May Pang a joué un rôle clé dans la période dite du ‘Lost Weekend’ de John Lennon. De 1973 à 1975, elle fut sa compagne, sa collaboratrice artistique et une figure importante dans la réconciliation avec son fils Julian. Témoignant d’un John Lennon plus léger, plus créatif, Pang a publié ses mémoires et un recueil de photos, partageant ainsi son histoire avec Lennon. Elle continue de raconter cette époque marquante, notamment à travers un documentaire et une exposition itinérante.
Lorsque l’on évoque John Lennon, l’une des premières figures à surgir est généralement Yoko Ono. Pourtant, au milieu des années 1970, une autre femme a occupé une place singulière dans la vie de l’ancien Beatle : May Pang. Pendant plus d’un an et demi, elle devient non seulement sa compagne, mais aussi sa collaboratrice artistique et l’amie qui facilitera un rapprochement entre Lennon et son fils Julian. Cet épisode, que Lennon surnomme plus tard son « Lost Weekend », se déroule entre 1973 et 1975, période charnière faite de déboires et de réconciliations pour l’icône du rock. Aujourd’hui, May Pang a su imposer sa propre voix, en tant qu’auteure, photographe et témoin privilégiée de l’un des chapitres les plus intenses et méconnus de l’histoire musicale de John Lennon.
Sommaire
- Une enfance new-yorkaise, aux frontières de plusieurs cultures
- Au service des Lennon : assistante et coordinatrice de projets
- L’élément déclencheur : Ono propose à Pang de devenir la compagne de Lennon
- Départ pour Los Angeles : l’ère des excès et de la création effrénée
- Retour à New York et aboutissement de plusieurs projets musicaux
- La fin brutale du « Lost Weekend » : la réconciliation subite de Lennon et Ono
- Une autre version de l’histoire : les témoignages de May Pang
- Un documentaire et une exposition itinérante : héritage du « Lost Weekend »
- Après Lennon : mariage, famille et vie discrète
- Un témoignage sur l’homme derrière la légende
- Une femme d’affaires et créatrice à part entière
- La mémoire du « Lost Weekend » : un chapitre essentiel de l’héritage Lennon
- Le documentaire The Lost Weekend: A Love Story et l’intérêt renouvelé
- Un ultime éclairage sur la femme qui a partagé dix-huit mois avec Lennon
- Conclusion : May Pang, témoin et gardienne d’un fragment d’histoire Beatles
Une enfance new-yorkaise, aux frontières de plusieurs cultures
May Pang naît le 24 octobre 1950 à Manhattan, sous le nom de May Fung Yee Pang. Ses parents, d’origine chinoise, ont quitté leur pays natal pour s’installer dans le quartier de Spanish Harlem, au nord de l’île new-yorkaise. C’est là que May grandit, entourée d’un frère et d’une sœur aînés (nés en Chine) et adoptés. Sa mère dirige une blanchisserie dans ce quartier souvent défavorisé, où cohabitent différentes communautés ethniques.
La petite May se familiarise vite avec la langue et la culture américaine, tout en restant connectée aux traditions familiales chinoises. Lorsque les immeubles du secteur sont promis à la démolition, la famille Pang déménage pour s’installer non loin de la 97e rue et de la 3e avenue. Adolescente, May étudie à la Saint Michael Academy, avant de rejoindre le New York City Community College. Un temps, elle se rêve modèle, mais les agences la jugent « trop ethnique » pour la mode mainstream de l’époque.
C’est finalement la passion pour la musique qui la guide vers un tout autre univers. Ses premiers pas dans l’industrie du disque l’amènent à travailler comme « song-plugger » : son rôle consiste à proposer aux artistes des chansons d’auteurs-compositeurs en quête de projets. À seulement 20 ans, en 1970, elle décroche un poste de réceptionniste chez ABKCO Records, la société de Allen Klein, laquelle représente Apple Records et certains ex-Beatles (dont Lennon, Harrison et Starr).
