Ringo Starr : des mots bouleversants en apprenant la mort de John Lennon

Publié le 08 décembre 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

Quarante-cinq ans ont passé depuis le 8 décembre 1980. Ce soir-là, à New York, John Lennon s’effondrait devant l’entrée de son immeuble, victime de balles tirées à bout portant. La nouvelle, fulgurante et incompréhensible, a frappé la planète entière. Elle a aussi, et surtout, brisé le cœur de ceux qui avaient partagé avec lui l’aventure la plus marquante de l’histoire de la musique populaire : The Beatles. Parmi eux, Ringo Starr, le batteur au groove inimitable, a plusieurs fois raconté le moment exact où sa vie a basculé : l’appel téléphonique qui lui a appris, au loin, que son ami venait d’être abattu.

Cet article revient sur ces mots déchirants de Ringo, sur la manière dont il a vécu l’annonce, sur ce qu’il a dit, sur ce qu’il a tu, et sur le vide qu’a laissé Lennon dans sa vie et dans celle des fans. Il propose aussi un regard élargi sur le contexte de l’époque, l’onde de choc ressentie par les musiciens, la mémoire collective, et la façon dont Ringo n’a cessé, depuis, de porter et de partager l’héritage de son ami.

Sommaire

  • Un soir de décembre qui a changé l’histoire
  • « Il est mort » : l’appel qui fige le temps
  • Aller à New York : être là pour Yoko et pour Sean
  • Se taire pour ne pas raviver la douleur
  • Une dernière rencontre quelques semaines plus tôt
  • La sidération d’un monde et la colère sans explication
  • Ringo et John : une amitié faite de musique, d’humour et de loyauté
  • L’onde de choc chez les Beatles : intimité et pudeur
  • Le deuil des fans : un chœur planétaire
  • Parler d’héritage : l’art contre l’oubli
  • Le poids des mots : pourquoi le récit de Ringo nous touche
  • Ringo, l’art de survivre sans renier le passé
  • Le 8 décembre, un rituel de mémoire
  • Ce que les fans retiennent des mots de Ringo
  • Une blessure toujours vive, une gratitude intacte
  • L’éthique d’un témoin : ni spectacle, ni oubli
  • Ringo et la transmission : faire battre le temps
  • « Toujours neuf » : une formule pour dire l’indicible
  • Ringo, la fidélité au bord des larmes
  • Repères narratifs fondamentaux
  • Une mémoire en mouvement

Un soir de décembre qui a changé l’histoire

Le 8 décembre 1980, John Lennon et Yoko Ono reviennent à leur domicile new-yorkais après une journée de travail. Quelques instants plus tard, les sirènes percent la nuit ; un véhicule de police file vers l’hôpital le plus proche, mais la nouvelle tombe : Lennon est déclaré mort à son arrivée. Cette phrase, si sèche, si brutale, a résonné en quelques minutes dans les stations de radio, à la télévision, puis à travers le monde.

Pour le public, l’événement fut un choc culturel colossal. Lennon venait de reprendre pleinement la parole artistique, sa voix résonnait à nouveau, et son assassinat a été ressenti comme une amputation de l’avenir. Pour ses anciens compagnons de route, la blessure fut intime, indicible, et pourtant immanquablement publique. Chacun a dû, tôt ou tard, raconter comment il avait appris la nouvelle. Parmi ces récits, celui de Ringo Starr est resté gravé, par sa simplicité, sa sincérité et sa douleur nue.

« Il est mort » : l’appel qui fige le temps

Au moment des faits, Ringo Starr se trouve à la Barbade. Il est en vacances, loin de l’effervescence de New York, lorsqu’un appel lui parvient. La voix au bout du fil n’est pas celle d’un journaliste ou d’un manager, mais celle d’un membre de la famille : Francesca Gregorini, la fille de Barbara Bach, la compagne de Ringo. Elle a quelque chose d’urgent à dire.

