John Lennon aurait-il dû chanter « Oh! Darling » à la place de McCartney ?

Publié le 19 décembre 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

La relation entre Lennon et McCartney oscillait entre collaboration et rivalité. En 1980, Lennon déclara qu’il aurait mieux chanté « Oh! Darling » que McCartney. Ce dernier, perfectionniste, travailla sa voix jour après jour pour capter l’intensité recherchée. Cette anecdote illustre la compétition artistique entre les deux génies des Beatles et laisse planer la question : à quoi aurait ressemblé « Oh! Darling » chanté par Lennon ?


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Une rivalité ancrée dans la collaboration

Lorsqu’on parle de la relation entre John Lennon et Paul McCartney au sein des Beatles, deux visions s’entremêlent : celle d’un duo créatif révolutionnaire et celle d’une compétition féroce. Bien que leurs noms soient indissociables des crédits de la majorité des chansons du groupe, le partenariat Lennon-McCartney, tel qu’on l’imagine souvent, s’est transformé dès que leur carrière a pris de l’ampleur. Dans les premières années, l’équipe écrivait des chansons « face à face », presque littéralement, dans une communion d’esprit. Mais au fil du temps, ce mode de travail a évolué, laissant place à une dynamique où chacun apportait des morceaux déjà bien avancés en studio. Ainsi, la collaboration pure a progressivement laissé place à un échange plus distant, voire parfois concurrentiel.

Les mots de Lennon sur « Oh! Darling »

C’est dans ce contexte qu’une remarque de John Lennon, en 1980, a fait surface. Lors d’une interview célèbre avec le journaliste David Sheff pour Playboy, Lennon s’est livré à une série de réflexions sur l’œuvre des Beatles, ne se gênant pas pour critiquer certains morceaux, souvent ceux écrits par McCartney. Mais au-delà des piques habituelles, il a aussi exprimé son admiration pour certaines chansons, notamment « Oh! Darling », issue de l’album Abbey Road. Ce morceau, bien qu’apprécié par de nombreux fans, n’est pas toujours considéré comme un classique au même titre que « Yesterday » ou « Let It Be ». Pourtant, Lennon estimait qu’il aurait pu offrir une interprétation supérieure à celle de McCartney. « ‘Oh! Darling’ était une grande chanson de Paul qu’il n’a pas si bien chantée », a-t-il déclaré, avant d’ajouter : « Je pensais toujours que je pouvais faire mieux. » Une confidence qui, même des décennies plus tard, continue d’alimenter les discussions sur l’alchimie et les tensions au sein du duo.

Une performance à l’usure

De son côté, Paul McCartney n’a jamais pris à la légère son rôle de chanteur principal sur « Oh! Darling ». Alan Parsons, ingénieur du son sur Abbey Road, se rappelle comment McCartney venait plusieurs jours de suite pour enregistrer sa partie vocale, mais toujours en s’arrêtant après une seule prise. « Il voulait capturer une certaine rugosité, une intensité qui ne pouvait venir qu’après un seul essai », expliquait Parsons. McCartney lui-même a reconnu que sa voix, plus jeune, aurait peut-être été mieux adaptée à l’exercice. Pourtant, il s’est obstiné, allant jusqu’à pousser ses cordes vocales à la limite, comme l’a rapporté Geoff Emerick dans son ouvrage Here, There and Everywhere. Pour Emerick, cette volonté acharnée de McCartney de garder le contrôle de la chanson traduisait en partie son ego, l’empêchant de considérer Lennon comme une alternative potentielle pour le chant principal.

Lennon et le « style » de « Oh! Darling »

Lennon, qui avait contribué à certains des morceaux les plus audacieux et émotionnels du répertoire des Beatles, pensait que sa voix plus âpre, plus chargée d’émotion brute, aurait mieux servi le caractère bluesy de « Oh! Darling ». Ce n’est pas une idée difficile à concevoir. Après tout, Lennon avait déjà démontré sa puissance vocale sur des chansons comme « Twist and Shout », où sa voix rugissante s’était imprimée dans les esprits. Son approche aurait pu donner une dimension plus viscérale au morceau. Cependant, comme il l’a lui-même reconnu, la dynamique du groupe n’allait pas dans ce sens : « Il l’a écrite, donc bon, c’est lui qui va la chanter », a-t-il concédé. Malgré cette reconnaissance des rôles, il ne s’est pas empêché de dire à Sheff : « Si Paul avait eu du bon sens, il aurait dû me laisser la chanter. »

Un « et si » musical

En écoutant « Oh! Darling » aujourd’hui, il est difficile de nier la qualité de la performance de McCartney. La voix qu’il a finalement capturée, bien que travaillée et perfectionnée, porte une intensité qui sert magnifiquement la chanson. Mais Lennon avait raison sur un point : une version chantée par lui aurait emmené la chanson dans une direction complètement différente. Ce qui est fascinant dans cet échange à travers le temps, c’est qu’il ne s’agit pas seulement d’une dispute d’egos. C’est aussi une question de style, d’interprétation et de vision artistique.

Lennon a souvent été décrit comme le Beatle à la voix plus rocailleuse et sincère, tandis que McCartney possédait une gamme plus lisse et polyvalente. Leur dualité a toujours été une force motrice des Beatles, mais dans le cas de « Oh! Darling », cette différence a aussi nourri un sentiment d’inachevé. Aurait-on préféré une version plus brute, plus vulnérable ? Ou était-il inévitable que McCartney, perfectionniste à l’extrême, garde cette chanson comme un de ses moments intimes sur l’album ?

Un héritage partagé

En fin de compte, « Oh! Darling » reste l’un des nombreux morceaux des Beatles qui témoigne de la complexité de leur collaboration. Bien qu’il n’ait pas eu l’opportunité de chanter cette chanson, Lennon a tout de même influencé de nombreuses compositions de McCartney, et vice versa. Leur compétitivité, parfois tendue, a donné naissance à un catalogue musical riche et varié, qui continue de captiver des générations d’auditeurs. Les spéculations sur ce que « Oh! Darling » aurait été avec la voix de Lennon sont fascinantes, mais elles ne changent rien à la réalité : ces deux artistes, avec leurs différences et leurs querelles, ont façonné ensemble une œuvre qui reste indélébile.

Ainsi, « Oh! Darling » symbolise une époque où les Beatles, malgré les tensions croissantes, réussissaient encore à produire de la magie. Et bien que Lennon n’ait jamais pu prendre le micro sur cette chanson, il est impossible de nier que son ombre, sa voix et son esprit y résonnent d’une manière ou d’une autre.