Des chercheurs révèlent une collaboration étonnante entre orques et dauphins pour la chasse au saumon en Colombie-Britannique. Cette alliance interespèces, documentée dans Scientific Reports, illustre remarquablement l’intelligence et les capacités sociales de ces mammifères marins.
Une coopération qui défie les anciennes théories
Traditionnellement, les scientifiques percevaient les rencontres entre orques et dauphins comme de pures coïncidences ou même des interactions compétitives. Une recherche récente publiée dans Scientific Reports bouleverse cette perception. Dans les eaux de Colombie-Britannique, les biologistes marins ont documenté des comportements suggérant une coordination entre orques résidentes du nord et dauphins à flancs blancs du Pacifique lors de la traque du saumon chinook.
Cette étude s’appuie sur plusieurs années de collecte de données utilisant des technologies complémentaires : surveillance aérienne par drone, caméras sous-marines, capteurs acoustiques et balises temporaires attachées aux orques. L’analyse croisée de ces informations indique que la proximité entre ces deux espèces n’est ni accidentelle ni conflictuelle, mais correspond à un schéma de chasse collaborative.
Quelques images de la collaboration insolite entre des orques et des dauphins
Scientists tracking the behavior of nine northern resident orcas off the coast of British Columbia observed the killer whales seemingly coordinating with Pacific white-sided dolphins to hunt salmon. https://t.co/xuX8aMDVrf pic.twitter.com/YrX9BbxCvZ
— The Washington Post (@washingtonpost) December 11, 2025
Une division naturelle des tâches de chasse
Les orques résidentes du nord présentent un régime alimentaire hautement ciblé, se nourrissant quasi exclusivement de saumon chinook. Ce poisson vigoureux et rapide constitue une cible exigeante, même pour ces prédateurs experts. De leur côté, les dauphins à flancs blancs consomment habituellement des espèces plus petites telles que le hareng et peuvent rarement attraper seuls de gros saumons.
Pourtant, les séquences vidéo analysées révèlent un comportement fascinant : les dauphins nagent en position avancée, effectuent des plongées répétées et modifient leur trajectoire, pendant que les orques suivent leurs mouvements. Les scientifiques comparent le rôle des dauphins à celui d’éclaireurs capables de localiser les concentrations de poissons et de diriger les orques vers les secteurs les plus prometteurs.
Un partage des prises sans conflit territorial
Quand les orques capturent un saumon chinook, elles reviennent régulièrement en surface pour le dépecer et le distribuer entre les membres de leur groupe familial. Durant cette phase alimentaire, les dauphins adoptent un comportement particulièrement significatif : ils s’approchent à proximité immédiate des orques et consomment les fragments de chair qui se dispersent dans l’eau, sans provoquer la moindre agressivité.
Cette tolérance surprend d’autant plus que les orques protègent habituellement leurs captures avec fermeté contre les autres espèces. Néanmoins, les observations ne révèlent aucune manifestation d’hostilité : absence de charges intimidantes, de poursuites ou de vocalisations agressives. Les dauphins semblent parfaitement intégrés à cette séquence de consommation, suggérant que leur participation fait partie du processus global. Cette dynamique pacifique écarte l’hypothèse du kleptoparasitisme, soit le vol opportuniste de nourriture.
Des signaux acoustiques coordonnés sous l’eau
L’analyse des communications sonores dévoile une dimension supplémentaire de cette interaction : l’utilisation alternée de l’écholocation. Les enregistrements révèlent que les deux espèces produisent leurs clics sonar de manière séquentielle, suggérant une possible écoute réciproque qui amplifierait leur perception collective de l’environnement marin.
Dans les eaux profondes où la visibilité demeure réduite, l’écholocation représente un outil fondamental pour localiser les proies. En synchronisant leurs émissions ultrasonores, orques et dauphins pourraient optimiser considérablement leur capacité à détecter les bancs de saumons et à harmoniser leurs déplacements. Cette piste de recherche nécessite encore des investigations approfondies, mais elle souligne la sophistication potentielle de ces communications interspécifiques.
L’équipe scientifique a documenté de nombreux épisodes où les orques ont délibérément suivi des dauphins engagés dans la recherche de nourriture. Dans plusieurs cas observés, les dauphins restaient présents pendant que les orques consommaient leurs prises, consolidant l’hypothèse d’un arrangement mutuellement bénéfique.
Révision des connaissances sur l’intelligence marine
Les orques bénéficiaient déjà d’une reconnaissance scientifique pour leurs méthodes de chasse élaborées au sein de leurs pods familiaux et pour leurs variations culturelles selon les populations. Les dauphins possèdent également une solide réputation concernant leurs capacités cognitives et leurs organisations sociales sophistiquées.
Constater que ces deux espèces peuvent interagir de façon structurée et coordonnée remet en cause nos présupposés sur les frontières de la coopération dans le monde animal.
Les auteurs de l’étude soulignent que leurs travaux ne fournissent pas une preuve absolue d’une alliance généralisée, mais démontrent indéniablement que les relations entre espèces marines peuvent présenter une complexité et une adaptabilité insoupçonnées.
En documentant ces séquences de chasse conjointe entre orques et dauphins, les chercheurs découvrent progressivement un univers océanique où l’adaptation comportementale, l’apprentissage social et les stratégies collaboratives transcendent les limites d’une seule espèce.