Ringo l’a raconté plus tard : ces premières secondes, ce sont celles de la sidération. On parle de John, on évoque un tir, une agression. Le cerveau refuse l’hypothèse du pire. Ringo a expliqué que, sur l’instant, il a pensé à une blessure à la jambe ou au bras. Il essaye de retenir une version du réel dans laquelle son ami, même touché, va s’en sortir. Puis la voix revient, implacable, et lâche les mots que personne ne veut entendre : « Il est mort. »

Tout vacille. Ringo le dira, sans effet de style : cela le rend fou. Une folie brève, une implosion intérieure, ce moment où l’on ne comprend plus la grammaire du monde. Il faut alors, mécaniquement, se raccrocher à quelque chose de concret. Pour Ringo, ce quelque chose, c’est l’action : réserver un vol, partir immédiatement pour New York, rejoindre ceux qui ont besoin de lui, et qui, par sa seule présence, pourraient trouver un peu de réconfort.

Aller à New York : être là pour Yoko et pour Sean

Arrivé à New York, Ringo Starr fait ce que font les amis de toujours : il propose son aide. Yoko Ono formule une demande limpide et bouleversante : passer du temps avec Sean, l’enfant qu’elle a eu avec John. « Gardez-le occupé », dit-elle. Dans la brutalité des heures qui suivent une tragédie, il y a la logistique du chagrin : protéger un enfant, couvrir l’absence d’un parent par la présence d’un autre adulte digne de confiance, occuper les mains, le regard, l’esprit, faire écran, même fragile, à la violence de l’événement.

C’est ce que fait Ringo. Le batteur, figure de joie et d’humour pour des générations de fans, devient un pilier silencieux. L’ami, l’oncle symbolique, celui qui reste, qui écoute, qui rassure. Et dans ce rôle, on entend déjà l’une des vérités intimes de l’histoire des Beatles : au-delà des disques, des tournées, des studios et des histoires qu’on raconte encore et encore, il y avait quatre hommes, quatre amis, liés par une expérience unique et une affection profonde, parfois tumultueuse, mais indestructible.

Se taire pour ne pas raviver la douleur

Ringo l’a souvent avoué : parler de ce soir-là demeure une épreuve. Dans des interviews, au détour d’une question, on le voit prendre une inspiration, chercher ses mots, puis préférer arrêter. « Arrêtons-nous là », dit-il parfois, reconnaissant que revenir sur ces souvenirs l’attriste toujours. Cette retenue est à comprendre non comme une esquive, mais comme une forme de pudeur. La mort de Lennon n’est pas qu’un fait d’actualité gravé dans la mémoire collective ; elle est, pour Ringo, une douleur personnelle.

Il y a dans ce silence une honnêteté rare. Ringo n’édulcore pas, ne dramatise pas : il admet simplement que la peine demeure, « toujours neuve », comme une plaie refermée en surface mais prête à se rouvrir au moindre contact. Cette franchise est peut-être la clé de son rapport au public : il ne joue pas un rôle, il ne récite pas une version officielle des événements. Il confie qu’il « manque » John, qu’il le manquera toujours, et que même quatre décennies plus tard, l’absence continue de se faire sentir.

Une dernière rencontre quelques semaines plus tôt

Quelques semaines avant la tragédie, Ringo Starr et John Lennon se sont revus à New York. Ringo résidait alors dans un célèbre hôtel de Manhattan. John et Yoko sont venus lui rendre visite. Le temps a filé. Cinq heures de conversation, de rires, de souvenirs, de projets peut-être. Ringo l’a raconté avec une chaleur particulière : peu importait le temps écoulé entre leurs rencontres, tout redevenait naturel en quelques minutes. C’était leur amitié : une évidence chaque fois retrouvée, comme une chanson qu’on connaît par cœur mais qui vous surprend encore.

Cette dernière visite est devenue, hélas, un souvenir cardinal. On aime imaginer le ton de leurs voix, la façon dont ils se taquinaient, cet équilibre familier entre la vivacité de John et la malice de Ringo. On imagine les regards, l’affection implicite, la complicité d’anciens frères d’armes qui n’ont plus besoin de se prouver quoi que ce soit. Rien de spectaculaire, rien à publier : simplement deux vieux amis qui se retrouvent et se comprennent.

