Ce billet a pour but de faire comprendre ma façon de communiquer, qui n’est pas habituelle et qui m’a souvent porté préjudice. Si vous n’avez pas envie de lire l’introduction sur le mode de communication des autistes, vous pouvez passer directement aux alinéas ou je liste mes particularités. Si vous ne voulez pas lire les exemples, j’ai mis en gras les informations les plus importantes.
Cette publication partagée par le compte Autiste tout simplement m’a fait comprendre pourquoi j’avais très souvent l’impression de parler dans le vide et cela depuis toujours : les autistes choisissent soigneusement le vocabulaire le plus approprié mais les neurotypiques attachent davantage d’importance aux mimiques, au ton et au non-verbal qu’au sens des mots, or nos expressions faciales, notre ton et notre gestuelle ne sont pas en accord, selon leurs standards, avec ce que l’on dit. Ils ne prendront donc pas en compte nos paroles ou les minimiseront.
Selon les normes médicales, les autistes souffrent d’un déficit de communication. Le chercheur Damian Milton a développé la notion de double empathie, qui est bien plus intéressante et je crois bien plus proche de la réalité. Les autistes n’ont pas de déficit de la communication, ils communiquent autrement. On ne dirait pas de quelqu’un qui parle une langue étrangère que l’on ne maîtrise pas qu’il a un déficit de communication parce qu’on n’arrive pas à le comprendre. La situation est la même ici. On ne parle pas la même langue, et si les autistes ne comprennent pas ou mal les neurotypiques, l’inverse est encore plus vrai (étant donné que nous, on a passé notre vie à masquer et à se plier aux normes, à essayer de comprendre comment fonctionnait le monde neurotypique aux prix d’efforts énormes, ce que la grande majorité des neurotypiques n’ont jamais fait pour les autistes, même un tout petit peu, même quand ils ont un proche autiste). Des études ont aussi montré que si la communication entre autistes et neurotypiques était compliquée, elle ne l’était pas entre autistes, elle est même plus fluide qu’entre neurotypiques.
Car, de manière générale, les autistes communiquent de façon littérale, factuelle, franche, en évitant les sous-entendus, l’implicite, la manipulation, etc.
J’en viens donc à mon mode de communication personnel, celui que j’aimerais que les gens de mon entourage prennent en compte :
–Quand je dis quelque chose, je choisis mes mots avec soin. Ce sont ces mots qu’il faut écouter, même si mon apparence ou mon comportement ne correspondent pas à une personne neurotypique qui dirait cela. Par exemple, si je dis que je suis suicidaire, ça ne veut pas dire autre chose, même si vous trouvez que j’ai l’air d’aller bien (vous n’êtes pas dans ma tête) ou que j’arrive encore à lire, ce qui voudrait dire que ça ne va pas si mal que ça (la lecture est mon intérêt spécifique, on ne peut pas juger ce paramètre comme on le ferait chez une personne neurotypique).
-Je peux parler de choses très dures avec un ton détaché, voire de l’humour ou du cynisme. C’est un fonctionnement connu chez les personnes traumatisées, et ça ne veut pas dire que ça ne me touche pas, et que je ne vais pas pleurer quand je serai seule chez moi ou y repenser toute la nuit.
–Quand je parle d’une capacité que je n’ai pas, ce n’est pas pour être rassurée et qu’on me dise que je me trompe. J’avais dit à une psychiatre que je chantais affreusement mal et elle m’avait répondu « Il ne faut pas vous dévaloriser ». Sauf que ce n’était pas me dévaloriser : c’est un fait. Et ce n’est pas grave, on peut s’en sortir dans la vie sans savoir chanter.
-De la même façon, quand je parle de mes qualités et de mes talents, ce n’est pas par prétention ou pour me vanter. Oui, je chante très mal, mais j’écris très bien. Je ne vois pas l’intérêt de la fausse modestie.
