Théodore Agrippa d’Aubigné— Square du Vert Galant
Sorti de la rue des Suisses je n’avais guère que deux variantes. Comme dans l’isoloir. Alésia à droite ou à gauche. Le jeudi et le vendredi la droite l’emportait. Alésia, Tolbiac le jeudi pour mon cours de piano, le vendredi je poussais jusqu'à la BNF et les quais de Bercy pour nager en Seine dans la barge transformée en piscine Joséphine Baker puis, après une heure à barboter, je rentrais à Alésia par l’avenue Vincent Auriol, la Glacière, Place d’Italie, Denfert Rochereau, Daguerre et Losserand ou variante champêtre les samedis et dimanches par Austerlitz, Jardin des Plantes — à l’heure des cerisiers blancs — Contrescarpe, l’enfilade jardins du Luxembourg et Observatoire, Denfert, Froidevaux, Losserand. Il y avait des piscines plus prés et des cours de piano à domicile mais c’était trop proche (?!)
Les autres jours de la semaine c’était Losserand à gauche toute, attraversiamo par le cimetière du Montparnasse et enquiller par l’entrée Vavin, Luxembourg, le Bld Saint Michel, un bout du quai des Orfèvres le long de la Seine jusqu’au square du Vert Galant, lire les vers de Theo « Jour qui avec horreur parmi les jours se compte/Qui se marque de rouge et rougit de sa honte. » Agrippa d’Aubigné sur son ex voto à la pointe de l’île de la Cité, franchir la Seine au Pont Neuf sous la statue d’Henri IV en regardant la Samaritaine dans les yeux ignorant les Montand/Signoret de gauche de la place Dauphine à droite puis la cour Carrée du Louvre et azimut Montmartre par le Palais Royal, Vivienne et les Galeries, notre Dame de Lorette — c’était bien chez…— et je montais à la basilique par la rue des Martyrs en fredonnant la bande son des Garçons Bouchers. Cela me faisait une semaine bien remplie d’une centaine de kilomètres à pieds et j’emportais un peu de Paris à la semelle de mes souliers
Ce Paris qu’il est si snob de vomir avec l’aigreur fétide des prostatiques de la team « c’était mieux avant»Paris c’est une chanson par rue, une femme par quartier, un amour par arrondissement. Je n’y marche pas comme en pèlerinage n’y ni déambule comme dans un cimetière, je flâne, j’erre et je musarde de Bercy au Pont Mirabeau et, du levant au ponant je tangue et je frissonne et je chavire entre Barbara et Aragon, l’ami Brassens m’apprend l’art du ricochet, l’amour de la rime et la défiance envers les cons et le vent fripon sur le pont des Arts si par hasard…il m’arrive de m’asseoir parterr’ comm’ça un beau matin fatigué sur le trottoir d’à côté. Paris pas vu, Paris pas pris— Paris décembre 2025