La sidération d’un monde et la colère sans explication

Dans ses souvenirs, Ringo Starr a eu ces mots crus à propos de l’homme qui a tiré : un « abruti », un être inexplicable. Cette impossibilité de comprendre est d’ailleurs l’un des fils rouges qui traversent les témoignages autour de la mort de John Lennon. On peut reconstruire un parcours, analyser des motivations, chercher des raisons. Mais on se heurte à la même impasse : on n’explique pas l’absurde. Il reste la colère, il reste la tristesse, et il reste l’effort quotidien pour ne pas laisser cet acte définir l’homme qui en a été la victime.

Ringo et John : une amitié faite de musique, d’humour et de loyauté

Depuis les premiers jours, lorsque Ringo Starr rejoint les Beatles et que le groupe prend sa forme définitive, John Lennon et lui développent un lien fait d’humour, de bienveillance et d’un respect mutuel qui ne s’est jamais dissipé. Ringo ne fut jamais seulement « le batteur » : il fut un compagnon d’âme du groupe, celui qui maintenait l’équilibre lorsque les tempêtes menaçaient, dont le sens du rythme et la musicalité donnaient aux chansons cette pulsation organique immédiatement reconnaissable.

John, souvent cité pour son esprit acéré et sa franchise, appréciait chez Ringo cette stabilité émotionnelle, cette façon d’être présent, de soutenir sans s’imposer. Dans les sessions, la batterie de Ringo n’était pas un décor : elle était le cœur battant des morceaux, de Ticket to Ride à Rain, de Come Together à Something. Lennon a d’ailleurs maintes fois salué ce sens du jeu unique, cette capacité à servir la chanson sans bavardage ni démonstration.

Leur amitié s’est aussi exprimée après la séparation du groupe. Les uns et les autres apparaissaient sur les sessions solo de leurs anciens compagnons, au gré des projets et des calendriers, dans une circulation souple d’idées, de coups de main, et d’attentions. Cette continuité, discrète et profondément affective, nourrit l’image d’une fratrie survivant à l’explosion du plus grand groupe du monde.

L’onde de choc chez les Beatles : intimité et pudeur

La disparition de John Lennon a provoqué chez les Beatles survivants une réaction à la fois publique et intime. Elle a obligé chacun à revivre, en accéléré, la totalité de l’aventure partagée : les clubs de Liverpool, l’Hambre de Hambourg, l’hystérie mondiale, les studios d’Abbey Road, les innovations sonores, les querelles et les réconciliations.

Pour Ringo Starr, l’épreuve a pris la forme, surtout, d’un chagrin qui ne se raconte qu’à demi-mots. Il a accepté d’évoquer l’appel de la Barbade, la course vers New York, la demande de Yoko pour Sean, la dernière visite quelques semaines plus tôt. Au-delà, il garde, volontiers, le silence : non pas pour instaurer un mystère, mais pour préserver ce qui relève de l’amitié et de la mémoire partagée. Dans ce silence, il y a un respect : celui du deuil, celui de la famille, celui d’une histoire vécue.

Le deuil des fans : un chœur planétaire

Si la douleur des proches fut immédiate, celle des fans a pris la forme d’un chœur planétaire. Dans les heures et les jours qui ont suivi, des spontanés de recueillement ont fleuri à travers le monde. On a chanté, on a pleuré, on a tenu des bougies. Les disques des Beatles et ceux de John en solo tournaient en boucle, comme pour tenir tête au silence. Les fans, qui avaient grandi en se construisant des souvenirs sur la voix de Lennon, ont éprouvé le sentiment étrange d’avoir perdu un ami qu’ils n’avaient jamais rencontré.

Ce mouvement populaire a contribué à forger une mémoire collective qui demeure, année après année. À chaque 8 décembre, des voix s’élèvent pour raconter, remercier, commémorer. Les photos d’archives ressortent, les extraits d’interviews reprennent vie, et l’on retrouve, intact, ce mélange de gratitude pour la musique et de tristesse pour l’homme.