Au service des Lennon : assistante et coordinatrice de projets
Grâce à ce poste, May Pang est remarquée pour son efficacité et sa polyvalence. Rapidement, on lui propose de s’occuper de tâches diverses pour John Lennon et Yoko Ono : aide à la coordination de projets avant-gardistes, participation à l’organisation d’expositions, etc. Elle collabore à la réalisation des films expérimentaux Up Your Legs Forever et Fly, et accompagne le couple dans ses voyages entre Londres et New York.
En 1971, Lennon et Ono déménagent définitivement à Manhattan, décidés à faire de New York leur port d’attache. May Pang devient alors leur assistante personnelle à plein temps, les épaulant dans leur vie quotidienne, leurs dossiers administratifs et l’ensemble de leurs activités artistiques. En octobre 1971, elle participe à la mise en place d’une exposition d’art conceptuel signée Yoko Ono, This Is Not Here, à Syracuse, laquelle coïncide avec le 31e anniversaire de Lennon.
Le rôle de Pang va s’étoffer à mesure que le couple Lennon-Ono se lance dans divers projets : albums, happenings, performances. C’est une période d’intense création, mais aussi de tensions conjugales, car John et Yoko traversent une crise conjugale grandissante.
L’élément déclencheur : Ono propose à Pang de devenir la compagne de Lennon
En 1973, la discorde entre Lennon et Ono atteint son paroxysme. On parle déjà de séparation. C’est alors qu’un fait inattendu se produit : Yoko Ono, consciente de l’admiration que Lennon porte à May Pang, lui suggère de devenir la compagne de John, le temps que leur couple se mette en pause. Dans un premier temps, Pang refuse, arguant qu’elle n’imagine pas fréquenter son patron, marié de surcroît. Ono insiste, évoquant les disputes récurrentes, la nécessité pour Lennon de se changer les idées, et précisant que Lennon aurait confié trouver Pang attirante.
Finalement, Pang finit par céder, non sans hésitation. Ainsi débute le fameux épisode souvent surnommé le « Lost Weekend », en référence au roman et au film The Lost Weekend, qui renvoie à une période de dérive éthylique. Pourtant, si Lennon lui-même reprendra cette expression, c’est en partie parce que cette aventure s’étale sur dix-huit mois particulièrement denses, marqués par la production de plusieurs albums et la reconfiguration de certaines relations familiales.
Départ pour Los Angeles : l’ère des excès et de la création effrénée
À l’automne 1973, John Lennon et May Pang quittent New York pour Los Angeles. L’objectif initial est de promouvoir Mind Games, le nouvel album de Lennon, mais la distance vis-à-vis de Yoko Ono et de l’environnement new-yorkais favorise un basculement dans un mode de vie festif et parfois autodestructeur. Logés d’abord dans l’appartement de l’avocat Harold Seider, puis chez Lou Adler, Lennon et Pang côtoient Harry Nilsson, Ringo Starr ou encore Keith Moon.
Dans ce climat libertaire, Lennon décide de concrétiser un vieux projet : enregistrer un album de reprises de rock ‘n’ roll, sous la houlette du producteur Phil Spector. Hélas, la consommation d’alcool et le comportement erratique de Spector (qui tire parfois en l’air avec un revolver en studio) sabotent rapidement les séances. Lennon en sort échaudé, la plupart des bandes disparaissent avec Spector.
Pourtant, loin de se laisser abattre, Lennon entame la production de l’album Pussy Cats d’Harry Nilsson. Il choisit d’installer tout son entourage dans une maison louée par Pang à Santa Monica, pour être certain que chacun arrive à temps en studio. Ce lieu devient une véritable colocation rock, où cohabitent Lennon, Nilsson, Ringo Starr, Keith Moon et Pang.
Malgré les excès (alcool, nuits blanches, incidents publics comme l’expulsion de Lennon et Nilsson du Troubadour après avoir chahuté les Smothers Brothers), Pang encourage Lennon à renouer des liens familiaux. Elle incite notamment John à revoir son fils Julian, qu’il n’a plus rencontré depuis 1971. Julian vient alors passer du temps avec eux, reçoit une guitare et un drum machine pour Noël, et le lien paternel se ravive.
