Ravi Shankar a révolutionné la musique en introduisant le sitar sur la scène internationale et en fusionnant la tradition indienne avec la musique occidentale. Virtuose, compositeur et pédagogue, il a collaboré avec des artistes comme George Harrison et Yehudi Menuhin, contribuant à la popularisation du raga. Son influence perdure à travers ses héritiers musicaux et son impact sur la musique moderne.
Ravi Shankar n’est pas seulement un nom parmi tant d’autres dans l’histoire de la musique classique indienne. Il est l’incarnation d’un lien unique entre l’Orient et l’Occident, entre la tradition musicale séculaire de l’Inde et l’effervescence de la scène musicale mondiale du XXe siècle. En traversant les époques et les cultures, Shankar a non seulement porté le sitar, cet instrument emblématique de la musique classique indienne, sur la scène internationale, mais a aussi modifié à jamais le paysage musical de son époque. Ce virtuose, compositeur et pédagogue de génie a marqué l’histoire à travers sa musique enchanteresse, ses collaborations avec des artistes occidentaux et son engagement infatigable pour la diffusion de l’héritage musical indien.
Sommaire
- Des débuts marqués par la danse et la découverte
- L’Apprentissage de la Musique Classique Indienne
- La Musique de Ravi Shankar : Une Fusion entre Tradition et Modernité
- La Collaboration avec George Harrison et l’Exploration de la Musique Pop
- La Diffusion du Sitar et l’Engagement de Ravi Shankar
- Un Héritage Musical Inégalé
Des débuts marqués par la danse et la découverte
Né le 7 avril 1920 à Varanasi, en Inde, dans une famille bengalie, Ravi Shankar grandit dans un environnement culturellement riche, où la musique et la danse occupaient une place essentielle. Son père, Shyam Shankar Chowdhury, un érudit et avocat respecté, et sa mère, Hemangini Devi, l’élevèrent dans un cadre familial traditionnel. C’est cependant son frère aîné, Uday Shankar, danseur et chorégraphe de renom, qui joua un rôle majeur dans l’initiation de Ravi aux arts de la scène.
Dès son plus jeune âge, Shankar se consacra à la danse, rejoignant la troupe de danse de son frère. À l’âge de 10 ans, il partit pour Paris avec la troupe de son frère, se produisant en Europe tout en s’immergeant dans la culture occidentale. Ce fut durant cette période qu’il découvrit la musique classique occidentale, le jazz et le cinéma. Toutefois, son destin musical était déjà tracé. À 18 ans, ravi par la rencontre d’Allauddin Khan, un maître du sitar et de la musique classique indienne, il décida de quitter la danse pour se consacrer entièrement à la musique.
L’Apprentissage de la Musique Classique Indienne
Sous la direction du vénérable Allauddin Khan, Ravi Shankar entra dans le monde sacré de la musique classique hindoustanie. Dès 1938, il se rendit à Maihar pour apprendre le sitar et d’autres instruments traditionnels indiens, comme le surbahar. L’enseignement de Khan était rigoureux, basé sur la méthode traditionnelle du gurukul, où l’élève vit et apprend auprès de son maître. Ravi Shankar passa plusieurs années à étudier non seulement les ragas et les taals (cycles rythmiques), mais aussi les subtilités des techniques des instruments comme la veena et le rubab.
Cette formation intense et assidue, combinée à une forte influence de la musique classique du sud de l’Inde (Carnatique), forgea le style unique de Shankar, caractérisé par des improvisations raffinées et des explorations rythmiques inédites. Son premier concert public en 1939, en duo avec Ali Akbar Khan, un autre élève d’Allauddin Khan, marqua le début de sa carrière en tant que sitariste de renommée internationale.
La Musique de Ravi Shankar : Une Fusion entre Tradition et Modernité
Ravi Shankar a toujours cherché à fusionner la musique classique indienne avec les influences musicales de l’Occident. Dès les années 1940, il composait pour le cinéma et la scène, contribuant à des films comme Pather Panchali (1955) de Satyajit Ray, où sa musique envoûtante ajoutait une dimension émotionnelle à l’œuvre du réalisateur. Le génie de Shankar résidait dans sa capacité à utiliser des instruments traditionnels indiens tout en expérimentant avec des éléments de la musique occidentale. En tant que directeur musical de la radio All India Radio (AIR) de New Delhi de 1949 à 1956, il joua un rôle essentiel dans la modernisation de la musique indienne en l’intégrant aux formes musicales occidentales.
