et de retrouver la quintessence d’un groupe en plein épanouissement, avant que les aléas de la vie ne viennent en troubler la trajectoire.

Avec One Hand Clapping, Paul McCartney et Wings lèvent le voile sur un trésor longtemps enfoui, dont la richesse musicale et la spontanéité scénique illustrent un moment déterminant du parcours du plus mélodiste des Beatles. Plus qu’une simple curiosité, c’est un témoignage vibrant de la période 1974-1975, un jalon de l’histoire du rock qui, près de cinquante ans après sa genèse, trouve enfin l’écrin qui lui rend justice.