Retour à New York et aboutissement de plusieurs projets musicaux
Au milieu de l’année 1974, Lennon et Pang rentrent à Manhattan. Dans ce cadre plus familier, Lennon décide de cesser les beuveries. Il se consacre à la création de deux disques majeurs : Walls and Bridges, composé de chansons originales, et l’album de reprises de rock ‘n’ roll resté inachevé, dont les bandes ont finalement été récupérées par Al Coury (de Capitol Records).
Au studio Record Plant, Lennon s’entoure des musiciens qui lui sont proches. Pang reçoit d’ailleurs le crédit de production coordinator sur plusieurs titres, et apparaît sous le pseudonyme de « Mother Superior » sur les pochettes. L’atmosphère, désormais sobre, lui permet de mieux canaliser son énergie créative. Lennon écrit plusieurs chansons dédiées ou inspirées par Pang, dont « Surprise, Surprise (Sweet Bird of Paradox) ». Elle chante le nom de John dans le titre « #9 Dream », un passage qu’on entend murmuré.
S’installant dans un penthouse au 434 East 52nd Street, Lennon et Pang profitent d’une vue panoramique sur la ville. C’est de cette terrasse qu’ils affirment avoir observé un OVNI, un soir d’août 1974. Selon leur récit, l’objet aurait plané à moins de 30 mètres d’eux, silencieux. Lennon, nu, appelle Pang pour qu’elle vienne constater la scène. Ils préviennent Bob Gruen, le photographe attitré de Lennon, lequel confirme avoir reçu d’autres témoignages de voisins parlant d’un phénomène similaire. Lennon fera allusion à cet épisode dans sa chanson « Nobody Told Me ».
L’album Walls and Bridges sort en 1974 et grimpe au sommet des charts. Lennon obtient alors son unique single numéro 1 américain de son vivant avec « Whatever Gets You Thru the Night », en duo avec Elton John. Après quoi, Lennon complète son album de reprises, intitulé finalement Rock ‘n’ Roll. Sur ce disque et sur Walls and Bridges, Pang reçoit un disque d’or pour son travail.
Sur le plan personnel, la relation entre Lennon et Pang semble épanouie. Ils adoptent deux chats, Major et Minor, recréent un foyer stable. Lennon envisage même l’achat d’une propriété à Montauk (non loin de l’extrême est de Long Island), où il visite un cottage près du phare. Pang confie plus tard que Lennon souhaitait réellement s’ancrer dans cette nouvelle vie, loin des tumultes.
La fin brutale du « Lost Weekend » : la réconciliation subite de Lennon et Ono
Puis, tout bascule en février 1975. Tandis que Lennon et Pang devaient s’envoler pour la Nouvelle-Orléans afin de rendre visite à Paul et Linda McCartney, Yoko Ono annonce à Lennon qu’elle a une nouvelle méthode pour le débarrasser de son addiction à la cigarette. Intrigué, John la retrouve, avant de disparaître sans prévenir.
Lorsque Pang téléphone chez Ono le lendemain, celle-ci explique que Lennon est trop fatigué pour parler. Pang suppose qu’il a subi un choc. Deux jours plus tard, Lennon réapparaît brièvement, semblant confus. Il informe Pang qu’il se réinstalle avec Ono, mettant fin à leur relation.
Les années qui suivent voient Lennon se consacrer à sa vie de famille avec Ono, puis à l’éducation de leur fils Sean. Pang, elle, retourne à une existence plus discrète. Elle travaille un temps pour United Artists Records et Island Records, se spécialisant en relations publiques. Au fil des interviews, elle évoque ce chapitre souvent qualifié de « Lost Weekend », un nom que Lennon a lui-même popularisé, suggérant à la fois la liberté, la fête, mais aussi la dérive.
