Woman : Une Ode à l’Amour et à l’Évolution de John Lennon

Publié le 17 novembre 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

Le 17 novembre 1980, le monde de la musique a été bouleversé par la sortie d’un album et d’un single particulièrement marquants. Dans Double Fantasy, son dernier opus studio, John Lennon faisait son grand retour sur la scène musicale après cinq années d’absence. L’un des morceaux les plus mémorables de cet album, Woman, a non seulement marqué la fin de la carrière musicale de Lennon, mais a également révélé un aspect inédit de sa vision de l’amour et de la condition féminine. Plus qu’une simple chanson d’amour, Woman se veut un hommage profond, réfléchi et universel à la femme, un regard nouveau sur celle qui a toujours occupé une place centrale dans son cœur et dans son œuvre.

Sommaire

La genèse de « Woman » : Une inspiration lumineuse

L’histoire de Woman commence au printemps de 1980, sur l’île de Bermuda. C’est là, dans un environnement de calme et de beauté, que Lennon se trouve subitement frappé par une prise de conscience profonde : il réalise l’importance de la femme, non seulement dans sa propre vie, mais dans le monde entier. Cette révélation, qui naît dans le cadre intime de son mariage avec Yoko Ono, s’étend pourtant bien au-delà. En évoquant sa femme, il n’évoque pas seulement Yoko en tant qu’individu, mais aussi la femme en général, avec un regard plus large et plus inclusif.

Lennon raconte ainsi dans une interview de 1980 : « Je me suis rendu compte de tout ce que les femmes font pour nous, pas seulement ce que Yoko fait pour moi, bien que j’y pensais dans ce contexte personnel. Mais toute vérité est universelle. » Cette phrase résume à elle seule l’esprit de la chanson, qui transcende l’individualité pour prendre des dimensions plus globales.

Il est intéressant de noter que ce morceau est la réponse d’un Lennon mûri, qui, après une carrière tumultueuse et marquée par des relations conflictuelles avec les femmes, notamment à travers les années des Beatles, propose ici un regard bien plus respectueux et égalitaire. Dans Woman, Lennon ne se contente pas de chanter son amour pour Yoko ; il évoque l’idée que les femmes sont l’autre moitié du ciel, une phrase tirée de la célèbre citation de Mao Zedong, à laquelle Lennon fait souvent référence.

Une structure musicale entre Motown et les Beatles

Le processus créatif derrière Woman est également fascinant. Le morceau est conçu pour ressembler à une ballade de l’époque des Beatles, mais avec une touche de modernité propre à son époque. John Lennon, qui n’avait jamais cessé d’être un expérimentateur, parvient ici à allier une certaine nostalgie du son des années 1960 avec la sophistication des productions musicales des années 1980.

Le producteur Jack Douglas, qui collabore avec Lennon sur Double Fantasy, se souvient de la première rencontre avec le morceau : « Je pensais que ça allait être un classique pop parce qu’il disait tout ce que ressent un homme pour sa femme ou sa petite amie. » Il est évident que Lennon voulait que Woman ait l’énergie d’une ballade des années 60, inspirée de Motown et des Beatles. C’est ainsi qu’il a opté pour des chœurs, une modulation à la fin et une production soignée, donnant au morceau un côté extrêmement commercial sans jamais perdre de sa sincérité.

La profondeur des paroles : Un message universel

Les paroles de Woman sont à la fois simples et profondes, un équilibre rare dans la musique pop. Avec des mots qui semblent à la fois directs et poétiques, Lennon y évoque la manière dont les femmes, tout au long de l’histoire, ont été reléguées à un rôle secondaire, souvent réduit à leur statut de « mères » ou « épouses ». Pourtant, dans Woman, il leur attribue une valeur incomparable : « Pour l’autre moitié du ciel. » Ce mantra, inspiré de la philosophie chinoise, souligne l’importance des femmes non seulement dans la vie de Lennon, mais dans la société dans son ensemble.

À travers cette chanson, Lennon montre qu’il a évolué dans ses pensées, qu’il a pris conscience des injustices, et qu’il offre un acte de réconciliation à l’égard des femmes, qu’elles soient sa femme, sa sœur, ou toute autre femme. Le message est à la fois intime et universel : l’amour de Lennon pour Yoko est la clé de ce morceau, mais il va au-delà, il touche à l’humanité tout entière.

