Quatrième de couverture :
La vie est un sac de nœuds. Elle noue et dénoue sans ménagement le destin des êtres humains. Les nouvelles de ce recueil sont à son image : drôles, cruelles, inattendues, bouleversantes. On y trouve pêle-mêle un amour de jeunesse, un mari congelé, une mère malgré elle, la voix d’un fantôme, un pénis perdu, une justicière dans le bus, une libraire accrochée à ses livres comme une naufragée dans la tempête.
Autant de femmes et d’hommes qui font de leur mieux pour démêler les fils de leur existence.
Tout d’abord merci aux éditions Quadrature et à Patrick Dupuis pour l’envoi de ce livre que j’ai demandé en SP en ayant lu les deux premières nouvelles (et en restant sur ma faim) et en me souvenant de l’excellent premier recueil de Luc Leens, Le père que tu n’auras pas.
La première nouvelle, Hannah, est très émouvante : un homme retrouve une femme, une encadreuse aimée quand il était étudiant à Lille, des retrouvailles silencieuses riches de leurs conversations passées. Luc Leens a l’art de camper des personnages et de créer une atmosphère poignante.
La deuxième, Le chat, la souris et le petit oiseau (celle dont je voulais absolument connaître la fin), m’a beaucoup amusée par son point de vue, le narrateur est un chat futé qui illustre à merveille le principe « Un chat n’a pas de maître, il a une maison » (et il est prêt à tout pour y rester, si nécessaire).
La nouvelle qui donne son titre au recueil est bien une affaire de sacs intervertis par erreur, dont l’un chamboule la vie de son narrateur. La vie est pleine de surprises, décidément, et peut vous mener dans le Béarn.
Vous voulez savoir ce qui est arrivé à ce pénis perdu dont parle la quatrième de couverture ? Lisez L’attribut du sujet et amusez-vous !
J’ai bien aimé aussi La gourde qui nous emmène dans des ascenseurs, notamment les ascenseurs à bateaux du Canal du Centre et un banal ascenseur en panne qui change la donne.
D’autres nouvelles abordent des thèmes de société comme un centre d’accueil pour migrants (et l’accueil qu’on lui fait) dans La fillette sur la loggia ou le harcèlement scolaire dans L’effet boule de neige, un Conseil de famille, et cet émouvant destin d’une libraire et d’un client fidèle à L’écume des jours dans Tanguer la dunette.
Luc Leens nous conte des histoires parfois très courtes, souvent de quelques pages seulement, des situations très variées, familières ou surprenantes, ancrées dans un terroir ou dans le quotidien, ses personnages sont tout de suite attachants, et son humour léger, tantôt noir, tantôt rosse, fait merveille. Un auteur à suivre, incontestablement !
« Hannah
Je suis entré dans ce café par hasard. Mais peut-on parler de hasard lorsqu’on pénètre dans un lieu qui vous ressemble à ce point ? Le Pochtron-Minet était un estaminet comme je les aime : des affiches à la fenêtre, un jeu d’échecs sur une table, des vieux qui jouent à la belote, des amoureux qui se tiennent la main et une carte sans fin de bières belges. Le genre d’endroit où, trente ans plus tôt, j’étais capable de passer une journée entière… Et la nuit, s’il le fallait. À droite, les buveurs. À gauche, des tables recouvertes de nappes en papier bon marché. Le menu était minimaliste : omelette, salade et spaghettis bolo. Le plat du jour : lapin aux pruneaux. Le bonheur ! Surtout après une réunion aussi interminable qu’inutile. Dans cette ville où je ne connaissais rien ni personne, j’étais comme un naufragé qui retrouve la terre ferme.
Le rush de midi était passé. Une table s’était libérée.
– Installez-vous là, m’a dit le patron, en la désignant du menton. Je viens débarrasser tout de suite.
Emballage de sucre éventré, miettes de pain, poussières de tabac, traces de gros rouge. Un seul coin de la nappe avait échappé au carnage. Il était recouvert d’un dessin. En quelques traits de crayon gras, son auteur avait donné vie à un portrait d’une beauté saisissante. C’était une femme. La soixantaine.
C’était un croquis réalisé sur le vif. On distinguait les premiers coups de crayon, jetés à la hâte sur le papier afin de ne pas attirer l’attention du modèle. L’artiste était ensuite repassé sur certains d’entre eux pour mettre en évidence l’énergie de ce visage solaire. Il n’avait pas oublié d’ajouter quelques ombres laissant entrevoir ses fêlures. »
Luc LEENS, Sac de noeuds, Quadrature, 2025
En 2025, Quadrature fête ses 20 ans !