Avec plus de 30 chefs-d’œuvres, sur la quarantaine d’œuvres connues de l’artiste, voici
la première rétrospective française consacrée à Georges de La Tour depuis 1997. Cette exposition offre l'opportunité de découvrir un des peintres les plus énigmatiques du Grand Siècle pour son utilisation unique de la lumière et son approche singulière du clair-obscur puisque près des deux tiers de son oeuvre sont éclairés à la bougie.Mais auparavant, l’accès au musée proprement dit s'effectue par la montée d’une allée pavée qui autrefois était utilisée par les calèches. Le musée était l’hôtel particulier appartenant à Edouard André, très riche héritier d’une famille de banquiers protestants. Malade et approchant de la cinquantaine, il épouse une modeste artiste peintre catholique, Nélie Jacquemard, avec qui il partage la passion de la collection d’œuvres d’art. Ils voyageront pendant treize ans en Europe pour accumuler leurs trésors.La visite du musée commence par le Salon des Peintres. Il faut traverser plusieurs pièces, emprunter un escalier, puis de nouvelles salles jusqu'à, enfin, accéder à l’exposition temporaire après avoir passé un tourniquet. Les pièces sont relativement étroites et vraiment surpeuplées de public. Par contre les tableaux sont présentés avec un éclairage qui confine au sublime.Baptisé en mars 1593 à Vic-sur-Seille en Lorraine, et issu d’une famille de boulangers, Georges de La Tour est le deuxième d’une fratrie de sept enfants. En 1638, un incendie provoqué par les troupes françaises pendant la Guerre de Trente Ans détruit sa maison, son atelier et une partie de ses œuvres. L’artiste trouve finalement refuge à Nancy, avec une partie de sa famille.En 1639, il est nommé "peintre ordinaire du roi" par Louis XIII. À ce titre, il loge au Louvre et est officiellement reconnu par la cour et le milieu artistique parisien. Il peint à l’apogée de sa carrière pour des mécènes prestigieux tels que le cardinal Richelieu ou les ducs de Lorraine, et devient l’un des notables les plus fortunés de Lunéville.Peu de ses toiles sont signées et datées – parmi elles Les Larmes de Saint Pierre, 1645, Le Souffleur à la pipe, 1647, et Le Reniement de Saint Pierre, 1650 –, ce qui explique qu’il soit rapidement tombé dans l’oubli après sa mort en 1652. Redécouvert seulement en 1915 par l’historien d’art allemand Hermann Voss, il doit sa "renaissance" à l’étude de deux tableaux conservés au musée d'arts de Nantes : L'Apparition de l'ange à Saint-Joseph et Le Reniement de Saint-Pierre.
S’il s’intéresse aux scènes de jeux (Le Tricheur à l’as de carreau, Les Joueurs de dés) et à la peinture de genre, Georges de La Tour est surtout reconnu pour ses toiles religieuses, empreintes d’une intensité spirituelle remarquable sous leur apparente simplicité.Avec Les mangeurs de pois (chiches) on voit combien le peintre s'intéressent aux marginaux, ou du moins aux pauvres, mendiants, aveugles et vieillards. Les personnages sont représentés à taille réelle et leur présence, toujours digne, est troublante. J’ai l’impression que le peintre a toujours eu recours au même modèle, qu’il soit un pauvre ou un saint, un homme d’une cinquantaine d’années, au front dégarni, à la barbe grisonnante. Ceci s’ajoute au fait que la salle des répliques présentent plusieurs versions d'un même tableau.
A propos de l'emploi de la chandelle on remarque que si on la voit souvent nettement elle est parfois placée dans une lanterne ou positionnée derrière une vanité... jouant ainsi un rôle symbolique. Cet éclairage permet au peintre d'évoquer le divin dans une scène qui n'a rien de religieux, comme l'énigmatique Femme à la puce. Son emploi est à son apogée dans Le Nouveau-Né (vers 1647-1648), sans doute son tableau le plus connu, que l'on devine comme étant une nativité où la mère pourrait représenter la Vierge et l'autre femme Sainte Anne.L'héritage caravagesque est évident (éclairage nocturne, figures populaires, dépouillement radical du décor), mais Georges de La Tour substitue à l'emphase dramatique de Caravage une simplicité méditative, une intensité plus feutrée. Le silence presque palpable de la scène, le fond neutre, la palette restreinte et l'immobilité des figures, renforcent le sentiment de recueillement.
En 1745, c'est le souvenir de cette visite qui sert de prétexte au peintre Giambattista Tiepolo pour décorer le vestibule de la villa Contarini. L'artiste vénitien associe à cet évènement illustre la commémoration du mariage de Lucrezia Corner, adossée à la colonne de gauche, avec Vincenzo Pisani, devenu propriétaire de la villa, qui se tient en face d'elle. La fresque offre donc une double lecture, celle de l'événement contemporain et celle, plus ancienne, de la visite du souverain. La fresque de La Renommée annonçant la visite du Roi Henri III qui décore aujourd'hui le plafond du restaurant du Musée, venait compléter celle-ci.
Ce qui est fou c'est qu'un siècle et demi plus tard, les époux André découvrent l'ensemble qui est alors à vendre et en décident l'acquisition pour leur hôtel parisien. Il faut huit mois, de mai 1893 à janvier 1894, juste avant la mort d'Édouard André, pour détacher les fresques, les transporter et les remonter dans la cage de l'escalier d'honneur (qui deviendra l'escalier Tiepolo), et dans le restaurant du Musée. La restauration de l'œuvre murale, réalisée en 1998, grâce au mécénat des Assurances Generali, restitue à la fresque ses qualités premières - effet de trompe-l'œil, illusionnisme, ampleur de la mise en scène et délicatesse de la polychromie - qui nous permettent d'admirer désormais le plus bel ornement de l'hôtel.
Du 11 septembre 2025 au 25 janvier 2026158 Bd Haussmann, 75008 Paris