Dix ans après l’Accord de Paris, quel bilan dans la zone Caraïbes ?

Publié le 13 décembre 2025 par Caribbeanstyle

Depuis 2015, le traité a permis d’inscrire la lutte contre le changement climatique au cœur des politiques nationales et d’accélérer la transition énergétique. Toutefois, les émissions continuent d’augmenter, preuves de l’insuffisance des efforts déjà engagés pour freiner le réchauffement global. Dans la Caraïbe, le changement climatique est désormais une réalité pour les populations.

De réels progrès mais des engagements encore insuffisants

Depuis 2015, l’Accord de Paris a favorisé une montée en puissance des plans climatiques nationaux. Les États ont placé la lutte contre le changement climatique au cœur de leurs stratégies économiques et énergétiques avec le développement des énergies renouvelables.

En France, en 2023, les émissions de gaz à effet de serre ont ainsi diminué de 4,8 % par rapport à 2022. Cette baisse, la plus forte enregistrée depuis 2015, résulte d’une production d’électricité plus propre et des économies d’énergie dans plusieurs secteurs

Les décisions judiciaires contre des États et des entreprises ont par ailleurs contribué à l’émergence d’une justice climatique.

Néanmoins, malgré les efforts engagés, l’objectif d’un réchauffement limité à 1,5 °C est loin d’être atteint. Les émissions mondiales n’ont pas diminué au rythme préconisé par les scientifiques, et les financements climatiques demeurent insuffisants.

Dans les états de la Caraïbe, ces progrès insuffisants se traduisent déjà par des bouleversements durables.

Une réalité du changement climatique déjà quotidienne dans la Caraïbe

La région est aujourd’hui l’une des zones les plus affectées par les dérèglements climatiques. L’élévation du niveau de la mer provoque des submersions plus fréquentes, et accélère l’érosion des zones littorales. Dans ces territoires insulaires, les infrastructures essentielles telles que les routes, les ponts, les ports et les établissements publics et privés et les habitations souvent situées en zones côtières, sont menacées.

cartographie BRGM

 En Guadeloupe, les travaux de cartographie menés par le BRGM dans sept communes exposées (dont Les Abymes, Le Gosier, Sainte-Anne ou encore Saint-François) montrent que les zones urbanisées, les espaces touristiques et plusieurs secteurs stratégiques sont directement menacés par les phénomènes de submersion marine.

Ces analyses identifient des secteurs où digues, routes littorales, quartiers bas et zones de mangroves affaiblies sont susceptibles d’être submergés lors d’épisodes cycloniques ou de fortes houles.

Ces résultats illustrent une tendance régionale : la montée des eaux, l’affaiblissement des récifs coralliens, première barrière naturelle, et l’intensification des tempêtes accroissent fortement la fréquence et la gravité des inondations côtières dans les îles caribéennes. Dans plusieurs territoires, la submersion marine n’est désormais plus un scénario envisagé mais un phénomène régulier.

L’intensification des tempêtes tropicales et le blanchissement des récifs coralliens réduisent la capacité de protection naturelle des côtes, aggravant encore les risques de submersion et d’érosion.

Par ailleurs, l’intrusion d’eau salée dans les nappes phréatiques réduit l’accès à l’eau potable et menace l’agriculture. Une problématique critique pour des petits États insulaires, où les réserves d’eau douce sont limitées.

La crise des Sargasses aggravée par le changement climatique

Les échouages massifs de sargasses, exacerbés par la hausse des températures océaniques, constituent une crise sanitaire, économique et environnementale. Les gaz toxiques émis par les algues brunes menacent la santé des populations. Les sargasses dégradent les plages, nuisent à la pêche et au tourisme.

Dans les iles vierges britanniques, l’afflux massif des algues affectent les infrastructures de désalinisation de l’eau, mettant en péril l’accès à une eau potable de qualité dans certains quartiers.

Des enjeux de justice climatique

Dix ans après l’Accord de Paris, l’un des éléments marquants du bilan mondial est la fragilisation des financements climatiques, en particulier en provenance de pays historiquement moteurs comme les États-Unis. Les contributions américaines destinées aux fonds multilatéraux comme le Fonds vert pour le climat ont connu des coupes. Une situation qui pénalise la zone caribéenne dont de nombreux territoires dépendent de ces mécanismes financiers pour porter leur stratégie d’adaptation.

Les Caraïbes contribuent très peu aux émissions mondiales de gaz à effet de serre, pourtant elles paient l’un des prix les plus élevés. Les voix de ces petits territoires insulaires peinent à se faire entendre sur la scène internationale. Une asymétrie qui place la justice climatique au cœur du débat régional. Les communautés les plus fragiles économiquement et socialement sont en première ligne face aux effets du changement climatique.

Pourtant, à l’échelle locale, des initiatives voient le jour. A la Dominique, les Kalinagos, peuple autochtone dont le territoire se situe dans des zones vulnérables et dont les ressources dépendent d’écosystèmes fragilisés, veulent s’inscrire dans les rangs des acteurs du changement. Forts de leurs savoirs ancestraux, ils veulent participer à la stratégie climatique. Leurs connaissances sur la gestion durable des forêts, la protection des sols et leurs pratiques agroécologiques sont un atout indéniable pour les politiques d’adaptation.

Une expertise sur laquelle, le gouvernement dominicais tend désormais à s’appuyer pour construire ses stratégies. Un membre de la communauté, Cozier Frederick, a ainsi été nommé au poste de ministre de l’Environnement et de la Promotion des Kalinagos en Dominique.

Cozier Frederick

Vers une gouvernance plus inclusive

La COP30, qui s’est tenue au mois de novembre en Amazonie, a rappelé l’urgence de renforcer les engagements mondiaux. Des priorités ont été identifiées pour la zone Caraibe telles que l’augmentation des financements pour l’adaptation, l’investissement dans une gestion durable de l’eau, la protection des littoraux et des infrastructures critiques, une réponse coordonnée à la crise des sargasses, le renforcement des systèmes d’alerte et de reconstruction après les catastrophes naturelles et l’intégration des communautés locales et autochtones dans la gouvernance climatique.

L’Accord de Paris a permis de poser un cadre essentiel, mais son efficacité dans la région dépendra de la capacité des États et des institutions internationales à accélérer l’action. La prochaine décennie sera cruciale pour répondre aux objectifs fixés et réduire les inégalités.