Ce métissage culturel se concrétisa au début des années 1960, lorsqu’il commença à se produire à l’international, notamment en Europe et aux États-Unis. Ses premières collaborations avec des musiciens occidentaux, dont le violoniste Yehudi Menuhin, marquèrent un tournant dans sa carrière. En 1967, sa rencontre avec le guitariste des Beatles, George Harrison, allait devenir l’un des moments les plus marquants de son parcours. Ce dernier, fasciné par la musique indienne, fut initié au sitar par Shankar et devint son disciple.
La Collaboration avec George Harrison et l’Exploration de la Musique Pop
George Harrison, qui avait déjà été influencé par le son du sitar dans Norwegian Wood (This Bird Has Flown), se rendit en Inde en 1966 pour étudier avec Shankar. Cette rencontre allait non seulement changer la trajectoire musicale des Beatles, mais aussi contribuer à l’introduction de la musique indienne dans la pop occidentale. Ravi Shankar joua un rôle clé dans la popularisation du sitar et des ragas dans les années 1960, et son influence se fit sentir bien au-delà des cercles de musique classique.
La relation entre Shankar et Harrison n’était pas seulement musicale, mais aussi philosophique. En s’intéressant aux enseignements spirituels de l’Inde, Harrison se tourna vers la musique comme un moyen d’expression religieuse et méditative. Ce lien profond entre les deux hommes se concrétisa par la participation de Shankar au Concert for Bangladesh en 1971, un événement historique organisé par Harrison pour aider le peuple bengali.
À partir de ce moment, Shankar devint une figure incontournable dans le monde de la musique populaire. Le sitar, autrefois perçu comme un instrument exclusivement traditionnel, devint un symbole de la quête spirituelle des années 60 et 70. Ravi Shankar et George Harrison continuèrent à collaborer tout au long des années 70, enregistrant ensemble des albums et organisant des tournées mondiales.
La Diffusion du Sitar et l’Engagement de Ravi Shankar
Au-delà de ses collaborations avec Harrison, Ravi Shankar n’a cessé de travailler à la diffusion de la musique indienne dans le monde entier. Ses tournées en Europe, en Amérique et en Asie, ses enregistrements avec des musiciens du monde entier, et ses participations à des festivals comme le Monterey Pop Festival (1967) et Woodstock (1969), ont contribué à populariser la musique classique indienne auprès du grand public. À travers ses collaborations avec des artistes comme Yehudi Menuhin, Shankar établit des ponts entre l’Inde et l’Occident, et son influence se fit sentir dans des genres aussi divers que le jazz, la musique classique et la musique populaire.
Ravi Shankar introduisit également de nouvelles techniques dans la pratique du sitar, en développant des sonorités inédites et en explorant des variations rythmiques complexes. Son style distinctif, alliant tradition et innovation, a marqué les générations suivantes de musiciens. Sa capacité à intégrer des éléments de la musique occidentale tout en restant fidèle aux principes fondamentaux de la musique indienne a fait de lui l’un des plus grands musiciens du XXe siècle.
Un Héritage Musical Inégalé
Tout au long de sa vie, Ravi Shankar fut honoré de nombreux prix et distinctions pour son impact incommensurable sur la musique mondiale. Il reçut le Bharat Ratna, la plus haute distinction civile de l’Inde, en 1999, et quatre Grammy Awards, dont un pour l’album The Concert for Bangladesh. Il fut également nommé membre d’honneur de l’Académie des Arts et des Lettres des États-Unis et reçu des diplômes honorifiques de plusieurs universités prestigieuses.
Son influence perdure à travers ses enfants, Anoushka Shankar et Norah Jones, qui ont, chacune à leur manière, continué à porter le flambeau de son héritage. Anoushka, sa fille, a su allier son propre style au sitar tout en continuant à explorer de nouvelles frontières musicales, tandis que Norah, la fille qu’il eut avec la productrice de concerts Sue Jones, est devenue l’une des artistes les plus populaires de la scène musicale contemporaine, remportant de nombreux Grammy Awards.
Ravi Shankar n’était pas simplement un virtuose du sitar, mais un visionnaire qui a su, par son génie et son ouverture d’esprit, transformer la manière dont le monde perçoit la musique indienne. Il a fait du sitar un symbole mondial, et son impact sur la musique pop, le jazz, la musique classique et la musique du monde reste incommensurable. Par son travail, il a forgé une compréhension nouvelle entre l’Orient et l’Occident, établissant des connexions profondes entre des cultures apparemment très différentes.
Il continue de vivre à travers sa musique, et son nom est désormais à jamais lié à l’introduction des sonorités indiennes dans la musique moderne. Ravi Shankar, à la fois maître et messager, aura donc su, toute sa vie durant, transmettre son art avec une passion et une ferveur inégalées.