Parler d’héritage : l’art contre l’oubli

Quand Ringo Starr dit qu’il manque John au quotidien, il parle à la fois de l’ami et de l’artiste. Car au-delà des symboles, l’héritage musical de Lennon continue d’irriguer le présent. On entend sa plume dans de nouvelles générations de chansonniers, on retrouve son audace dans des artistes qui osent encore mélanger le personnel et le politique, le cri et la tendresse.

Ringo, lui, a choisi la voie d’un hommage continu. Sur scène, dans ses All-Starr Bands, il fait vivre le répertoire des Beatles en l’inscrivant dans la joie partagée du concert. En studio, il a, à plusieurs reprises, glissé des clins d’œil à son camarade disparu. Surtout, à chaque fois qu’on lui demande d’évoquer John, il parle d’amour, de rire, d’amitié, de ce lien invisible et solide qui traverse le temps.

Ainsi, l’art fait barrage à l’oubli. Les chansons restent, scintillent autrement à la lumière des années, gagnent de nouvelles résonances. Elles permettent aussi, autant que faire se peut, de décentrer le récit : ne pas s’arrêter sur la violence du 8 décembre, mais sur tout ce qui l’a précédé et dépassé.

Le poids des mots : pourquoi le récit de Ringo nous touche

Le témoignage de Ringo Starr frappe par son dépouillement. Il ne surjoue pas, ne reconstruit pas une mythologie personnelle autour de la tragédie. Il raconte des faits simples, des mots prononcés, des gestes. L’appel d’un proche, les secondes d’incrédulité, la phrase « il est mort », la décision immédiate de monter dans un avion, la demande de Yoko pour veiller sur Sean, la dernière rencontre à New York où cinq heures se sont envolées comme si leurs voix n’avaient jamais cessé de se répondre.

Ce dépouillement fait affleurer l’humain. Il nous rappelle que derrière les affiches et les pochettes de disques il y a des amis, des familles, des enfants, des habitudes, des rires. Ringo, par sa façon de retenir ses larmes et de retenir ses mots, offre un miroir à notre propre rapport au deuil : chacun d’entre nous a connu un appel au milieu d’une journée ordinaire, un message qui raconte qu’une vie vient de s’arrêter, et que la nôtre va changer aussi.

Ringo, l’art de survivre sans renier le passé

Parler de survie n’est pas trop fort. Pour Ringo Starr, comme pour Paul McCartney et George Harrison tant qu’il a vécu, il s’agissait de poursuivre. Poursuivre une carrière, bien sûr, avec des albums, des tournées, des rencontres artistiques. Mais surtout, poursuivre l’existence, au sens le plus concret : se lever, travailler, voir des amis, rire, créer.

Ringo a choisi de ne pas s’enfermer dans le chagrin. Il a continué de faire de la musique, de « jouer » au sens fort du terme. Ses concerts ont pris, au fil des ans, la forme de célébrations partagées. On y entend des classiques des Beatles, mais aussi des chansons de sa propre discographie, qui témoignent de sa personnalité : un mélange rare d’humour, de gentillesse et d’énergie.

Cette fidélité au présent n’efface rien du passé. Au contraire : elle le met en mouvement. À chaque battement de caisse claire, à chaque break reconnaissable entre mille, Ringo prolonge la conversation commencée il y a plus de soixante ans. Il n’a jamais cessé de dialoguer avec John Lennon, au sens symbolique du terme : en jouant, en parlant de lui, en le nommant, il maintient vivant ce lien qui les unit dans l’esprit des fans.

Le 8 décembre, un rituel de mémoire

Chaque année, le 8 décembre devient pour la communauté des fans des Beatles un moment de mémoire. On relit des interviews, on réécoute des chansons. On se raconte où l’on était quand on a appris la nouvelle, ou ce qu’on a ressenti la première fois qu’on a entendu tel reportage. Pour ceux qui n’étaient pas encore nés, la date prend la valeur d’un repère symbolique : elle dit la fragilité de la vie, et la force des œuvres qui nous survivent.