Une autre version de l’histoire : les témoignages de May Pang
Loving John
En 1983, May Pang publie ses mémoires, Loving John, qui retracent cette aventure hors norme. L’ouvrage (qui sera plus tard repris sous le titre John Lennon: The Lost Weekend) compile à la fois ses souvenirs personnels et des détails sur les sessions d’enregistrement. L’éditeur a abrégé le manuscrit initial de 500 à 300 pages, privilégiant les anecdotes romantiques et intimes au détriment de la dimension musicale. Pang y joint également des cartes postales que Lennon lui a envoyées à travers le monde après leur séparation.
Pang soutient que, même après le retour de Lennon auprès de Ono, ils ont maintenu une forme de lien jusqu’en 1977 et sont restés en contact jusqu’à la mort de Lennon en 1980. Elle affirme que le musicien lui aurait téléphoné ponctuellement, et qu’ils auraient partagé des moments de complicité furtive.
Instamatic Karma
En 2008, Pang publie un second ouvrage, Instamatic Karma, cette fois sous forme de recueil de photographies prises durant son vécu auprès de Lennon. On y découvre des instantanés qui révèlent un Lennon tantôt souriant, tantôt concentré, parfois entouré d’amis comme Paul McCartney ou Harry Nilsson. Parmi ces clichés figure celui, historique, où Lennon signe l’acte officiel de dissolution des Beatles. Les images jettent une lumière sur les rares moments où Lennon et Paul McCartney se croisent encore, témoignant d’une paix retrouvée, même momentanée, entre les deux complices. L’ouvrage s’accompagne de légendes et de récits contextualisant ces instants saisis sur le vif.
Cynthia Lennon, première épouse de John, salue ce livre pour son honnêteté et pour avoir contribué à rapprocher John et Julian, absent de la vie de Lennon durant plusieurs années. Pang reçoit ainsi la reconnaissance de celle qui, pourtant, pourrait être considérée comme sa « rivale » sur le terrain sentimental.
Un documentaire et une exposition itinérante : héritage du « Lost Weekend »
En 2022, un documentaire intitulé The Lost Weekend: A Love Story voit le jour, réalisé par Eve Brandstein, Richard Kaufman et Stuart Samuels. Présenté notamment au Tribeca Film Festival, il retrace en 97 minutes le récit de la relation Pang-Lennon. Pang y apparaît en témoin direct, partageant ses émotions et ses archives. Le documentaire met en scène des images d’archives, des interviews et une reconstitution du climat bohème de la Californie et de New York au milieu des années 1970.
En parallèle, May Pang organise une exposition itinérante, The Lost Weekend: The Photography of May Pang, présentant ses clichés exclusifs. On y retrouve des moments intimes, des regards complices, des séances de studio, ainsi que des images de John et Julian enfin réunis. Cette exposition parcourt plusieurs villes, offrant au public une plongée inédite dans l’intimité d’une icône du rock au crépuscule de sa gloire.
Après Lennon : mariage, famille et vie discrète
Après la fin de sa liaison avec Lennon, Pang se tourne vers d’autres horizons professionnels. Elle devient chargée de relations publiques chez United Artists Records puis Island Records, travaillant sur des albums de Bob Marley ou encore de Robert Palmer. Elle se marie finalement en 1989 avec le producteur Tony Visconti. Ensemble, ils auront deux enfants, avant de divorcer en 2000.
Malgré la fin de ce mariage, Pang poursuit une existence relativement tranquille. Elle reste néanmoins proche de quelques figures de l’entourage Lennon : elle se rend à l’enterrement de Linda McCartney en 1998, maintient des contacts avec Cynthia Lennon et soutient Julian Lennon dans ses projets. Elle assiste également à des hommages comme le Concert for George en 2002, saluant la mémoire de Harrison.