-Si je parle d’un problème ou de quelque chose par lequel je me sens dépassée, ce n’est pas pour être rassurée par des paroles creuses ou de la pensée magique. J’ai besoin de solutions concrètes, de prendre les choses en main, de me préparer au mieux à ce qui m’attend. Dire des choses comme Ça va aller, Sois positive ou tout autre phrase plus élaborée mais tout aussi vide ne m’a jamais aidée et ne fait que m’isoler face à mes difficultés. En passant, la pensée magique n’a jamais rien apporté de plus que de se sentir rassuré sur le moment et aggrave les problèmes sur le long terme, mais je n’empêche personne de vivre selon la loi de l’Attraction ou de se soigner en ouvrant ses chakras, chacun fait bien ce qu’il veut. J’aimerais qu’en échange on respecte aussi mon mode de fonctionnement qui est : rationalité, esprit scientifique, solutions concrètes (tout en étant humain et à l’écoute de chacun).
-Et si je parle de limitations qui me handicapent, ce n’est pas pour qu’on me dise qu’avec un petit effort, ça va aller. Je ne sais pas si j’ai réellement une dyspraxie puisque je n’ai pas de diagnostic officiel, mais j’ai en tout cas beaucoup de mal avec l’utilisation des différents outils. Une psychiatre à qui j’expliquais que c’était très difficile pour moi de ranger et nettoyer mon appartement correctement, que ce n’était jamais bien fait, que je ne savais pas par où commencer, m’avait répondu qu’avec les bons outils, ça irait. Ben non justement ! Car je ne sais pas comment utiliser ces outils et que j’ai des problèmes avec les fonctions exécutives. Ici, j’ai vraiment besoin qu’on cible les problèmes précisément et qu’on me donne des solutions concrètes, pas juste des encouragements. Je sais que ça peut paraître incompréhensible pour beaucoup de gens que certains autistes excellent dans leur travail tout en se perdant à 700 mètres de chez eux même avec Google Map, mais c’est une réalité (bien documentée, d’ailleurs).
-Quand j’exprime mes besoins, j’aimerais aussi qu’on les respecte sans que j’ai à répéter les choses vingt fois, sans que j’ai à donner un cours sur l’autisme ou dérouler mon dossier médical, comme c’est si bien expliqué dans le podcast de Petite Mu sur la neurodiversité. L’autisme est une condition neurologique, il n’est pas juste question de faire un effort ou de prendre sur soi pour finir par s’habituer à des situations qui sont insupportables pour nos particularités. Ou alors, cela s’appelle le masking, et ça a un coût énorme sur la santé. Ça ne veut pas dire non plus que nous sommes toujours limités de la même façon selon les jours ou les situations, tout cela est une question de ressources et c’est un équilibre très compliqué à gérer. Mais dans tous les cas, personne ne peut savoir mieux que la personne ce qu’elle est en capacité de supporter ou pas (c’est déjà très difficile de le comprendre pour soi-même !), le mieux est donc de l’écouter et de respecter ses besoins sans lui demander de se justifier ou insister pour qu’elle les outrepasse, y compris si vous ne les comprenez pas.
-Je parle franchement parce que je ne vois pas l’intérêt de passer mon temps à mentir ou manipuler, même de façon douce. Si je dis « Tu ne trouves pas que j’ai grossi? », ce n’est pas pour qu’on me réponde « Mais non, pas du tout ! » si on ne le pense pas, comme le font la majorité des neurotypiques. Quand on me pose ce genre de questions, je réponds sincèrement, et ce n’est pas de l’impolitesse de ma part, juste un constat.
Cela peut peut être paraître compliqué pour certaines personnes de prendre cela en compte , mais cette façon de communiquer fait aussi que quand je fais un compliment, c’est parce que je le pense et pas pour être polie ou hypocrite, que j’essaye d’être un soutien pour mes proches en les écoutant sincèrement et en cherchant des solutions concrètes, que je suis honnête sur mes sentiments et loyale, et que je tente de prendre en compte les paroles et le vécu de la personne en face sans les minimiser.