Pour Ringo Starr, l’anniversaire n’est pas une célébration. C’est un rappel. Il n’a pas besoin de la date pour penser à John ; il y pense, dit-il, tous les jours. Mais ce rituel collectif a aussi son sens : il montre que John Lennon demeure présent dans les cœurs, qu’il n’est pas seulement un personnage de l’histoire de la musique, mais une voix qui continue d’accompagner des vies.

Ce que les fans retiennent des mots de Ringo

Ce que retiennent les fans des mots de Ringo, c’est avant tout leur vérité. Loin d’une rhétorique héroïque, ils disent le désarroi, le réflexe de l’action, la solidarité avec Yoko et Sean, la dernière visite à New York, la difficulté persistante à en parler. Ces éléments, repris au fil des ans, composent un récit qui n’appartient qu’à lui, mais qui rejoint beaucoup de ceux qui l’écoutent.

Dans la communauté beatlesienne, ce témoignage est devenu un texte de référence : on y revient parce qu’il est sobre, parce qu’il incarne un deuil digne, parce qu’il renvoie au cœur de ce qui faisait la force des Beatles : l’amitié, l’équipe, l’écoute. On mesure aussi à quel point la disparition de John a réécrit les trajectoires personnelles et artistiques de ses anciens compagnons.

Une blessure toujours vive, une gratitude intacte

Au bout du compte, Ringo Starr dit deux choses. D’abord, que la blessure reste vive. Qu’évoquer le 8 décembre n’est jamais anodin, que l’émotion le rattrape. Ensuite, que sa gratitude pour John est intacte. Qu’il n’oublie pas les années partagées, l’humour ravageur, les éclats de rire, la musique créée ensemble, les concerts qui ont mis le monde sur orbite, les studios où, nuit après nuit, ils ont mis au point des pièces qui continuent de résonner.

Dans cette tension entre douleur et reconnaissance, il y a la vérité de toute grande amitié. On ne se remet pas de la disparition de ceux qu’on aime ; on apprend à vivre avec. Ringo, par sa simple façon de parler de John, nous révèle un art de la fidélité : nommer l’absent pour mieux l’honorer.

L’éthique d’un témoin : ni spectacle, ni oubli

À l’heure où chaque événement tend à devenir un spectacle, Ringo Starr a choisi la voie de la discrétion. Il ne dramatiser pas la tragédie, il ne capitalise pas dessus. Il répond aux questions lorsqu’elles se posent, puis il revient à ce qui le définit : jouer, composer, partager. Cette position est, en elle-même, un message : on peut témoigner sans exhiber, on peut se souvenir sans fossiliser.

Ce refus du sensationnalisme contribue à éclairer la figure de John Lennon sous un jour juste : celui de l’artiste, du père, de l’ami, de l’homme avec ses forces et ses fragilités. Ringo refuse de réduire John à la violence de sa fin ; il préfère raconter le vivant : la conversation qui reprenait chaque fois qu’ils se voyaient, la fluidité d’une relation qui n’avait pas besoin de grands mots pour exister.

Ringo et la transmission : faire battre le temps

On a souvent dit que Ringo Starr était le battement de cœur des Beatles. La formule est jolie, mais elle dit quelque chose de vrai : dans ses mains, le temps prend forme. Et c’est bien de temps qu’il s’agit, désormais. Celui qui passe et qui affaiblit certains souvenirs, mais qui en renforce d’autres. Celui qui permet d’écouter autrement des chansons qu’on croyait connaître par cœur. Celui qui fait grandir les enfants, comme Sean, devenus des artistes à leur tour.

Ringo, en continuant de tourner et d’enregistrer, offre à ce temps un rythme. Il rappelle que l’histoire des Beatles n’est pas un musée, mais une conversation continue. Chaque concert est un présent partagé, chaque rappel est une promesse : tant que des musiciens joueront ces notes, tant que des foules chanteront ces refrains, John Lennon ne disparaîtra pas.