En 2006, lors d’un voyage en Islande, Pang croise par hasard Yoko Ono à l’occasion d’un événement organisé pour l’anniversaire posthume de Lennon. Elles échangent brièvement, sans heurts, comme si le temps avait apaisé les animosités du passé. Pang vit toujours à New York, où elle s’implique dans des actions bénévoles en faveur des animaux (Animal Haven).
Un témoignage sur l’homme derrière la légende
Pour beaucoup de fans, May Pang reste la femme de l’ombre, celle qui incarne un John Lennon plus léger, parfois plus heureux qu’on ne le croit, malgré la réputation de cette période dite du « Lost Weekend ». Elle explique régulièrement que Lennon se montrait souvent joyeux à ses côtés, qu’il profitait de son indépendance musicale, enregistrant Walls and Bridges et Rock ‘n’ Roll, renouant avec un certain plaisir de jouer.
Ce regard nuancé, à mille lieues de la caricature du Lennon torturé, enrichit la perception globale de ce musicien iconique. Pang insiste également sur la nécessité de comprendre que cette période n’était pas qu’un caprice ou une dérive, mais un moment authentique où Lennon se réconciliait avec son fils Julian et reformait des liens amicaux avec Paul McCartney (une jam session rare en 1974).
Une femme d’affaires et créatrice à part entière
Au-delà de son rôle dans la vie de Lennon, Pang a aussi su mener ses propres projets. Elle s’aventure dans la création de bijoux feng shui en acier inoxydable. Son intérêt pour l’esthétique et la recherche d’équilibre l’amènent à concevoir des pièces qui reflètent un mélange de sensibilité orientale et occidentale. Ses collections, exposées à différentes occasions, témoignent de la volonté de Pang de sortir du seul cadre de « l’ex de Lennon ».
Elle intervient par ailleurs dans diverses interviews, émissions de radio ou podcasts, partageant sa vision de la musique, du destin brisé des Beatles et du climat artistique de l’époque. Elle co-anime, un temps, une émission Internet intitulée Dinner Specials with Cynthia and May Pang, en compagnie d’une dénommée Cynthia Neilson, discutant de culture, de gastronomie et de souvenirs rock.
La mémoire du « Lost Weekend » : un chapitre essentiel de l’héritage Lennon
Le temps aidant, ce qu’on nomme le « Lost Weekend » s’affirme comme un élément incontournable pour qui s’intéresse de près à la trajectoire de Lennon post-Beatles. D’un côté, c’est une phase intense de remises en question, d’excès et de retrouvailles familiales. De l’autre, c’est la confirmation que, même séparé de Yoko Ono, Lennon reste un artiste prolifique capable de scorer un numéro 1 avec « Whatever Gets You Thru the Night ».
May Pang, par sa plume (dans Loving John ou Instamatic Karma) et par ses récits visuels, offre un contrepoids au récit dominant, selon lequel Lennon aurait erré sans boussole. Selon ses dires, Lennon y a aussi trouvé un surcroît de liberté, un élan créatif et la joie de renouer avec son fils. Loin de diaboliser Ono, Pang affirme avoir été incitée par celle-ci à se rapprocher de John, avant de devoir s’effacer brutalement quand Ono souhaite récupérer Lennon.
Il reste que ce célèbre triangle John-Yoko-May, longtemps ignoré ou caricaturé, mérite une lecture plus nuancée. Les confidences de Pang mettent en évidence la complexité d’un couple légendaire qui, après avoir défié les conventions, n’hésite pas à s’accorder une parenthèse singulière avant de se retrouver.
Le documentaire The Lost Weekend: A Love Story et l’intérêt renouvelé
En 2022, l’idée d’un documentaire centré sur ce chapitre de la vie de Lennon prend forme. The Lost Weekend: A Love Story est réalisé par Eve Brandstein, Richard Kaufman et Stuart Samuels. Présenté lors du Tribeca Film Festival, le film inclut des archives inédites, des photos exclusives, notamment issues de l’album Instamatic Karma, et des témoignages directs de May Pang. Il retrace chronologiquement les mois passés ensemble, l’emménagement à Los Angeles, la collaboration avec Harry Nilsson, l’expulsion du Troubadour, puis le retour à New York et l’enregistrement de disques majeurs.