Une production au service de la chanson

La production de Woman est un autre point fascinant du morceau. L’enregistrement s’est fait en deux étapes : d’abord, au début du mois d’août 1980, Lennon enregistre une première version de la chanson, avec une guitare acoustique et une boîte à rythmes. C’est cette version qui apparaîtra dans les archives du John Lennon Anthology en 1998. Cette première prise, assez brute, montre à quel point le morceau est né de manière spontanée et rapide. Pourtant, la version finale est beaucoup plus aboutie, plus polie.

Jack Douglas, qui a travaillé sur la production de Double Fantasy, se souvient de l’approche de Lennon : « Je voulais que la chanson ait une ambiance Motown/Beatles des années 64 ». Et pour parvenir à ce son particulier, le travail en studio a été minutieux. La chanson est née dans les célèbres studios Hit Factory de New York, le 8 août 1980, où les musiciens ont ajouté des couches instrumentales, des chœurs et des harmonies. Dans cette quête de perfection sonore, les voix de Michelle Simpson, Cassandra Wooten, Cheryl Mason Jacks et Eric Troyer se sont mêlées à celles de Lennon, et les arrangements ont été peaufinés au fur et à mesure.

La voix de Lennon, tout en retenue et en émotion, se mêle parfaitement avec la guitare, les claviers et la section rythmique. Le morceau, tout en élégance, se démarque des productions des Beatles par sa texture moderne, plus soignée. Il reste cependant empreint de la simplicité et de la beauté qui caractérisaient certaines des meilleures chansons de Lennon avec les Beatles.

Le succès posthume de « Woman »

Woman est, sans conteste, un des plus grands succès de John Lennon en tant qu’artiste solo. Sorti en janvier 1981, soit un mois après l’assassinat tragique de Lennon, le single a connu un succès immédiat. Aux États-Unis, Woman a atteint la deuxième place du Billboard Hot 100, où il est resté pendant trois semaines. Il s’est également classé en tête des charts en Nouvelle-Zélande, où il est resté cinq semaines au sommet. En Grande-Bretagne, le morceau a été numéro un pendant deux semaines, avant de rester dans les charts pendant près de trois mois.

Il est frappant de noter que Woman a fait partie de la dernière vague de succès de Lennon, après ses morceaux phares Imagine et (Just Like) Starting Over. Ces trois chansons constituaient un incroyable retour au sommet pour un artiste qui avait pris du recul pendant plusieurs années pour se consacrer à sa famille.

La place de « Woman » dans l’œuvre de John Lennon

Si Woman n’était pas la première chanson écrite par Lennon sur le thème de l’amour – loin de là – elle marque un tournant dans son parcours musical et personnel. Elle est la conclusion d’un processus de maturation qui a débuté avec des chansons plus brutes et plus introspectives comme Jealous Guy et Aisumasen (I’m Sorry). Woman est une chanson plus douce, plus réfléchie, qui montre Lennon sous un jour plus serein, presque apaisé. C’est également une déclaration d’amour qui dépasse le cadre de l’intimité pour devenir une chanson humaniste et féministe, en phase avec les évolutions de la société des années 1980.

Lennon lui-même a souligné que Woman représentait pour lui une sorte de version adulte de Girl, chanson de l’album Rubber Soul datant de 1965. Bien que les deux morceaux puissent sembler similaires par leur tonalité et leur approche de l’amour, il y a dans Woman un regard plus mature et une compréhension plus profonde de la relation entre hommes et femmes. Ce n’est pas un simple élan passionné, mais un hommage réfléchi et universel à l’amour et à l’égalité.

En ce sens, Woman apparaît comme l’un des sommets de l’œuvre de Lennon, un dernier chef-d’œuvre posthume qui continue d’influencer des générations d’auditeurs. Le morceau reste un hymne à la beauté de l’amour et à l’importance de la femme, un testament intemporel de l’évolution personnelle et musicale d’un des plus grands génies de la musique du XXe siècle.