« Toujours neuf » : une formule pour dire l’indicible

Quand Ringo Starr confie que son chagrin est « toujours neuf », il nomme une expérience que reconnaissent ceux qui ont perdu un ami cher. On peut reprendre le quotidien, retrouver des rites rassurants, rire à nouveau, aimer encore. Et pourtant, il suffit d’une date, d’une image, d’un riff de guitare, pour que la peine remonte, intacte. Cette permanence ne contredit pas la force de vie ; elle lui donne au contraire son prix.

Dans cette phrase, Ringo ne formule pas un programme, il livre une vérité intime. Elle explique pourquoi il bute parfois sur les mots, pourquoi il écourte certaines réponses. Elle explique aussi la chaleur des hommages qu’il rend sur scène, la douceur avec laquelle il parle de Yoko et de Sean, le respect qu’il témoigne à tous ceux qui ont, comme lui, porté la mémoire de John au fil des décennies.

Ringo, la fidélité au bord des larmes

Au fil des ans, les Beatles ont cessé d’être seulement un groupe, pour devenir une mythologie moderne. Mais si l’on écoute attentivement Ringo Starr, on entend autre chose que la légende : on entend la fidélité d’un ami. Un téléphone qui sonne à la Barbade, une voix au bout du fil, une hypothèse qui s’effondre, un vol réservé en urgence, une porte ouverte à New York, un enfant à protéger, une dernière visite qui se transforme en souvenir-lumière.

Ringo dit je suis triste, John me manque, il me manquera toujours. Il ajoute parfois, dans un souffle, qu’il ne comprendra jamais ce qui s’est passé ce soir de décembre. Entre ces deux rives – la peine et l’incompréhension – il a construit une vie entière de musique, d’amitié, et de générosité.

C’est peut-être cela, le plus bel hommage : continuer, jouer, rire, témoigner avec pudeur, et laisser, à chaque fin de concert, la place à la mémoire. Alors, lorsque les dernières mesures s’éteignent et que le public applaudit, on a la sensation que John Lennon est encore là, quelque part, dans la battue de la caisse claire, dans un contretemps bien placé, dans un sourire au coin des lèvres. Ringo Starr, lui, sait mieux que quiconque que certaines présences ne s’évanouissent jamais.

Repères narratifs fondamentaux

Le 8 décembre 1980 demeure la date autour de laquelle tout s’organise : l’agression à l’entrée d’un immeuble de Manhattan, la déclaration du décès, l’onde de choc mondiale. À distance, à la Barbade, Ringo Starr reçoit un appel de Francesca Gregorini, la fille de Barbara Bach. Il pense d’abord à une blessure, puis comprend que John Lennon est mort. Sans perdre une seconde, il vole vers New York, répond à la demande de Yoko Ono : être là pour Sean, « le garder occupé ». Quelques semaines auparavant, John et Yoko ont rendu visite à Ringo dans son hôtel ; cinq heures passées comme une parenthèse lumineuse. Depuis, Ringo confie que la tristesse reste vive, que parler de ce soir-là le bouscule, et que l’amitié demeure, plus forte que l’absence.

Une mémoire en mouvement

Raconter ces mots bouleversants de Ringo Starr, c’est contribuer à une mémoire en mouvement. Les fans ne cessent de réécouter, de découvrir, de compréhender autrement ce que furent les Beatles : pas seulement un phénomène, mais une humanité faite de joies, de doutes, de rires et de larmes. Dans cette humanité, l’hommage de Ringo à John Lennon tient une place singulière : il nous rappelle que la musique est aussi une histoire d’amitié, et que certaines phrases, prononcées un jour de décembre, peuvent encore nous serrer le cœur plus de quarante ans après.

En acceptant de répéter ces quelques mots – « il est mort », « je suis vraiment triste », « il me manque énormément » –, Ringo ne se contente pas de témoigner. Il transmet une éthique : celle qui consiste à honorer les disparus par la fidélité, par la musique, et par la pudeur. Et c’est peut-être ainsi que l’on comprend le mieux la portée de ce 8 décembre 1980 : non comme un point final, mais comme un appel à faire vivre, plus que jamais, la musique et la mémoire de John Lennon.