Au-delà du sensationnalisme, ce film raconte la réalité d’une relation amoureuse intense, ponctuée d’épisodes orageux (les sautes d’humeur de Lennon, sa dépendance à l’alcool) et de moments tendres (la complicité avec Julian, la paix retrouvée en studio). Pour Pang, qui avait déjà écrit deux livres sur cette période, il s’agit de réhabiliter le souvenir d’un John Lennon plus « normal », loin du mythe figé d’un révolutionnaire permanent ou d’un artiste reclus avec Yoko Ono.
Un ultime éclairage sur la femme qui a partagé dix-huit mois avec Lennon
Aujourd’hui âgée de plus de 70 ans, May Pang continue de partager ses souvenirs lors de conférences, d’expositions de photos et d’interviews. Elle souligne qu’elle n’a jamais cherché à briser le couple Lennon-Ono, qu’elle a accepté cette situation à la demande explicite de Yoko Ono. Elle met en avant l’idée selon laquelle ce « Lost Weekend » n’était pas qu’une dérive, mais aussi un sursaut de créativité et un chemin vers la réconciliation familiale.
Lorsqu’on regarde le parcours de Pang, on est frappé par son humilité : elle est restée dans l’ombre durant de longues années, se consacrant à sa vie de famille avec Tony Visconti, élevant leurs deux enfants, s’adonnant à d’autres projets d’artistiques et de bijouterie. Sa re-médiatisation, à travers les livres et le documentaire, n’a pas pour dessein de régler des comptes, mais de proposer une narration alternative à la période 1973-1975 de la vie de John Lennon.
Sans Pang, peut-être que Julian n’aurait pas retrouvé son père à ce moment clé, qu’aucune jam session avec McCartney n’aurait eu lieu, qu’aucun album Walls and Bridges n’aurait vu le jour de manière aussi cohérente, et qu’un chapitre entier de la vie de Lennon serait resté plus obscur.
Conclusion : May Pang, témoin et gardienne d’un fragment d’histoire Beatles
May Pang n’a jamais prétendu être une star. Pourtant, son rôle demeure crucial dans le puzzle Lennonien : collaboratrice, muse, photographe, elle incarne la possibilité pour John de renaître un instant hors du couple légendaire qu’il forme avec Yoko Ono. La plupart des témoins de l’époque la décrivent comme une présence apaisante, encourageant Lennon à la fois sur le plan musical et sur le plan familial.
Si son nom reste moins connu du grand public, la publication de ses mémoires, la sortie des photos inédites et la consécration du documentaire récent lui ont rendu justice. Elle devient la voix d’une époque trop souvent réduite à un simple cliché : celui d’un Lennon ivre et errant, alors qu’elle montre également l’artiste travaillant d’arrache-pied à quelques-unes de ses plus belles compositions, renouant avec le rock originel, invitant son fils à le rejoindre en studio.
En définitive, May Pang occupe une place singulière : elle illustre comment la grande histoire du rock se fabrique aussi dans les interstices, à travers les confidences, les photos prises sur le vif, les documents privés. Son témoignage vient compléter le portrait d’un Lennon multiple, tour à tour fragile, passionné, déterminé ou paumé, mais toujours en quête de rédemption.
Cette quête n’aurait pas été la même sans la présence de May Pang, laquelle, plus de quatre décennies après, continue de raconter, photos à l’appui, que l’amour et la création peuvent naître dans les moments les plus inattendus. Pour le grand public, son histoire est devenue indissociable de celle de John Lennon, au point que cet intervalle, longtemps taxé de « Lost Weekend », apparaît finalement comme l’une des périodes les plus fécondes et attachantes de la carrière post-Beatles du chanteur. En somme, loin de la simple maîtresse éphémère, May Pang demeure le symbole d’une résilience artistique et affective, un pont entre l’icône Lennon et son humanité la plus fragile.